mercredi 30 novembre 2022

Une déchirure dans le ciel ★★★★★ de Jeanine Cummins

Magnifique témoignage de ce que la violence gratuite peut anéantir, de ce que l'amour peut aussi permettre de reconstruire.
Un bel hommage à deux femmes, les deux cousines de l'auteure, Julie et Robin, qui portaient en elle de si belles intentions, intelligentes, brillantes, pour qui le chemin s'est brutalement, horriblement arrêté. Un soir de partage avec leur cousin. Un dernier soir avant la séparation. Un dernier soir ...
De beaux mots aussi pour son frère, Tom, qui, rescapé, a été accusé...injustement, violemment, arbitrairement.
Double combat pour la famille. Combattre la douleur de la perte, tenter tant bien que mal de continuer à vivre. Et combattre le sentiment de culpabilité instillé par les méthodes douteuses et sans scrupule des forces de l'ordre et de la justice. La vérité leur importe peu, aux journalistes non plus. Leurs méthodes, à eux tous, sont inacceptables.
C'est explosif. Tendu. Dur. Éprouvant. Émouvant. Déchirant. Glaçant.
Un récit qui donne à réfléchir. La violence entraîne la violence. Qui a subi, enfant, la violence, reproduit fatalement ce qui lui a été donné d'endurer. Certaines victimes devenues bourreaux ont conscience d'être du mauvais côté, de flirter avec le malin... mais c'est incontrôlable.

Constat accablant. Pourtant ... le cercle familial semble incontrôlable. Les dénonciations, les plaintes se font rares, et quand elles le sont, il est malheureusement déjà trop tard.

Perturbante lecture. Drastiquement bien construite. Humainement poignante.
« À Robin : mon amie fidèle, mon sang, ma faiseuse de rires. Et à Julie : mon soleil, ma source d'inspiration et mon éveilleuse d'âme.
Que Dieu nous donne la force et la sagesse de rendre à vos existences un soupçon de justice grâce à ce récit.
Nous vous aimerons à jamais
et vous nous manquez chaque jour.
Baisers et Révolution. »

« Le fleuve gémit et soupire 
Engloutit mes souvenirs
Et recrache des courants de regrets 
Pour noyer les regret nageurs imprudents
À l'abri d'un bouclier en pelure d'oignon 
Elle verse des larmes dépourvues de sel 
Hurlant à la lune

Le pont s'est effondré depuis longtemps 
Et le fleuve se vante désormais de ses dangers De peur de me noyer
Je ne traverse plus pour te rejoindre
Je reste debout sur les rives boueuses à te faire signe
Mais sans te voir clairement 
Mes rêves m'entraînent vers le bas
Jusqu'aux rochers et au courant froid au-dessous
Et je me suis perdue
Dans le bourdonnement plaintif de l'eau 
Qui me berce vers le sommeil.
Julie Kerry »
« Vous n'êtes que des malades. Comme vous n'avez pas assez d'images sur le pont ni de cadavres à montrer au journal de 18 heures, vous venez accoster une gamine sur la pelouse devant sa maison alors qu'elle est en train d'essayer d'appréhender la tragédie la plus dévastatrice qui puisse jamais s'abattre sur une famille. Nous sommes effondrés, là. Laissez-nous tranquilles. Partez, partez, foutez le camp d'ici maintenant ! »

« Dans son article intitulé « La persuasion coercitive et le changement d'attitude» cité au début de ce chapitre, Ofshe affirme:

Dans des circonstances inhabituelles, les méthodes d'interrogation modernes de la police peuvent comporter certaines des propriétés d'un programme de réforme de la pensée [...]. Bien qu'ils surviennent rarement en même temps, les ingrédients nécessaires pour provoquer de faux aveux que l'on croit temporairement sont : des soupçons erronés de la police, l'utilisation de certaines procédures d'interrogation communément employées, et un certain degré de vulnérabilité psychologique de la part du suspect [...]. Les tac tiques employées pour obliger le suspect à changer de position et obtenir des aveux de sa part incluent des manœuvres conçues pour accentuer ses sentiments de culpabilité et de détresse émotionnelle [...]. »

« "La ruse et la tromperie sont par moments indispensables au processus de l'interrogatoire criminel. Comme nous l'avons souligné, elles ne présentent pas le risque d'induire de faux aveux."

Ce manuel, le même qui est utilisé dans tous les États-Unis pour former nos policiers à la bonne conduite d'un interrogatoire, explique en détail que la Cour suprême des États-Unis a autorisé l'utilisation de la ruse et de la tromperie dans ce cadre. Ce texte donne également divers exemples où les suspects ont été amenés par la ruse à faire des aveux recevables. De plus, le manuel incite effectivement les policiers à se servir de la ruse et de la tromperie pour provoquer des aveux chaque fois que c'est nécessaire, dans les limites de ce que l'on appelle la « décence ». »

« C'était étrange pour eux tous d'être là à rire, plaisanter et manger au Red Lobster alors que Julie et Robin étaient encore dehors quelque part dans le noir, portées disparues. Cet instant de légèreté fut donc bref, même s'ils en avaient tous énormément besoin. Et ils ne tardèrent pas à payer ces rires par ce terrible sentiment pesant de culpabilité qui est toujours le lot des survivants. Les visages momentanément souriants autour de la table redevinrent tous graves. Les miettes sur l'assiette de Tink furent mouillées de larmes, et son appétit s'évanouit de nouveau. »

« Plus tard dans l'après-midi, Hollee McClain, la meilleure amie de Julie, vint à la barre pour évoquer succinctement son amitié avec les deux sœurs. Sa voix tremblota au moment où elle commença à y lire tout haut le poème qu'elles avaient peint sur le pont, Faites ce qui est juste ». Pour les personnes présentes dans la salle d'audience à qui ce texte était encore inconnu, son contenu était d'une ironie à couper le souffle.

FAITES CE QUI EST JUSTE 
L'Union Fait la Force
La Division Nous Affaiblit
Rien N'est tout Blanc ni tout Noir Nous, la Nouvelle Génération
Devons Prendre Position Nous Unir pour ne Faire qu'Un Il faut K on
ARRÊTE
De s'Entre-tuer
Pas Besoin d'être Blanc ou Noir
Pour Ressentir les Préjugés
Pour Tomber Amoureux 
Connaitre la Douleur 
Engendrer la Vie 
Pour Tuer 
Pour Mourir 
Il faut simplement être Humain 
Faites ce qui est Juste. »

« Tom, il faut que tu arrêtes de te fustiger avec ça, lui conseilla Frank tandis qu'ils mangeaient leurs steaks. Le noeud du problème, c'est que tu as survécu. Et c'est une bonne chose, sinon personne n'aurait jamais su ce qui était arrivé à Julie et Robin. Ces quatre monstres se baladeraient encore en liberté quelque part. Tu as survécu au fleuve. Tu as survécu aux médias. Et c'est ton témoignage qui va envoyer ces quatre mecs à leur véritable place. Tu devrais être sacrément fier de toi. »

« La pire chose que peut jamais faire un oppresseur à une victime est de lui inspirer une telle haine que la victime devient capable du même genre de monstruosités que celles qui l'oppressent. Cette menace d'altération de l'âme de la victime en elle-même est bien plus terrifiante à mes yeux que n'importe quelle brutalité physique potentielle. Si je laisse ma révulsion pour les meurtriers de mes cousines me condamner à être assoiffée de sang, les voyous de ce monde ont gagné. Et les Julie et les Robin ont perdu. »

« Je ne peux pas prendre position contre la peine de mort par compassion pour ces hommes parce que je n'ai pas ressenti une once de compassion envers eux à ce stade. Ce serait peut-être le cas si je pensais qu'ils regrettaient - s'ils exprimaient un quel conque remords véritable pour leurs actes. Je peux simplement dire que la peine capitale n'a rien résolu pour moi. Elle ne m'a pas aidée à cicatriser mes plaies, et je ne m'attends pas à ce que cela arrive.
Néanmoins, je suis frustrée par cette éternelle rhétorique. Nous concentrons toujours notre attention au mauvais endroit. Peut-être que la peine de mort est mauvaise, pas uniquement d'un point de vue humanitaire, mais parce qu'elle aliène encore davantage des familles qui ont déjà tant souffert. Parce qu'elle retourne le couteau dans la plaie. Parce qu'elle minimise le rôle des personnes qui devraient avoir le plus d'importance. Parce qu'elle donne aux meurtriers l'opportunité de porter un insigne qu'ils ne méritent pas - celui de la victime. »

Quatrième de couverture

Un soir d'avril 1991, à la faible lueur de leurs briquets, deux sœurs, Julie et Robin Kerry, font découvrir à leur cousin Tom Cummins les poèmes et graffitis inscrits sur l'Old Chain of Rocks, le pont qui enjambe le Mississippi à la sortie de St. Louis. Au même moment, quatre jeunes de la région trompent leur ennui en arpentant ce vieux pont, depuis l'autre rive. Lorsque leur route croise celle du petit groupe, on assiste brusque ment à un terrible déchaînement de violence. Tom, qui réussit à en réchapper, ne peut pas imaginer que pour lui, sa sœur Jeanine et toute la famille Cummins, une interminable épreuve commence.

Dans ce récit haletant, Jeanine Cummins raconte et ana lyse les effets dévastateurs d'un crime sur les victimes et leurs proches. Des méthodes policières douteuses aux déborde ments de journalistes fascinés par le meurtre, de la difficile impartialité de la justice à l'épineux débat sur la peine de mort, ce livre bouleversant explore les ombres de la société améri caine. Le lecteur suit le combat de Tom et de sa famille au fil des années, et leur émouvante reconstruction, dont le pilier reste la fidélité à leurs disparues.

« L'histoire saisissante d'un meurtre célèbre dont les répercussions n'en finissent pas d'affecter la vie des survivants... Un hommage très juste à la force d'une famille confrontée à une perte tragique. »
Kirkus Reviews

Éditions Philippe Rey, septembre 2021
367 pages
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christine Auché 

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