mercredi 12 janvier 2022

Où vivaient les gens heureux ★★★★☆ de Joyce Maynard

Mais justement... où vivaient les gens heureux ?
Il y avait cette « ferme au bout du chemin sans issue, avec son frêne géant devant l'entrée », le petit coin de paradis idéal pour fonder une famille et y couler des jours heureux drapée de l'amour d'un mari et de joyeux marmots...Eleanor est tombée sous le charme de cette bâtisse, de la cascade en contre bas, de la nature environnante, de ce sublime frêne traversant les siècles.
Un joli décor témoin du tourbillon de la vie dans lequel nous embarque l'écriture captivante de Joyce Maynard.  Bouleversant, troublant de vérités. 
Les yeux humectés parfois, j'ai aimé cette exploration profondément humaine des liens familiaux, des complexités du mariage, de la maternité. J'ai aimé le portrait de cette femme, découvrir son parcours, ses blessures, ses joies, ses doutes ; j'ai tremblé pour elle, eu peur que son "Crazyland" devienne un point de non retour. Ne guérit-on jamais vraiment de son enfance ? J'ai aimé me questionner sur la maternité et le rôle de la mère. Jusqu'où est-on mère ? En quoi un trop-plein d'amour, d'abnégation et de surprotection peut nuire à la relation mère-enfants et être synonyme de souffrance ? On ne peut protéger ses enfants de tout. Ils ont leur propre chemin à suivre et la culture du zéro risque leur est inévitablement dommageable. 
Voilà, vous l'aurez compris, c'est une histoire qui fait réfléchir. Elle aborde de nombreux thèmes, famille, amour, enfance, quête du bonheur, ou encore celui plutôt rare en littérature de la transsexualité. Elle nous amène aussi à nous interroger sur le lâcher prise à travers le pardon et à comprendre que le pardon, c'est à soi-même qu'on le donne. 
Ce texte semble, au fur et à mesure qu'on tourne les premières pages d'une grande simplicité. Il est pourtant d'une grande profondeur de pensée, enrichi d'une "bande son" qui en amène encore davantage je trouve. Otis Redding, The Doors, The Beatles, Leonard Cohen, Guns N' Roses, Cat Stevens, Tracy Chapman...en accompagnant Eleanor et sa famille, nous bercent nous aussi, et intensifient nos émotions.
 « I wish I had a river I could skate away on. 
Finalement, on survit à beaucoup de choses. On en est transformé. Mais on continue. » 

« Comment se peut-il que la personne avec qui on a partagé les moments les plus intimes, un très grand amour, une immense douleur, des joies et aussi des chagrins, devienne un étranger ? »
« Jusqu'à ce soir-là, elle ne le savait pas capable d'une telle froideur ou, il faut l'appeler par son nom, d'une telle colère froide. Peut-être était-ce ce qui arrivait quand quelqu'un qui avait été amoureux ne l'était plus. »

« Il faudrait s'adapter - Eleanor après tout l'avait déjà fait à maintes reprises. Et elle comprit, en lisant ce qu'Al avait écrit, que c'était à cela que ressemblait une bonne nouvelle. Qu'est-ce qu'un parent pouvait désirer davantage pour ses enfants que les voir être leur vrai moi et vivre pleinement leur vie ? C'était ce que faisait Al, enfin. »

« I wish I had a river I could skate away on. 

Finalement, on survit à beaucoup de choses. On en est transformé. Mais on continue. »

« Au bout du compte, il s'agit d'un roman sur l'importance de demander et d'accorder le pardon. C'est une leçon qu'on apprend peut-être avec l'âge - une leçon inestimable, quel que soit le moment où elle est acquise. »

Quatrième de couverture

Lorsque Eleanor, jeune artiste à succès, achète une maison dans la campagne du New Hampshire, elle cherche à oublier un passé difficile. Sa rencontre avec le séduisant Cam lui ouvre un nouvel univers, animé par la venue de trois enfants : la secrète Alison, l'optimiste Ursula et le doux Toby.
Comblée, Eleanor vit l'accomplissement d'un rêve. Très tôt laissée à elle-même par des parents indifférents, elle semble prête à tous les sacrifices pour ses enfants. Cette vie au cœur de la nature, tissée de fantaisie et d'imagination, lui offre des joies inespérées. Et si entre Cam et Eleanor la passion n'est plus aussi vibrante, ils possèdent quelque chose de plus important : leur famille. Jusqu'au jour où survient un terrible accident...
Dans ce roman bouleversant qui emporte le lecteur des années 1970 à nos jours, Joyce Maynard relie les évolutions de ses personnages à celles de la société américaine – libération sexuelle, avortement, émancipation des femmes jusqu'à l'émergence du mouvement MeToo... Chaque saison apporte ses moments de doute ou de colère, de pardon et de découverte de soi.
Joyce Maynard explore avec acuité ce lieu d'apprentissage sans pareil qu'est une famille, et interroge : jusqu'où une femme peut-elle aller par amour des siens ? Eleanor y répond par son élan de vie. Son inlassable recherche du bonheur en fait une héroïne inoubliable, avec ses maladresses, sa vérité et sa générosité.

« Joyce Maynard au sommet de son art. »
The New Yorker

Éditions Philippe Rey, août 2021
547 pages
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Florence Lévy-Paoloni

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