mardi 13 octobre 2020

Et toujours les forêts ★★★★☆ de Sandrine Collette

« Le premier [ange] fit sonner sa trompette : grêle et feu mêlés de sang tombèrent sur la terre ; le tiers de la terre flamba, le tiers des arbres flamba, et toute végétation verdoyante flamba. »
Apocalypse de Jean, 8, 13

Dans "Juste après la vague", Sandrine Collette confrontait déjà l'humain à une situation de crise naturelle extrême. Avec "Et toujours les forêts", l'auteure monte d'un cran dans l'effroyable et nous livre une dystopie apocalyptique absolument bouleversante
Une catastrophe sans précédent a réduit le monde à néant, laissant les quelques survivants hébétés, hagards, perdus. Les choses essentielles ne sont plus. Plus aucune lumière qui éclaire, aucun soleil illuminé. Une terre devenue grise et râpée
Corentin, personnage central de ce roman, va également s'apercevoir que même le territoire des forêts a été anéanti ; un territoire pourtant « à part, colossal, charnu d'arbres centenaires, de chemins qui s'effaçaient chaque saison sous la force de la nature. » 
Dans cet écrin de verdure disparue, il tente de faire renaître le monde, de lui faire reprendre vie alors qu'il semblerait plutôt que ce monde renonce à vivre.
« [...] la tragédie continuait, s'amplifiait peut-être, comme une force irrépressible lancée à toute allure et qu'aucune volonté ne pouvait apaiser, et que ceux qui étaient morts avaient eu la douceur d'échapper au lent étiolement d'un univers qui s'était mis à éliminer les vivants les uns après les autres - jusqu'au dernier. »
Dans ce nouveau monde inhospitalier, il n'existe plus qu'une seule saison, uniforme, terne, mouillée, perpétuelle, un monde vide à en oublier à quoi ressemble un rire, ce « son cristallin, très doux et très clair, une vrille comme celle d'un oiseau, déchirant l'air, et enfin : quelque chose d'infiniment gai. » 
Un monde dans lequel il « y avait juste à survivre, et pour survivre dans ce monde-là, il fallait être complètement fou. »
Un monde anxiogène dans lequel l'avenir fait peur et qui n'insufflent que quelques touches d'espoir.
Un monde qui fait également naître les regrets ... 
« Il fallait y penser avant, se disait Corentin rongé par le remords. Il aurait pu l'emmener cent fois, quand il était à l'université. Pas eu le temps. Pas pris. La belle leçon. Que croyait-il - qu'Augustine était éternelle ? »
Une scène finale époustouflante. Glaçante. Témoin de la mauvaiseté de l'homme. 
Un monde apocalyptique qui rentre effroyablement en résonance avec notre monde. Le choix d'un système économique qui est basé sur la croissance pour être stabilisé n'est pas un choix tendre pour notre planète. Il est par la force des choses une agression pour la nature et l'environnement et pour l'Homme lui-même qui a perdu ses valeurs. Optimiser, dominer, contrôler ... ou comment réduire l'humanité et notre planète au silence ? 
Corentin ne sera pas tout seul dans cette survie ... des êtres chers vivront à ses côtés et partageront avec lui cette aventure humaine de survie hors du commun
« [...] il n'y avait pas de place pour les plaintes et les larmes. Il fallait lutter, tout le temps. C'était leur lot dorénavant. S'écouter était un luxe qui n'existait plus. Quand il s'agit de survivre, on trouve en soi des ressources insoupçonnées, des forces impossibles. Quand il s'agit de survivre, on ne trébuche pas : on ne tombe qu'au dernier moment. Pour de bon. »
Un roman noir efficace, une plume vive et percutante, comme toujours avec Sandrine Collette. 
Un roman qui interpelle et interroge la condition humaine : ce qu'est être un homme, les peurs, les relations à autrui, à la nature, la solidarité ou l'individualisme, la perspective de mourir, l'amour, la beauté...et  invite le lecteur à réfléchir sur soi, sur notre rapport aux autres, sur notre société.

N'hésitez pas à vous plonger dans cette lecture addictive ! Il y a de fortes chances pour que vous soyez en apnée une bonne partie de ce temps de lecture !

« Les rêves, c'est rien que des mensonges. »

« Arracher au sol de quoi survivre chaque jour leur prenait tout leur temps, toute leur énergie. Pour l'avenir, pour les rêves, il n'y avait plus de force. »

« La ville ensablée. La ville engluée, épaisse, opaque. Tout manquait d'air. Tout arrivait feutré et hurlant en même temps. Le bruit se heurtait au silence des grandes peurs.Tout continuait cependant.
[...]
Mais ça ne se voyait pas que la nature crevait dans les villes. Ça ne faisait rien au macadam, rien aux réverbères. Ça ne changeait pas le chant des étudiants, ça ne changeait pas le bruit des klaxons. Ça n'atténuait pas les rires ni les cris, le grincement des portes qui s'ouvraient et celles qui se fermaient, pas le ronronnement du métro, pas les sonneries des port.
Ça ne modifiait pas la couleur du ciel - parce que personne ne le regardait. Il y avait trop de lumière devant. Des lueurs artificielles.
Qu'on éteigne [...]
Le monde comme une ampoule.»

« Il dormit.
Pas du sommeil qui répare : de celui qui épuise, plein de rêves et de peurs, de réveils soudains, d'assoupissements trop fugitifs. »

« Quand les jours étaient tristes; Corentin ouvrait sa mémoire et écoutait le rire d'Altaïr et le rire d'Electra. »

« Il fallait y penser avant, se disait Corentin rongé par le remords. Il aurait pu l'emmener cent fois, quand il était à l'université. Pas eu le temps. Pas pris. La belle leçon. Que croyait-il - qu'Augustine était éternelle ? »

« Quatre jours, c'était trop long. Quatre jours, c'étaient quatre nuits qui tombaient sur son absence, quatre aubes vides, et entre chaque, des questions sans fin. »

« S'ennuyer. Une chance inouïe, ajoutait-elle. S'ennuyer, cela ne faisait pas de douleurs aux bras, ni aux jambes, ni au dos, ni aux mains que l'arthrose avait commencé à déformer. Cela ne pliait pas le corps, cela n'affolait pas l'esprit. C'était du temps béni : celui où on peut inventer le monde. Rien n'empêchait. Rien n'interdisait. »

« [...] il n'y avait pas de place pour les plaintes et les larmes. Il fallait lutter, tout le temps. C'était leur lot dorénavant. S'écouter était un luxe qui n'existait plus. Quand il s'agit de survivre, on trouve en soi des ressources insoupçonnées, des forces impossibles. Quand il s'agit de survivre, on ne trébuche pas : on ne tombe qu'au dernier moment. Pour de bon. »

Quatrième de couverture

     Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser. Traîné de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu’au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.
     À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps ; les arbres perdent leurs feuilles au mois de juin. Quelque chose se prépare. 
     La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Humains ou bêtes : il ne reste rien. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts.
Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement.

« Un grand roman » Le Parisien
« Un opéra grandiose » L'Express
« Bouleversant d'humanité » Télérama

Éditions JC Lattès, janvier 2020
334 pages
Lauréate du Grand Prix RTL-Lire 2020
Lauréate du Prix de la Closerie des Lilas 2020
Lauréate du Prix du livre France Bleu Page des Libraires 2020
Sélectionnée pour le Grand Prix des lectrices de Elle
Sélectionnée pour le Prix des lecteurs de l'Express - BFM TV

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