samedi 30 décembre 2017

De l'influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles ★★★★☆ de Jean-Michel Guenassia

Jean-Michel Guenassia fait partie de ces auteurs dont je guette les parutions depuis Le Club des incorrigibles optimistes (prix Goncourt des lycéens en 2009) que j'avais adoré. La vie d'Ernesto G. (2012) et La valse des arbres et du ciel (2016) ont été également un très grand plaisir de lecture. 
Et c'est tout naturellement, que j'ai dégoté son dernier roman au titre alléchant et prometteur.

Une lecture étonnante, au ton "enlevé", empreint d'humour et de cynisme, dévorée en quelques heures, j'ai retrouvé avec plaisir le talent de conteur de l'auteur, même si je referme ce roman un peu déçue. Il m'a manqué ce petit plus qui rend une lecture inoubliable.

L'auteur s'empare du sujet de l'identité sexuelle, cette notion de "genre" qui reste encore floue et mal comprise de nos jours; il le traite avec beaucoup de délicatesse, de justesse, en nous plongeant dans la vie d'une famille moderne et déjantée : Paul, un jeune homme androgyne a deux mamans, Léna, sa mère biologique, originale et extravagante et Stella, deux mamans, deux personnage très attachants. Léna est convaincue que son fils est homosexuel, alors que ce dernier, c'est bien les femmes, et uniquement les femmes qu'il aime.

La quête de soi est au coeur de ce roman, et c'est dans notre société actuelle, celle-là même qui impose ses diktats, son moule de la "normalité", qu'il doit trouver sa place et assumer sa différence.

«Il vaut mieux rester dans le doute que de patauger dans une guerre de tranchées ou se déchirer. L’ambiguïté me va comme un gant. C'est la preuve que l'important, ce n'est pas ce que vous êtes vraiment, ça les autres s'en foutent, l'important, c'est l'image que vous donnez, ce qu'ils croient que vous êtes. Et si vous voulez avoir la paix, autant ne pas les décevoir.»

J'ai aimé le sujet, j'ai aimé la façon dont Jean-Michel Guenassia s'en empare, j'ai aimé sa plume, j'ai aimé comprendre ce qui se cache derrière ce joli titre dans les toutes dernières pages ;-), mais je n'ai pas réussi à entrer totalement dans cette histoire; le personnage de Paul ne m'a pas fait vibrer autant que je l'espérais et je pense que c'est ce sentiment d'être restée en périphérie du roman, au bord du chemin, qui se cache derrière ma déception.

Néanmoins, je n'ai pas boudé mon plaisir à lire ce roman d'apprentissage moderne et fantaisiste.
À découvrir.
We can be Heroes
Just for one day
We're nothing
And nothing will help us

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«C'est amusant ou triste de voir à quel point on ne sait rien des autres, on se contente de projeter sur eux nos propres fantasmes, en espérant qu'ils trouveront un écho.
Très vite, j'ai été surpris de constater que les clientes me prenaient pour une femme. [...] J'adore cette ambiguïté, je la cultive sans rien faire d'autre que d'être moi-même, c'est cela que j'aime ici. Je suis un funambule qui va et vient sur son fil tendu au-dessus du précipice, un ou une pianiste qui joue.
Nous sommes tous comme des trains solitaires qui foncent dans la nuit, sans savoir ce qui nous attend au prochain tournant, s'il y aura une barrière ouverte, ou un obstacle, si nous réussirons à le franchir, ou si nous bifurquerons, si nous déraillerons, ou si nous échapperons à la sortie de route, il faut juste continuer jusqu'au moment où on rentrera en gare, et où on restera à quai à jamais.
Lorsqu'un lien s'est cassé, pas distendu ou évaporé, mais brisé, on peut en être malheureux et avoir des regrets, mais cela ne sert à rien d'imaginer réparer et d'espérer revenir à l'état antérieur, on n'y arrive jamais, même si on fait des efforts de part et d'autre, il reste toujours une odeur de cadavre quelque part. 
L'amour n'est que le roman du coeur, c'est le plaisir qui en est l'histoire. Beaumarchais 
Ça doit être ça la vie, elle continue malgré nous, sans ceux qu’on aime, et qui poursuivent leur route de leur côté, en nous abandonnant au bord du chemin.»
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Quatrième de couverture
«Moi, je me plais dissimulé dans le clair-obscur. Ou perché tout en haut, comme un équilibriste au-dessus du vide. Je refuse de choisir mon camp, je préfère le danger de la frontière. Si un soir, vous me croisez dans le métro ou dans un bar, vous allez obligatoirement me dévisager, avec embarras, probablement cela vous troublera, et LA question viendra vous tarauder : est-ce un homme ou une femme ? Et vous ne pourrez pas y répondre.»

De l’influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles nous fait partager l’histoire improbable, drôle et tendre, d’une famille joliment déglinguée dont Paul est le héros peu ordinaire. Paul qui, malgré ses allures de filles, aime exclusivement les femmes. Paul, qui a deux mères et n’a jamais connu son père. Paul, que le hasard de sa naissance va mener sur la route d’un célèbre androgyne : David Bowie.
Fantaisiste et généreux, le nouveau roman de Jean-Michel Guenassia, l’auteur du Club des incorrigibles optimistes, nous détourne avec grâce des chemins tout tracés pour nous faire goûter aux charmes de l’incertitude.

Editions Albin Michel, août 2017
328 pages

In the Mood for Love by Brian Ferry
«C'est une chanson magique, l'une des plus interprétées qui soient, tellement simple qu'elle est intraduisible en français. Il existe plus de cinq cents versions connues, j'en ai écouté une centaine, il y en a des chatoyantes, des bouleversantes, des fragiles, des ratées. C'est une chanson horriblement difficile à chanter, pour trouver l'équilibre entre le swing de la mélodie et l'émotion des paroles, il faut laisser la voix venir, ne pas la porter, la plupart des femmes sont trop haut ou trop mélo, la plupart des hommes insistent ou la font trop jazzy. C'est parce qu'elle est sublime qu'ils veulent tous s'y coller, au risque de passer à côté. Il y en a une qui atteint la perfection et me file la chair de poule, c'est celle de Bryan Ferry, d'abord parce qu'il ralentit le rythme, sa version fait une bonne minute de plus que la moyenne, il la joue tango avec un accordéon qui s'abandonne, il chante bas, d'une voix un peu fatiguée, comme s'il tenait sa partenaire dans ses bras, et celle-ci répond en français, ces retrouvailles donnent une chaleur et une humanité qu'il n'y a pas ailleurs.»

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