Éditions Gallimard, Collection du monde entier, mai 2012
103 pages
Traduit de l'italien par Danièle Valin
Quatrième de couverture
Un homme est retrouvé, épuisé, au bord d’un campement. Alpiniste courageux devenu simple vagabond, sa disparition avait fait perdre espoir à tout un peuple dont il était le guide. On découvre son histoire, l’ascension difficile, lorsque soudain, face à la muraille, sa voix se met à résonner : «Je suis Adonài (Yod) ton Elohím.»
C’est ainsi que débute la déclinaison du Décalogue qu’Erri De Luca met en scène. Il revient aux sources de la langue et de la spiritualité pour raconter les Commandements dont il tire le plus beau en une poétique biblique singulière : «Ils apprirent au pied du Sinaï que l’écoute est une citerne dans laquelle se déverse une eau de ciel de paroles scandées à gouttes de syllabes.»
Sa relecture des Dix Paroles s’intensifie jusqu’à atteindre deux petits textes, comme deux suspensions au livre. Le premier, «Adieu au Sinaï», conte les bienfaits de la voix extatique du prophète et ses conséquences sur les corps. Puis De Luca nous plonge «En marge du campement» où il confie en quelques lignes – parmi les plus émouvantes de son œuvre – l’équilibre entre intimité et distance qu’il entretient avec le peuple juif et sa langue sacrée.
Mon avis ★★★☆☆
Très intéressante, cette revisite contemporaine des dix commandements. "Tu ne voleras point", "Tu ne tueras point" ... Un court récit poétique et spirituel, inondé de lumière, et un portrait de Moïse ardent et efficace.
«Il était heureux dans le vent, il l’accueillait, à l'écoute. Il était de ceux qui saisissent une phrase là où les autres n'entendent que du vacarme. Par la gorge tendue d'un lion, dans une rafale, dans une avalanche, dans un coup de tonnerre, il reconnaissait le son d'une voix. Tout en l'écoutant, il la lisait aussi, écrite et couchée. Celui qui voit un fleuve regarde le sens dans lequel il coule, vers où il descend selon le courant. Mais l'avenir d'un fleuve est à sa source. Lui regardait du côté de l'origine du vent. Son nez droit coupait comme une proue le souffle et les nuages.»
Le texte est court, mais l'enseignement sur l'histoire de l'Egypte notamment, y est riche.
Avec du recul, c'est un livre que j'ai lu trop vite, survolant les passages abstraits, et suis, de ce fait, passée à côté de la dimension spirituelle de cet écrit.
Ce livre est à aborder, à mon sens, comme une méditation; elle doit bénéficier de toute l'attention du lecteur, pour que l'envolée spirituelle puisse être au rendez-vous.
À bon entendeur ;-)
«Tu ne voleras pas." Non, mais tu pourras entrer dans le champ de ton voisin et manger le fruit de ce qu'il a semé. Tu ne prendras avec toi ni panier ni hotte à remplir et à transporter, parce que ça, c'est voler, soustraire le bien d'autrui. Mais dans son champ tu pourras te nourrir et tu n'oublieras pas de remercier son labeur, son bien et la loi qui te permet d'entrer. Et à la saison des récoltes, le propriétaire laissera une dixième partie de son champ au profit des démunis. Et encore : quand les moissonneurs seront passés avec leurs faux, ils ne pourront passer une deuxième fois pour terminer. Ce qui reste revient au droit de grappiller. Ainsi, tu ne voleras pas poussé par la nécessité et tu ne maudiras pas la terre qui te porte et le ciel qui passe au-dessus de toi. Et si tu travailles pour un salaire, le prix de ta peine te sera payé le jour même. Ainsi est-il dit à celui qui t'engage : "Dans sa journée, tu lui donneras son salaire et le soleil ne passera pas au-dessus de lui, car il est pauvre et vers ce salaire il lève sa respiration." (Deutéronome, 24, 15). Celui qui retient chez lui la paie due à l'ouvrier qui a fait son travail est semblable au voleur, mais il opprime un pauvre, ce qui est pire [...]. Si la personne humaine est rabaissée au niveau d'une marchandise, d'un butin, celui qui la réduit à ça est un voleur.
Les despotes commettent leurs crimes non par volonté de puissance, mais par terreur. Ils chassent leurs cauchemars en ordonnant des massacres. Ainsi, Pharaon aura recours à la noyade des nouveau-nés mâles des Hébreux, faisant du Nil, source de vie, une machine de mort. Celui qui souillera l'eau en sera souillé.
Les mains sont devant l'homme, elles soutiennent son travail, le verbe "faire". Et les paroles font l'homme,elles sont devant lui,elles le guident ou bien l'égarent.
L’élan qui te pousse à escalader les montagnes, à chevaucher les hauteurs est fantastique, mais plus grande est l’entreprise qui consiste à être à la hauteur de la terre, de la tâche de l’habiter qui nous est assignée.
Le Sinaï s'appelle aussi Horev, assèchement. Telle est aussi la naissance, se trouver projeté à l'air libre.
Quand un homme agit pour défendre une femme, il fait le seul geste qui justifie sa force.
Ils chantaient pour remplir l'espace menaçant de la liberté, qui n'est pas qu'une liste d'avantages et de droits, mais le risque de pénétrer en territoire vide. La liberté demande une discipline adaptée à la déroute.»
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