dimanche 28 mai 2017

Journal d'un vampire ★★★★☆ de Mathias Malzieu


Éditions Albin Michel, novembre 2016
230 pages
Prix Pèlerin du témoignage 2016
Prix Jean Bernard de l'Académie de Médecine 2016
Prix Essai France Télévisions 2016

Me faire sauver la vie est l'aventure la plus extraordinaire que j'aie jamais vécue.

« Ce livre est le vaisseau spécial que j'ai dû me confectionner 
pour survivre à ma propre guerre des étoiles. 
Panne sèche de moelle osseuse. 
Bug biologique, risque de crash imminent. 
Quand la réalité dépasse la (science-) fiction, 
cela donne des rencontres fantastiques, 
des déceptions intersidérales 
et des révélations éblouissantes. 
Une histoire d'amour aussi. 
Ce journal est un duel de western avec moi-même 
où je n'ai rien eu à inventer. 
Si ce n'est le moyen de plonger en apnée 
dans les profondeurs de mon cœur. »
Mathias Malzieu


Mon avis ★★★★☆


Mathias Malzieu nous entraîne dans une aventure puissante, l'aventure la plus extraordinaire qu'il n'ait jamais vécue, écrit-il.

Il nous transfuse de sa belle plume, retranscrit sa lutte acharnée pour la survie, contre «Dame Oclès», injecte humour et jeux de mots bien pensés et savamment distillés pour transformer ce témoignage intime en un très beau et émouvant message d'espoir. 

L'écriture et la création comme thérapies, des thérapies salvatrices pour ce touchant «Vampire en pyjama» qui s'est fait «hacker le système immunitaire», pour s'arracher des méandres capricieux de la maladie, pour dompter ses émotions et ses peurs, rester soi-même, «pour trouver l'équilibre, pour apprendre à faire le con poétiquement [...] Doser l'espoir au jour le jour. Transformer l'obscurité en ciel étoilé. Décrocher la lune tous les matins et aller la remettre en place avant la tombée de la nuit.», pour renaître une seconde fois, pour s'accrocher à la vie, y croire encore et toujours  ... pour notre plus bonheur.
«Je veux cracher un dernier bouquet d'étincelles avant l'hiver, quoi qu'il arrive. Parce que je ne sais pas de quoi demain sera fait, je ne peux pas attendre de faire un nouvel album avec le groupe, un livre et encore moins un film. Alors je m'accroche à ce journal d'un vampire en pyjama au jour la nuit et enregistre chansons et poèmes dans mon siège-œuf : le plus petit studio jamais recensé. Ce rêve instantané répond à ma consignation à domicile. C'est se fabriquer l'outil pour partir à l'aventure à la maison et aller pêcher l'improvisation et le partage [...]. Voyager de chez moi, voyager chez moi. Question de sur-vie.»
Brillant !
Merci Mathias Malzieu !

En fond sonore 
* album "Vampire en pyjama"
* album "Jack et la mécanique du coeur"
* "Nature One" de Folk Impulsion «Grand groupe de rock miniature, apôtres du fait-maison ludique», écrit Mathias Malzieu.
* "Air" de Charlotte Gainsbourg «I.R.M....je pense à sampler les bruits impressionnants de la machine, mais Charlotte Gainsbourg a déjà fait le coup avec Air. Je ne réécouterai plus cette fantastique chanson de la même façon désormais.»



Là tout de suite après avoir tourné la dernière page
* carpe diem
* faire un tour à la librairie Shakespeare and Company
«...une caverne d'Ali Baba pour qui aime lire. On se croirait dans un grenier magique, à intérieur d'un arbre dont les feuilles seraient des livres. J'ai trouvé mon église, j'y dissous une partie de mes angoisses. Ici, je peux vénérer peinard les dieux que je choisis : Jack Kerouac, Roald Dahl, Richard Brautigan ou Walt Whitman.»
* apprendre à faire du skate
* écouter Dionysos en boucle


Une nouvelle fois Merci Mathias Malzieu !
«Une maladie du sang aussi grave que rare. C'est «idiopathique», comme ils disent, on n'en connaît pas la cause. J'imagine que mes excès de nuggets-crêpes et autres Coca avec un peu de whisky dedans ont quelque chose à voir avec tout ça mais apparemment pas. Le rock'n'roll ? La mélancolie ? Le chagrin d'amour ? La joie enragée ? Le sommeil bâclé ? Le deuil raté ? Le Nutella ? Non plus. C'est une loterie, un accident biologique. Ça peut arriver à tout le monde et ça n'arrive à presque personne. Une centaine de cas seulement en France. Pour la plupart des enfants ou des personnes âgées. Je suis un collector.
Au service hématologie de Cochin, même les plus jolies filles portent des chaussures en plastique de mémé et tout le monde est déguisé en fantôme froissé. La musique des machines à perfuser est une symphonie de sonneries de radioréveil des années 80. Les draps jaunes des «Hôpitaux de Paris» ont la même couleur que l'urine. Sans doute pour qu'on puisse se pisser dessus incognito. Mais tu es accueilli ici comme dans un château sept étoiles.
Je commence à m'attacher à eux. Ils m'impressionnent de patience et d'écoute. Ils tiennent droit dans ce flot d'ombres à grumeaux qui balaient les couloirs de l'hôpital. Ils pilotent des canaux de sauvetage avec de tout petits gouvernails dans des tempêtes de détresse. Ils sont beaux.
Les doutes s'installent vite une fois enfermé en chambre stérile avec des fils partout et un petit bracelet en plastique siglé de son nom et d'un code-barres. La confiance en soi est ébranlée. Le désir amoureux, lui, devient nébuleux. Être privé de vie sociale. Ne plus travailler. Dans le regard des uns ou l'intonation des autres, on se transforme en monstre fragile. Et surtout, on commence à se faire peur. Je chercher à rigoler un peu. Parfois, je ne trouve pas. Quelque chose de moi est encore dans ce sac plastique contenant mes vêtements d'avant. Mon identité est frelatée, chaque jour qui passe rend le combat pour rester moi-même plus difficile. Car désormais je suis un vrai vampire. Restent les coups de téléphone à mon père, ma soeur et quelques amis. Restent les yeux de Rosy.
Pendant ce temps, le printemps vient se la péter sous ma fenêtre. Le soleil offre son décolleté de lumière derrière la vitre, je peux presque la caresser. Je veux être ébloui à m'en cramer la rétine. Je suis un vampire qui aime la lumière car le souvenir de mes sensations d'être humain n'a pas totalement disparu. Respirer l'odeur du vent, avec ce goût de châtaigne et de feuilles mortes. Planter un stéthoscope dans les nuages pour écouter le bruit de la pluie qui se fabrique. Manger les derniers flocons de l'hiver à même le ciel. Et ce dont je rêve par-dessus tout : aller chercher le pain, manger le quignon en marchant et acheter les journaux.
Bien sûr, on en trouvera toujours pour venir s'essuyer les pieds sur vos rêves : «Des Vinyles ? Mais plus personne n'écoute de vinyles ou Mais ça va te fatiguer tout ça, non ?» Ils ont raison au fond. C'est d'ailleurs exactement parce qu'ils ont raison qu'ils ne prennent pas en compte la passion.
Dionysos : qui est né deux fois. D'abord du ventre de Sémélé, puis de la cuisse de Jupiter qui le sauve du ventre de sa mère morte pendant la grossesse en s'entaillant la cuisse pour y coudre l'enfant qui y terminera sa gestation. Moi aussi je suis né deux fois. D'abord du ventre ma mère, puis des cellules d'une bio-mère manipulées par hémato-poète. Je ne crois pas trop aux Dieux mais en Dionysos oui. Le nom de ma tribu électrique fait résonner les symboles ...
Ma meilleure évasion reste la création. L'invention. Les liens fragiles et magiques à tisser entre rêve et réalité. La poésie est le dessert de l'esprit, l'humour en est le fruit.»

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire