samedi 25 décembre 2021

Comme des bêtes ★★★★☆ de Violaine Bérot

Un court roman à plusieurs voix sur la maltraitance institutionnelle et sur le rapport de l'homme à la nature
La nature crée des différences, la société en fait des inégalités ...

Avec délicatesse, Violaine Bérot évoque le tragique et pointe du doigt les abus et défaillances de notre système dans lequel le conformisme semble encore de mise.
   
Tendres fragments de la vie d'un être "différent" tant aimé d'une mère ô combien déterminée. Un petit bijou de littérature, un conte coup de poing.
Acceptons-nous comme nous sommes ... merci Violaine Bérot pour cette histoire qui prend aux tripes.

« Auprès de nous
les fées
disparaît
la peur des géants.

S'envole
La peur des géants
avec nous
les fées.

Alors
les entendons rire
entendons rire les géants
entendons tinter
à nos oreilles les fées
leur rire.

À nos oreilles
comme des chatouilles
le rire des géants.

Leur rire
pour de petits riens
un rayon de soleil sur le nez
trois fourmis soulevant un brin d'herbe
leur rire
aux géants
pour de petits riens. »

« Nous
les fées
le voyons
le monde d'en bas
entre quatre murs
enfermer
ceux qui vont de travers
les égarés.

Entre quatre murs
enfermer
les géants.

Loin des torrents
des forêts
des bêtes
loin des grottes.

Entre quatre murs
enfermer
les géants égarés.

Les enfermer
pour leur bien
disent-ils. »

« Devant l’institutrice qui, je vous le répète, n’était pas une tendre, elle l’a embrassé, lui, son fils, notre idiot de l’école. Et elle ne l’a pas embrassé vite fait, sans y penser, par habitude, non, elle l’a embrassé avec une application et une lenteur incroyables. Ce baiser de mère, moi il m’a bouleversé. Vraiment. Un pareil amour entre une mère et son fils, je n’avais jamais vu ça. Je ne savais pas que c’était possible. »

« Ben oui, ça m'énerve. Ça m'énerve toute cette surexcitation autour de cette affaire. Vous avez vu tous ces journalistes avec leurs micros et leurs caméras à aller titiller les gens du coin, à vouloir en savoir toujours davantage, à chauffer tout le monde ? Est-ce qu'on va fouiller chez eux, nous ? Est-ce qu'on entre dans leurs maisons ? Est-ce qu'on photographie leurs affaires en train de sécher sur l'étendoir à linge ? Est-ce qu'on aurait idée, aussi rustres qu'on soit, d'être aussi indélicats ? »

« Nous
les fées
parfois
entendons
du monde d’en bas
certaines voix
s’élever.

Certaines voix
discordantes
dissonantes
les voix de certains normaux
anormalement normés.

Ils rient avec les égarés
puis
un sourire aux lèvres
continuent leur chemin
leur chemin de normaux
anormalement normés.

Cela nous console
nous
les fées
de savoir que certains
dans le monde d’en bas
certains normaux
anormalement normés
des égarés
n’ont pas peur
aux égarés
font confiance
certains.

Cela nous console
nous
les fées
cela nous console de savoir
le monde d’en bas
par endroits
anormalement normé. »

« Préciser ce que disent les vieux ? Je vous l’ai déjà dit, ce problème avec les fées. Les vieux en démordent pas. Les fées, si on a le malheur de leur reprendre un enfant, deviennent pires que des sorcières. Ils disent que ce qui va se passer va être terrible, que le village se remettra jamais de la malédiction. Je vous répète ce que j’entends. Pour eux il faut relâcher l’Ours et ramener la gosse dans sa grotte. Que tout redevienne comme avant. »

« Non, je ne me calmerai pas ! Vous enfermez mon enfant et vous voulez que je reste calme ? Vous enfermez mon garçon que toute sa vie j'ai justement protégé de ça, et vous me demandez à moi, sa mère, de rester calme ? Mais ils sont où, vos psys, ils sont où ceux qui comprennent quelque chose ? Il n'y a personne chez vous qui s'intéresse un peu aux gens différents ? »


« Devant l’institutrice qui, je vous le répète, n’était pas une tendre, elle l’a embrassé, lui, son fils, notre idiot de l’école. Et elle ne l’a pas embrassé vite fait, sans y penser, par habitude, non, elle l’a embrassé avec une application et une lenteur incroyables. Ce baiser de mère, moi il m’a bouleversé. Vraiment. Un pareil amour entre une mère et son fils, je n’avais jamais vu ça. Je ne savais pas que c’était possible. »

Quatrième de couverture

La montagne. Un village isolé. Dans les parois rocheuses qui le surplombent, se trouve une grotte appelée "la grotte aux fées". On dit que, jadis, les fées y cachaient les bébés qu'elles volaient.

A l'écart des autres habitations, Mariette et son fils ont construit leur vie, il y a des années. Ce fils, étonnante force de la nature, n'a jamais prononcé un seul mot. S'il éprouve une peur viscérale des hommes, il possède un véritable don avec les bêtes.

En marge du village, chacun mène sa vie librement jusqu'au jour où, au cours d'une randonnée dans ce pays perdu, un touriste découvre une petite fille nue. Cette rencontre va bouleverser la vie de tous...

Violaine Bérot, dans ce nouveau roman à l'écriture poétique, décrit une autre vie possible, loin des dérives toujours plus hygiénistes et sécuritaires de notre société. Un retour à la nature qu'elle-même expérimente depuis vingt ans dans la montagne pyrénéenne.

Éditions Buchet.Chastel, avril 2021
160 pages

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