mardi 9 juillet 2019

La noirceur des couleurs ★★★★☆ de Martin Blasco

« Quel est mon projet ? Quel est l'objectif que je poursuis avec cette expérimentation ? La réponse est ce que désire tout homme qui se respecte, le seul objectif sensé que l'on peut se fixer dans la vie : changer le monde. Ces murs verront grandir l'humanité de demain. Le XXème siècle approche et je vais façonner de mes mains les hommes qui le peupleront. » Journal de J.F. Andrew, 15 mai 1885

Le 5 avril 1885, cinq enfants âgés d'environ un an, disparaissent de leur foyer au milieu de la nuit. 
Cinq enfants, cinq couleurs : noir, azur, vert, marron et blanc. Des enfants que le Dr Andrew, qui voit dans la normalité, notre pire ennemi, va façonner à sa manière; ils vont devenir ses "rats" de laboratoire et chacun des ses enfants bénéficiera d'une éducation bien spécifique. À ses yeux, un projet grandiose, extraordinaire; il se voit comme le créateur d'une oeuvre révolutionnaire, hors du commun. Aux miens, une oeuvre cruelle et diabolique !

En refermant ce livre, on se pose nécessairement la question de l'éthique dans la science. L'éthique est-elle extérieure à la science ? Peut-on tout faire au nom de la science et du progrès ? Quelles sont les limites à ne pas dépasser ?

Très bien écrit/traduit, un scénario bien ficelé, un roman noir haut en couleurs. Et quand un petit génie, un "chien", une mystique et un assassin se rencontrent, c'est un dénouement exceptionnel, riche en surprises qui clôture cette sombre histoire. L'âme humaine ne se dompte pas, et in fine, impose sa propre expression.

Un roman jeunesse surprenant. Une ambiance étrange, empreinte à la fois de cruauté et de tendresse. Un excellent moment de lecture que je recommande vivement aux amateurs de roman noir.

«  Marron : j'ai caché un succulent morceau de viande dans les plantes. Un être humain normal, plus encore un enfant, n'aurait jamais pu le trouver en se guidant uniquement de son odorat. Pourtant, Marron a réussi en moins de trois minutes. Cela veut-il dire qu'il développe des caractéristiques propres à ses compagnons canins ? Cela signifierait-il que même les sens de l'homme, et donc sa perception de la réalité, peuvent être modifiés si l'on travaille dessus ? Je crois que nous sommes devant une grande avancée. 
La femme jouait à être sensuelle, elle créait un personnage, en y mettant tout son coeur. Le corset blanc était le déguisement dans lequel elle tenait son rôle. Mais le costume était trop petit. Les plis de chair échappaient au contrôle du morceau de tissu; ils sortaient par-dessus, par-dessous, formant de curieux bourrelets, petits et gros, qui saillaient, en rébellion complète contre la figure imposée. Le corset sculptait dans le corps une taille fine, un buste avantageux et des hanches harmonieuses. Mais ni la taille ni le buste, ni les hanches n'étaient réels : la vérité résidait dans les bourrelets de chair. La tenue choisie était la fiction, et le corps, la réalité. La fiction, le fantasme, l'imagination, tout comme le corset, visaient à imposer un ordre à la réalité : « Voici le début », « Voici la fin »,  « Cette histoire parle de ça », « Voici ce qui est bien, voilà ce qui est mal ». Mais la réalité est toujours plus grande, plus complexe. Tout comme le corps débordant de cette femme, la réalité ne se laisse pas corseter. »

Quatrième de couverture

Cinq bébés enlevés. Un projet expérimental diabolique consigné dans un journal intime. Un journaliste qui enquête sur ces disparitions vingt-cinq ans après.1910, Buenos Aires. Une jeune femme réapparaît au domicile de ses parents après avoir disparu une nuit alors qu’elle dormait dans son berceau. Une jeune femme sans aucun souvenir, un homme qui se comporte comme un chien, les images hallucinées d’une session d’hypnose, sont les pistes qui conduiront Alejandro à remonter le fil de cette sombre histoire jusqu’à un dénouement aussi terrifiant qu’inattendu. 

Éditions L'école des Loisirs, octobre 2017
246 pages
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Sophie Hofnung

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