Un polar sur un fond de satire social, un style vif et efficace et d'un cynisme redoutable.
Hannelore Cayre, dont je découvre l'écriture, est sans concession avec la religion, avec les vieux, et surtout avec le monde de la justice. Elle n'y va pas quatre chemins pour dénoncer la corruption qui sévit dans ce milieu qu'elle connait bien; j'ai découvert ainsi que les traducteurs, embauchés par le ministère de la Défense et sur lesquels reposent, dans certaines affaires, notre sécurité nationale, sont payés au noir, et ne sont ni plus ni moins que des travailleurs clandestins sans aides ni sécurité sociales ni retraite. C'est complètement dingue, et plutôt effrayant aussi.
La Daronne est une histoire surprenante, poignante, qui donne à réfléchir. L'auteur met en scène une quinqua, Patience, qui vit seule, et qui tente tant bien que mal de joindre les deux bouts, d'accumuler quelques sous pour mettre ses deux filles à l'abri du besoin, et payer l'Ehpad de sa mère atteinte d'Alzheimer et sombrant dans la folie, une travailleuse sans faille au service de la justice française, elle est une traductrice (français-arabe) très réglo ... jusqu'au jour où elle bascule du côté obscur, rattrapée par son passé, un passé que l'on découvre par petites touches, une enfance "bercée" par les trafics glauques et l'argent sale. Patience va s'attacher à une famille de trafiquants, placés sur écoute et dont elle traduit les dialogues, et s'embarquer, nous embarquer dans une spirale étourdissante, au coeur d'un trafic de drogue absolument ahurissant. On assiste à la transformation de cette quinqua, qui nous semblait jusque là anéantie, dépassée, misérable, effondrée, et qui va se révéler forte, entreprenante et d'une vivacité inimaginable. Et le roman vire alors au noir.
L'écriture est cash, le rythme enlevé, l'humour mordant. A savourer sans modération !
Hannelore Cayre, dont je découvre l'écriture, est sans concession avec la religion, avec les vieux, et surtout avec le monde de la justice. Elle n'y va pas quatre chemins pour dénoncer la corruption qui sévit dans ce milieu qu'elle connait bien; j'ai découvert ainsi que les traducteurs, embauchés par le ministère de la Défense et sur lesquels reposent, dans certaines affaires, notre sécurité nationale, sont payés au noir, et ne sont ni plus ni moins que des travailleurs clandestins sans aides ni sécurité sociales ni retraite. C'est complètement dingue, et plutôt effrayant aussi.
La Daronne est une histoire surprenante, poignante, qui donne à réfléchir. L'auteur met en scène une quinqua, Patience, qui vit seule, et qui tente tant bien que mal de joindre les deux bouts, d'accumuler quelques sous pour mettre ses deux filles à l'abri du besoin, et payer l'Ehpad de sa mère atteinte d'Alzheimer et sombrant dans la folie, une travailleuse sans faille au service de la justice française, elle est une traductrice (français-arabe) très réglo ... jusqu'au jour où elle bascule du côté obscur, rattrapée par son passé, un passé que l'on découvre par petites touches, une enfance "bercée" par les trafics glauques et l'argent sale. Patience va s'attacher à une famille de trafiquants, placés sur écoute et dont elle traduit les dialogues, et s'embarquer, nous embarquer dans une spirale étourdissante, au coeur d'un trafic de drogue absolument ahurissant. On assiste à la transformation de cette quinqua, qui nous semblait jusque là anéantie, dépassée, misérable, effondrée, et qui va se révéler forte, entreprenante et d'une vivacité inimaginable. Et le roman vire alors au noir.
L'écriture est cash, le rythme enlevé, l'humour mordant. A savourer sans modération !
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«Mes fraudeurs de parents aimaient viscéralement l’argent. Pas comme une chose inerte qu’on planque dans un coffre ou que l’on possède inscrit sur un compte. Non. Comme un être vivant et intelligent qui peut créer et tuer, qui est doué de la faculté de se reproduire. Comme quelque chose de formidable qui forge les destins. Qui distingue le beau du laid, le loser de celui qui a réussi. L’argent est le Tout ; le condensé de tout ce qui s’achète dans un monde où tout est à vendre. Il est la réponse à toutes les questions. Il est la langue d’avant Babel qui réunit tous les hommes.
C'est dingue le nombre de gens ivres morts qui arrivent à s'entasser dans une voiture pour y mourir en emportant dans leur élan de joyeuses familles lancées sur la route des vacances en pleine nuit pour se réveiller face à la mer.
Même aux Etat-Unis, en matière de dépénalisation, on était moins con que chez nous, et c'est pour dire. On y vidait les prisons pour laisser la place aux vrais criminels.Tolérance zéro, réflexion zéro, voilà la politique en matière de stupéfiants pratiquée par mon pays pourtant dirigé par des premiers de la classe.
Je traduisais ça à l'infini..encore et encore.... Tel un cafard bousier. Oui, ce petit insecte robuste de couleur noire qui se sert de ses pattes antérieures pour façonner des boules de merde qu'il déplace en les faisant rouler sur le sol...Eh bien son quotidien minuscule est à peu près aussi passionnant que ce qu'a été le mien pendant presque vingt-cinq ans : il pousse sa boule de merde, la perd, la rattrape, se fait écraser par son fardeau, n'abandonne jamais quels que soient les obstacles et les péripéties rencontrés...
Parce que les chiens, voyez-vous ça ne croit pas en Dieu. C'est intelligent un chien.
Sinon, j’étais payée au noir par le ministère qui m’employait et ne déclarait aucun impôt. Un vrai karma, décidément. C’est d’ailleurs assez effrayant quand on y pense, que les traducteurs sur lesquels repose la sécurité nationale, ceux-là mêmes qui traduisent en direct les complots fomentés par les islamistes de cave et de garage, soient des travailleurs clandestins sans sécu ni retraite. Franchement, comme incorruptibilité on fait mieux, non ? Enfin, moi qui suis corrompue, je trouve ça carrément flippant.
Et dire que la plupart des femmes passent leur vie à tenter de s'affranchir de l'exemple de leur mère...Force était de constater que je faisais exactement l'inverse. J'allais même beaucoup plus loin, je collais à l'image que la mienne se faisait de la femme idéale : la Juive intrépide. »
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Quatrième de couverture
«On était donc fin juillet, le soleil incendiait le ciel ; les Parisiens migraient vers les plages, et alors que j’entamais ma nouvelle carrière, Philippe, mon fiancé flic, prenait son poste comme commandant aux stups de la 2e DPJ. "Comme ça on se verra plus souvent", m’a-t-il dit, réjoui, en m’annonçant la nouvelle deux mois auparavant, le jour de sa nomination.
J’étais vraiment contente pour lui, mais à cette époque je n’étais qu’une simple traductrice-interprète judiciaire et je n’avais pas encore une tonne deux de shit dans ma cave.»
Comment, lorsqu’on est une femme seule, travailleuse avec une vision morale de l’existence… qu’on a trimé toute sa vie pour garder la tête hors de l’eau tout en élevant ses enfants… qu’on a servi la justice sans faillir, traduisant des milliers d’heures d’écoutes téléphoniques avec un statut de travailleur au noir… on en arrive à franchir la ligne jaune ?
Rien de plus simple, on détourne une montagne de cannabis d’un Go Fast et on le fait l’âme légère, en ne ressentant ni culpabilité ni effroi, mais plutôt… disons… un détachement joyeux.
Et on devient la Daronne.
Éditions Métaillé, mars 2017
772 pages
Prix Le Point du Polar européen 2017
Prix Quai du Polar 2017
Hannelore Cayre est avocate pénaliste, elle est née en 1963 et vit à Paris. Elle est l'auteur, entre autres, de Commis d'office, Toiles de maître et Comme au cinéma.
Elle a réalisé des courts métrages, et l'adaptation de Commis d'office est son premier long métrage.
Bonjour Sandrine, La Daronne est le premier roman que je lisais de Hannelore Cayre et je me suis régalée. Depuis, j'ai lu Ground XO et Comme au cinéma (petite fable judiciaire) : très bien aussi. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerMerci Dasola pour les suggestions de lecture de cette auteure que je m'empresse de noter. J'ai beaucoup aimé sa plume, son style cash et efficace. Très bonne journée à toi.
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