vendredi 22 février 2019

Quand Dieu boxait en amateur ★★★★★♥ de Guy Boley


Superbe. Un uppercut littéraire, oui. L'image coule de source, ce livre parle entre autres de boxe, l'auteur en parle d'ailleurs tellement bien. 
« Ce n'est rien d'autre que ça, la boxe : adrénaline fleurdelisée sur liberté incandescente. Une vie  d'éclair, de rédemption, un naufrage sans radeau où celui qui se noie n'ira pas plus profond que le bleu du tapis. Elle est bien loin de ce que d'aucuns en disent : sport violent où deux tas de viande abrutis se martèlent le visage. La boxe n'est pas un jeu. On joue à la raquette, on joue au ballon rond. On ne joue pas à la boxe. C'est pour cela qu'on l'appelle le noble art. Car il faut de la noblesse pour monter sur un ring. »
Un hommage vibrant, attendrissant à son père. Ce livre ... pour le glorifier. Le déifier. Et sanctifier son nom sur l'autel païen qu'on nomme littérature.
Une touchante histoire d'amitié.
Une excellent moment de lecture; Guy Boley manie les mots comme un boxeur manie ses poings, avec puissance et précision, et beaucoup de talent. Des mots, des phrases, des paragraphes percutants, touchants, qui donnent des frissons, qui enchantent.
Des mots qui parlent de la vie, simplement. Et je suis tombée sous le charme de sa plume. 
Rendez-vous donc pris avec son précédent opus Fils du feu.
« Je n'ai compris cela qu'après. Il faut que les gens meurent pour que le linceul devienne ce palimpseste où leur vie fut écrite avec leur destinée, et non avec celle qu'on leur avait, de leur vivant, forgée. »


« Oui, elle a dû ressembler à ça : à une grande solitude océanique, morne et triviale, la joue sur le carrelage, le corps sur la moquette. Et le vide sidéral de toute sa vie passée l'aspirant dans cette dignité.
[...] les rêves n'enfantent que chimères, et les chimères des trous au creux de l'estomac...
On ne choisit pas son enfance, on s'acclimate aux pièces du puzzle, on bricole son destin avec les outils qu'on a sous la main...
[...] si courette est le diminutif de petite cour, on devrait dire ruette pour une petite rue alors qu'on dit ruelle. Décidément, les voies de la grammaire, semblables à celles du Seigneur, lui sont impénétrables.
Ça fait les hommes, la boxe affirme sa mère. Tout comme la gnôle, les tranchées, l'enclume ou le pas de l'oie.
Faut grandir ? Soit, grandissons. Travailler ? Soit, travaillons. Toujours il obéit. A sa mère, à la vie, à la petite et à la grande Histoire. Au destin qu'il se forge, entre enclume et marteau, phalanges et sac de frappe.
... le combat se rapproche. Pas le plus important, juste un petit. Un de ceux qui, aboutés et gagnés, préludent au championnat suprême, celui pour lequel tout boxeur digne de ce nom accepte de croiser les gants, celui dont la victoire vous met la ceinture à la taille et inscrit votre nom au panthéon de la boxe.
Il pense que la boxe n'est pas une métaphore de la vie, mais son eucharistie : prenez et frappez car ceci est mon corps. »

Quatrième de couverture

Dans une France rurale aujourd’hui oubliée, deux gamins passionnés par les lettres nouent, dans le secret des livres, une amitié solide. Le premier, orphelin de père, travaille comme forgeron depuis ses quatorze ans et vit avec une mère que la littérature effraie et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Il sera champion. Le second se tourne vers des écritures plus saintes et devient abbé de la paroisse. Mais jamais les deux anciens gamins ne se quittent. Aussi, lorsque l’abbé propose à son ami d’enfance d’interpréter le rôle de Jésus dans son adaptation de La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, celui-ci accepte pour sacrer, sur le ring du théâtre, leur fraternité.
Ce boxeur atypique et forgeron flamboyant était le père du narrateur. Après sa mort, ce dernier décide de prendre la plume pour lui rendre sa couronne de gloire, tressée de lettres et de phrases splendides, en lui écrivant le grand roman qu’il mérite. Un uppercut littéraire.

Éditions Grasset, août 2018
180 pages
Sélection Prix Goncourt 2018



Guy Boley est né en 1952. Après avoir fait mille métiers (ouvrier, chanteur des rues, cracheur de feu, directeur de cirque, funambule, chauffeur de bus, dramaturge pour des compagnies de danses et de théâtre) il a publié un premier roman, Fils du feu (Grasset, 2016) lauréat de sept prix littéraires (grand prix SGDL du premier roman, prix Georges Brassens, prix Millepages, prix Alain-Fournier, prix Françoise Sagan, prix (du métro) Goncourt, prix Québec-France Marie-Claire Blais).

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