jeudi 1 novembre 2018

Lettre à une jeune morte ★★★★☆ de Roger Bichelberger

Très intéressant.
Roger Bichelberger, dans ce petit livre, nous conte l'histoire de Foulques Nerra, comte d'Anjou, grand homme de l'an mil. Un personnage qui m'était inconnu de même d'ailleurs que la bataille de Pontlevoy pour le contrôle de la Touraine, évoquée dans ce livre.
Un homme puissant pourtant que ce comte d'Anjou ; il a marqué l'histoire par sa violence, sa cruauté, d'une fureur démente, un fou sanguinaire, n'hésitant à faire couler le sang pour agrandir son territoire, mais qui, en opposition à cette violence, pour le salut de son âme pécheresse fera d'importantes donations, multipliera les églises, les paroisses et les châteaux, affranchira de nombreux serfs, rendra la justice et effectuera plusieurs pèlerinage à Jérusalem. 
« Avec la force et l'endurance qui étaient les miennes, je n'étais jamais loin de l'excès. Un moine de Saint-Florent est allé jusqu'à parler de moi comme d'un fauve. »
Roger Bichelberger utilise le procédé des mémoires. Il imagine Foulque Nerra souffrant, diminué, à l'aube de sa mort qui fait rédiger ses mémoires sous forme d'une lettre destinée à sa défunte première épouse Elisabeth de Vendôme. Il nous raconte ainsi sa vie, ses crimes perpétrés pour satisfaire ses ambitions de conquête, ses pèlerinages mais aussi ses remords, ses regrets, ses tourments. C'est par l'amour qu'il tentera de se racheter, d'apaiser son âme torturée, de s'absoudre de ses péchés, de demander pardon. 

« Implacable abîme que celui de la passion qui, naguère, m'avait jeté avec une sorte d'obstination furieuse dans la haine de toi. Or, la passion est égoïste, impatiente, jalouse, nourrie d'orgueil, intéressée, rageuse, rancunière et souverainement injuste. »
Une écriture fluide, fine, vivante que j'ai beaucoup appréciée. J'ai repéré deux autres livres de feu Roger Bichelberger qui me tentent bien :  « Bérénice »,  « La fille à l'étoile d'or ». 
Un bon moment de lecture que je conseille aux amoureux de l'Histoire de France.

« Chez nous, les dames étaient fondatrices de dynastie et le mariage une institution où l'amour avait peu de part. L'alliance de deux familles permettait d'éteindre des querelles, d'agrandir qui son comté, qui son duché, qui son royaume : nos rois en savent quelque chose.
Et je regardais l'Homme cloué que mes crimes crucifiaient. De profundis clamavi...
Je me sentais rejeté, moi aussi, interdit de bonheur, et mes ruminations solitaires à travers halliers et futaies favorisaient l'éclosion, pestilentielles fumerolles, d'insupportables soupçons.
Quand les gens s'en emparent, la vérité - si elle existe - s'embellit ou se gâte de bouche en bouche, enfle, se propage tel un feu de brandes et finit en cauchemar ou en légende. A Angers, nourrie par le château, la rumeur avait fini par inventer la fable dont tous avaient besoin. »


Quatrième de couverture

Foulques, le puissant comte d’Anjou, l’un des hommes les plus cruels du royaume de France, rentre de son troisième pèlerinage à Jérusalem. À Metz, sentant sa fin venir, il dicte à un jeune scribe ses mémoires en forme de lettre à sa première épouse, morte toute jeune dans l’incendie de leur château. Il y confie ses crimes lors des guerres incessantes qu’il a menées contre la Touraine, Saumur et Blois et le pardon qu’il a cru obtenir en édifiant moult châteaux, églises et abbayes et en prenant le chemin de la Terre sainte en simple pénitent. Mais ce qu’il cherche à expier plus que toutes les horreurs commises, c’est sa conduite envers Elisabeth de Vendôme, la seule femme qu’il ait aimée et qu’il a sacrifiée à une soif de vengeance irrépressible.
Dans cet étonnant portrait d’un grand féodal déchiré entre ses pulsions guerrières, sa foi en Dieu et la passion amoureuse, Roger Bichelberger évoque autant les affres du guerrier médiéval que les paradoxes d’un homme entre obscurité et lumière que seul l’amour peut racheter.

Éditions Albin Michel,  janvier 2018
135 pages

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire