dimanche 28 mai 2017

L'autre moitié du soleil ★★★★★ de Chimamanda Ngozi dichie

Éditions Gallimard, collection Du Monde Entier, septembre 2008
504 pages
Traduit de l'anglais (Nigeria) par Mona de Pracontal
Orange Prize For Fiction (Bailey's Women Prize for Fiction), 2007

Quatrième couverture 


Lagos, début des années soixante. L'avenir paraît sourire aux sœurs jumelles : la ravissante Olanna est amoureuse d'Odenigbo, intellectuel engagé et idéaliste ; quant à Kainene, sarcastique et secrète, elle noue une liaison avec Richard, journaliste britannique fasciné par la culture locale. Le tout sous le regard intrigué d'Ugwu, treize ans, qui a quitté son village dans la brousse et qui découvre la vie en devenant le boy d'Odenigbo. 
Quelques années plus tard, le Biafra se proclame indépendant du Nigeria. Un demi-soleil jaune, cousu sur la manche des soldats, s'étalant sur les drapeaux : c'est le symbole du pays et de l'avenir. Mais une longue guerre va éclater, qui fera plus d'un million de victimes. 
Évoquant tour à tour ces deux époques, l'auteur ne se contente pas d'apporter un témoignage sur un conflit oublié ; elle nous montre comment l'Histoire bouleverse les vies. Bientôt tous seront happés dans la tourmente. L'autre moitié du soleil est leur chant d'amour, de mort, d'espoir.

Mon avis  ★★★★★


Un récit poignant pour ne pas oublier, pour ne pas oublier... que la guerre est laide.
Des petites histoires empreintes d'une forte émotion s'insérant dans la Grande Histoire, un témoignage dense et riche sur la guerre qui opposa le Nigéria contre le Biafra.
Merci pour ce petit bijou qui remue, qui a fait naître un étrange sentiment au fond de mes entrailles, un sentiment de colère mais aussi de profonde admiration, pour ces peuples qui combattent, à l'affût du moindre petit élément de survie, et qui, de si peu, se contentent pour survivre. 
La force de ce récit réside dans ses personnages, puissants, souffles de vie, avides de paix et de sérénité. 
À l'instar de "Petit pays" de Gaël Faye, l'auteure pointent du doigt le colonialisme, force stratège visant à essouffler et assoiffer les peuples, ciblant leurs richesses, voleur meurtrier, profitant au plus haut point, un point démesuré qui condamne, tire un trait sur de nombreuses vies, s'acharne, viole, tue, condamne ... 
Un témoignage puissant, émouvant, une lecture qui laisse des traces, qui m'a transportée bien loin de mon quotidien, une lecture qui apporte son lot de souffrances, d'espoirs, aussi. 
Je souhaiterais sonner l'optimisme, évoquer et mettre en avant la solidarité, si présente et touchante dans ce récit.
L'Histoire se répète, les leçons s'oublient trop facilement, la honte submerge, occupe son espace, un sentiment d'impuissance, douloureux, ancré et, (oups) la note pessimiste surgit, incontrôlable, j'en suis navrée. Ce récit m'a beaucoup touchée, et mes émotions ont eu raison de la lumière que je souhaitais voir émaner de cette chronique. Une part d'ombre, oui, on ne s'en affranchit pas si facilement, ... mais ...l'autre moitié du soleil brille. Gardons espoir.
«Puissions-nous ne jamais oublier.»
«L'instruction est une priorité ! Comment pourrons-nous résister à l'exploitation si nous ne disposons pas d'outils pour comprendre l'exploitation ?
- Mais la Guerre mondiale était une mauvaise chose qui a eu aussi du bon, comme on dit chez nous, intervint Olanna. Le frère de mon père a combattu en Birmanie et il est revenu avec une question brûlante : Comment se fait-il que personne ne lui ait jamais dit avant que l'homme blanc n'était pas immortel ?
Papa dit qu'il croyait que vous faites partie des Blancs qui connaissent quelque chose. Il dit qu'au pays Ibo les gens savent pas ce que c'est, roi. Nous avons des prêtres et des anciens. La chambre funéraire était peut-être pour un prêtre. Mais le prêtre ne fait as souffrir le peuple comme roi. C'est parce que l'homme blanc nous a donné des "warrant chiefs" [chefs nommés par décret pendant la colonisation] qu'aujourd'hui il y a des imbéciles qui se déclarent rois.
La véritable tragédie de notre monde postcolonial, ce n'est pas qu'on ait pas demandé à la majorité des gens s'ils voulaient de ce nouveau monde ou pas; c'est plutôt qu'on n'a pas donné à la majorité des gens les outils pour appréhender ce monde nouveau.
À l'indépendance, en 1960, le Nigéria était une collection de fragments tenus d'une main fragile.
Les tribus du Nord et les tribus du Sud sont en contact depuis longtemps; leurs échanges remontent au IXème siècle, comme l'attestent les magnifiques perles découvertes sur le site historique d'Igbo-Ukwu. Il est sûr que ces groupes ont dû également se faire la guerre et se livrer à des rafles d'esclaves, mais ils ne se massacraient pas de cette façon. S'il s'agit de haine, cette haine est très récente. Elle a été causée, tout simplement, par la politique officieuse du «diviser pour régner» du pouvoir colonial britannique. Cette politique instrumentalisait les différences entre tribus et s'assurait que l'unité ne puisse pas se former, facilitant ainsi l'admiration d'un pays si vaste.
Il écrit sur la famine. La famine était une arme de guerre nigériane. La famine a brisé le Biafra, a rendu le Biafra célèbre, a permis au Biafra de tenir si longtemps. La famine a attiré l'attention des gens dans le monde [...], fait dire à tous les parents du monde qu'il fallait finir son assiette. La famine a poussé les organisations humanitaires à introduire secrètement de la nourriture au Biafra par avion, de nuit, parce que les deux camps ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur des itinéraires. La famine a favorisé les carrières des photographes. Et la famine a fait dire à la Croix-Rouge internationale que le Biafra était sa plus grave urgence depuis la Seconde Guerre mondiale. (Le monde s'est tu pendant que nous mourions)
Ces États africains sont la proie du complot impérialiste britannico-américain qui se sert des recommandations du comité comme prétexte pour apporter un gigantesque soutien en armes à leur marionnette, le régime néocolonialiste vacillant du Nigéria...
Ugwu [...] avait secoué la tête en réalisant que jamais il ne pourrait traduire cet enfant sur le papier, jamais il ne pourrait décrire assez fidèlement la peur qui voilait les yeux des mères au camp de réfugiés quand les bombardiers surgissaient du ciel et attaquaient. Il ne pourrait jamais décrire ce qu'il y avait de terriblement lugubre à bombarder des gens qui ont faim. Mais il essayait, et plus il écrivait, moins il rêvait.
- Qui a introduit le racisme dans le monde ? reprit Odenigbo.- Je ne vois pas où tu veux en venir, dit Kainene.- C'est l'homme blanc qui a introduit le racisme dans le monde. Il s'en est servi comme base de conquête. Il est toujours plus facile de vaincre un peuple plus humain.- Alors, quand nous vaincrons les Nigérians, ça voudra dire que nous serons devenus moins humains ?»
Le rouge représentait le sang des frères et soeurs massacrés dans le Nord, 
le noir était signe de deuil, 
le vert représentait la prospérité que connaîtrait le Biafra 
et, enfin, 
le demi-soleil jaune symbolisait son avenir glorieux.

Nigéria, pays de l'art d'Igbo-Ukwu. 
pays du magnifique pot cordé.

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