mercredi 28 décembre 2022

Alger sans Mozart ★★★★★ de Michel Canesi & Jamil Rahmani

Magnifique moment de lecture. 
Un roman choral qui met en lumière l'Algérie, qui rend hommage à ceux qui ont dû la quitter, à ceux qui sont restés, aux exilés qui ont profondément aimé ce pays. Les deux points de vue sont abordés : ceux des pieds-noirs comme celui des algériens autochtones. Les traits des personnages sont peut-être un peu forcés, mais comme que j'ai aimé les côtoyer. Ils se donnent la réplique, nous invitent dans leur cœur à tour de rôle, dans de très courts chapitres, rythmant cette lecture attachante que j'avais beaucoup de mal à lâcher. Un petit pavé de 450 pages dévoré en deux jours ! Les description d'Alger sont superbes.
L'histoire de Louise, personnage principal de ce roman, au sort bien malheureux,  est poignante. Son amour pour l'Algérie, pour Alger la blanche et ses doux parfums, la musique, les souvenirs... inonde ces pages. 
Deux auteurs, deux origines, deux styles d'écriture, deux belles écritures. 
Un livre dont l'écriture à quatre mains de deux origines différentes, - Jamil Rahmani est né en Algérie, Michel Canesi est français, naturalisé marocain en 2019-, confère, à ce livre, une dimension universelleNous sommes tous citoyens du monde. Les auteurs offrent des éléments pour comprendre l'histoire de l'Algérie, à nous, lecteurs, de nous en imprégner pour façonner notre propre opinion.
Merci Michel Canesi & Jamil Rahmani !
« - C'est plus que ça, c'est une histoire d'amour trahi... une histoire d'amour et de haine entre un homme et une femme, entre une femme et sa terre, entre l'Algérie et la France... l'histoire de la colonisation et de la décolonisation au travers de plusieurs destins, l'Histoire avec un grand H écrite avec le sang des personnages. »

« Les événements politiques qui nous ont fait horreur et ont failli nous entraîner dans leur ressac se succèdent et s'annulent comme les brisants sur une plage. On finit par rendre compte qu'on a affaire au rythme des choses. » 
Marguerite Yourcenar

« Alger s'enfonce chaque jour dans la déchéance, si je l'avais connue aujourd'hui, je la haïrais. Mais je l'ai vue vivante et belle. »

« Les souvenirs sont des tableaux accrochés sans ordre ni raison sur les murs lézardés de la mémoire. Ils surgissent juxtaposés et peuplent le vide de nos vies presque achevées. »

« Kader prit ma main et me guida vers la lumière.
Nous marchions dans les rues d'Alger sous les regards inquisiteurs: une Française habillée à la dernière mode et un Arabe déguenillé, pantalon trop court, chaussures éculées. Incongru.
Il n'avait pas d'argent et refusait que je paye pour lui dans les cafés, alors nous discutions des heures entières sur les bancs publics. Je découvrais l'autre Algérie, celle des gueux et des exclus. Il avait des paroles très dures sur la colonisation, ce mal absolu. 
- Mais, Kader, regarde cette ville, ces immeubles, les gares, les aéroports.
- Vous en profitez, pas nous ! Vous avez pris nos meilleures terres, confisqué nos richesses, vous nous avez massacrés, relégués...
- Je n'ai rien fait, Kader, je ne suis pas responsable des exactions de mes ancêtres, c'est le cours de l'histoire. 
- Justement, il faut le changer!
- Avec des fusils et des bombes ? En assassinant des innocents ?
- Quel autre choix ? Vous ne comprenez que la force. Une Algérie libérée avec les mêmes droits pour tous, voilà ce que nous voulons construire.
- Nous? 
Il m'avoua son appartenance au FLN. »

«  Comme tous les Algériens, il avait pour la puissance coloniale des sentiments partagés : il oscillait entre haine et admiration, attirance et rejet. La France avait écrasé les siens et inculqué aux autochtones un profond sentiment d'infériorité, le fameux complexe du colonisé qui tortura des générations de musulmans.
Comment aimer une nation tortionnaire? Comment haïr le pays des Lumières ?
Debussy, Manet, Renoir, Rousseau, Voltaire, Molière et Camus ne rachetaient-ils pas toutes les avanies?
Après l'indépendance, certains Algériens eurent une telle rancœur qu'ils refusèrent d'assumer leur schizophrénie. Ils tentèrent d'extirper tout ce qui rappelait la présence française et sa créativité, allant jusqu'à amputer les seins des cariatides sur les immeubles du front de mer d'Alger.
Le Kader des années cinquante n'était pas extrémiste. Il voulait s'affranchir de la pauvreté par tous les moyens, l'autodétermination en était un. Dans sa stratégie, j'étais un élément important: l'indépendance était lointaine et chimérique, mon amour lui ouvrait les portes de la citadelle coloniale.
De cette ambivalence, je n'avais pas conscience. 
Je souffrais du complexe du colonisateur et voulais racheter l'honneur des miens. Il n'avait, m'assurait-il, aucune activité terroriste. Il collectait des médicaments, des pansements pour le maquis, il me demanda de l'aider. J'emplissais mon sac de plage d'alcool, de pénicilline, de coton, de  gaze et partais livrer ma cargaison aux quatre coins d'Alger. »

« Il neige sur Central Park. Les flocons ont effacé la première et l'avant-dernière lettre d'Imagine, « magie » s'inscrit désormais au centre de la mosaïque. Dans imagine, il y a image et magie: l'exacte définition du cinéma ! 
Un homme mûr et une toute jeune femme passent devant moi puis s'enfoncent dans le blanc, main dans la main, j'ai envie de leur crier :
-There's no heaven ! »

« Les Algériens, brisés par la guerre, avaient perdu un père, un protecteur et, comme Lalla Amina, ils durent se résigner et patienter. Comme pour ajouter à leur malheur, l'OAS, créée le 11 février 1961, entra en guerre quelques semaines plus tard.
Ce peuple digne et désespéré me bouleversait ; nous avions transformé ces hommes et ces femmes en ombres furtives et ces ombres, l'armée secrète voulait les gommer. »

« Les traumatismes structurent notre vie et infléchissent son cours. »

« - Pourquoi tu as mis de la musique cette nuit?
- Je ne supportais plus d'entendre les taleb.
- Les gens n'étaient pas contents. Chez nous, c'est péché d'écouter la musique quand on est en deuil. Pendant quarante jours les femmes ne doivent pas se maquiller, pas porter de bijoux. On doit pas regarder la télé, cinéma... 
- Quand quelqu'un meurt, il faudrait qu'on meure aussi, c'est ça ? 
Je faillis m'emporter. Je haïssais ces traditions immondes qui, avec délectation et perversité, contraient la joie et la vie. Je haïssais l'islamisation rampante qui ritualisait la société et stérilisait tout. Je me retins, cet enfant n'aurait pas compris, il n'avait pas les armes. »

« J'avais découvert Proust à mon retour de New York: une révélation. Un amour de Swann traînait dans la bibliothèque du salon, je m'emmerdais, j'avais le cafard, j'avais les narines pleines de l'odeur du Mineshaft. Je ne savais rien de Proust sauf qu'il était homo et asthmatique, qu'il avait consacré la seconde moitié de sa vie à écrire les souvenirs de la première. J'avais dévoré le bouquin. Et après ça, toute la Recherche.
L'univers feutré, la préciosité des êtres, l'épopée légère d'un monde futile et décadent, les joutes verbales à fleuret  acéré, le regard impitoyable et nostalgique d'un écrivain en exil intérieur sur un monde disparu me bouleversèrent. »

« Il ne comprenait pas : pour l'immense majorité des Algériens de souche, le droit du sang était souverain, pas celui du sol. Il avait du mal à admettre mon mariage avec Kader et la complicité de mes parents. Une de ses cousines avait épousé un Français - il était encore bébé -, elle fut bannie, il ne la connut jamais. On en parlait quelquefois dans sa famille, mais toujours avec mépris et dégoût.
Qu'elle était loin l'Algérie de mes rêves ! »

« Fière et lucide, sans angélisme : un crime était un crime, on n'absolvait pas sa conscience en invoquant mission civilisatrice, nationalisme ou légitime défense, et je citais Camus aux uns et aux autres : « Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente. »
Les criminels étaient partout, chez les musulmans comme chez nous. »

« À la mosquée, l'imam dit qu'il faut prier cinq fois par jour, qu'il faut pas l'Europe, que être attiré par les là-bas ont plus de morale. Si on suit gens leur exemple, on ira en enfer. Il faut protéger nos femmes et nos enfants du vice, il faut surtout pas regarder les chaînes de télé étrangères et pas voir les films américains ou français... Louise, le vendredi d'après, dit que cet islam est pas bon, que les religions doivent pas être insupportables, qu'au contraire elles doivent aider les gens, qu'il y a rien de plus beau qu'un prélude de Bach ou un concerto de Mozart, que le cinéma, c'est un peu l'école de la vie et qu'il faut ouvrir grand les oreilles et les yeux au lieu de les fermer.
- Tu comprends, ces arriérés voudraient me faire sortir dans la rue habillée en pingouin et m'empêcher d'écouter Mozart... Tu imagines Alger sans Mozart! La vie, c'est la liberté : la liberté de croire, de voir, d'entendre et d'aimer sans contraintes, dans le respect de soi et des autres. Pas cet ersatz de religion qui veut fixer un cadre à tout et rythmer la vie avec des règles du Moyen Âge. L'islam de ton cousin est un islam d'interdit, d'abêtissement et d'anéantissement qui privilégie l'étiquette et jette à la poubelle le spirituel. Tiens, d'ailleurs, écoute...
Elle se lève et met un disque de musique classique. 
- C'est beau ! Qu'est-ce que c'est ?
- Mozart, justement : Cosi fan tutte... »

« Un monde, mon monde, s'est effondré. Je voulais qu'il change, qu'il évolue, non pas qu'il disparaisse. Que les injustices soient réparées et non remplacées par d'autres. Nous avons été chassés par une nomenklatura méprisante et cupide, une nomenklatura inculte et amorale: de Gaulle a livré ce pays à une bande de scélérats. Je ne peux concevoir que des hommes politiques français se réclament encore de lui. Il a convaincu la France qu'elle serait plus grande si elle devenait plus petite. Quelle imposture!
L'Algérie coûtait cher, il voulait sa bombe atomique, une aura planétaire. Il a lâché l'Algérie, sans imaginer l'avenir. Est-on grand toute sa vie parce qu'on l'a été une fois ? »

« Dans toute cette pourriture, y'en a deux qui arrivent à tomber amoureux, une Arabe et un Français, ils sont les seuls qui ressemblent à des humains. C'est joli, c'est tendre. 'elle sort On se repose quand on est avec eux, mais ça ne dure pas longtemps. Quand les frères de Leila apprennent qu' avec un Gaulois, ils poursuivent le couple en voiture dans toute la France et finissent par le retrouver.
Scène finale : ils percutent la voiture des amoureux et les deux caisses flambent comme dans la scène du début. Ça se passe dans un champ de fleurs blanches: des marguerites. Les flammes et la fumée montent vers le ciel bleu sans nuages comme dans les attentats du onze septembre. J'ai jamais vu un film comme ça Je suis dégoûté et, en même temps, je trouve ça très beau. côté, les films pornos de mon cousin, c'est pour les gamins, même si on voit plus de choses.
- Dis-moi, Louise, ça se passe comme ça en France ? 
- Dans certaines banlieues, oui.
- C'est affreux !
- Moins que ce que font nos terroristes, ça ne te choque pas les femmes et les hommes égorgés, les bébés fracassés sur les murs?
- Je ne voulais pas dire ça...
- Tu ne digères pas les scènes d'amour... c'est ta morale arabo-islamique. 
- Ce n'est pas vrai, je déteste les crimes et les assassins.
Mais aussi, je n'aime pas ce que font ces jeunes. 
- Mêmes causes, mêmes effets: la perte des repères et des valeurs, l'acculturation, l'ignorance et la pauvreté. »

« Je hais les négationnistes. 
Nier le passé est un crime.
La décolonisation, l'intolérance ont jeté sur la route de l'exil les pieds-noirs et les Juifs. Les Juifs étaient l'Algérie comme les coptes sont l'Égypte. Il n'en reste qu'une poignée, au sens vrai du terme. L'Algérie a perdu sa diversité, sa richesse culturelle et cultuelle. Un peuple installé depuis la première diaspora s'est éteint. Les jeunes Algériens ne savent plus qu'il a vécu deux millénaires en symbiose avec leurs ancêtres et l'on se garde bien de le leur enseigner. 
La disparition des pierres tombales juives du musée d'Alger participe de cette négation comme le pillage et la dégradation des cimetières juifs et chrétiens, des qouba des saints musulmans, le martelage des noms sur les monuments aux morts de la colonisation, la dépose du buste d'un poète dans un jardin. On veut extirper le passé de ce pays pour imposer l'uniformité arabo-islamique, épurer la langue français, dialectale riche des vagues arabes successives, d'emprunts au turc, à l'espagnol, l'italien, au grec, au latin et au effacer le berbère, étouffer le maraboutisme au prétexte qu'il est une survivance du paganisme, un supplétif du colonialisme, imposer les affreuses tenues vestimentaires de rétrogrades et lointains. pays
On veut cacher les corps et travestir les âmes, éteindre la liberté.
Le vent mauvais de l'histoire a soufflé les bougies de Noël et de Hanoukka.
La nudité des statues antiques dans les musées sera-t-elle bientôt haram comme les seins des cariatides des immeubles haussmanniens du front de mer ou les Marianne des mairies héritées de la colonisation?
Le rapt des pierres juives me désespère. L'Algérie rêvée est bien morte.
J'entre dans le musée, les anciennes richesses que certains voudraient gommer sont encore là. Le lieu est désert, je questionne le conservateur sur sa fréquentation. Elle est faible, quelques lycéens, de rares étrangers, ce passé n'intéresse plus. »

« Mourir à soi-même, c'est cela vieillir. »

« Christine a tenu parole, elle a activé tous ses réseaux pour que je me soigne à Paris. L'ambassadeur de France a téléphoné ce matin, mon passeport est prêt, je peux partir demain, réintégrée dans une nationalité que je n'avais jamais perdue !
- On reste français jusqu'à la mort, vous savez. 
- Vraiment, Excellence?
- Absolument.
J'aurais pu parler des harkis massacrés, méprisés, des pieds-noirs abandonnés comme des chiens, des combattants indigènes oubliés, des enfants interdits de séjour sur un sol jadis défendu par leur père, de la jeunesse de Dresde ou de Berlin qui déferle insouciante et heureuse sur les Champs- Élysées : les fils et petit-fils des Waffen SS plus légitimes que les fils et petits-fils des soldats basanés des colonies morts pour la France.
Le droit du sang, seul vrai passeport !
Mais je me suis tue, l'histoire nous a tous broyés et ce maudit cancer me dévore, je n'ai plus la verve d'antan et je n'ai plus de temps. J'ai juste dit: « Merci » et j'ai raccroché. Pour la première fois, je vais trahir l'Algérie, abandonner son destin pour le mien et bénéficier d'un passe-droit lié à mes gènes. Je ne veux pas me faire opérer ici, les hôpitaux sont terribles. Je veux revoir Sofiane, je veux revoir Marc, je veux revoir ma sœur. Je ne veux pas mourir seule à Mustapha, comme mon beau-frère Gérard, clinique chirurgicale A. »

« La Louise de 1957 qui stigmatisait la criminelle ne se doutait pas qu'un jour elle aiderait le FLN honni. Elle passait à présent les contrôles policiers sourire aux lèvres et démarche aguicheuse. Elle ne portait ni armes ni bombes mais, pensait-elle pour se donner bonne conscience, seule- ment des armes de vie, des antibiotiques, des sérums antitétaniques, des sparadraps. Elle ne voulait pas voir que ces armes inoffensives en apparence sauveraient des vies de terroristes et que ces vies de terroristes anéantiraient celles de son peuple, du peuple pied-noir, celles des hommes, des femmes et des enfants qui se dressaient protecteurs autour d'elle.
Elle pensait avoir eu tous les courages, mais à la réflexion, le vrai courage, c'est à Djamila Boupacha, Djamila Bouhired ou Danièle Minne qu'il revenait. Portées par la foi, ces femmes s'étaient mises au ban par un acte éclatant. »

« - L'imparfait... pourquoi ça s'appelle comme ça ? 
Imparfait, ça veut dire que c'est un peu abîmé, presque moche. Quand tu écris : « Cette maison était belle », ça signifie qu'elle est plus belle du tout.
- Sofiane, tu ne peux pas utiliser le présent en permanence. Il faut accepter l'imparfait. La vie passe, tu grandis. Les êtres, les choses ne sont pas éternels. Quand tu parles de ta maman, il ne faut pas utiliser le présent.
- Maman était parfaite, je ne veux pas l'abîmer ! »

« Je pris le parti de l'autre peuple pour l'amour d'un homme que je n'aime plus.
C'était vain, c'était dérisoire.
Guidée par le hasard - mais quel hasard ? - je prends un livre dans la bibliothèque de papa : Quoi ? L'éternité de Marguerite Yourcenar. Je l'ouvre et tombe sur la page seize, mon père y a souligné un passage au crayon de papier : «Les événements politiques qui nous ont fait horreur et ont failli nous entraîner dans leur ressac se succèdent et s'annulent comme les brisants sur une plage. On finit par se rendre compte qu'on a affaire au rythme des choses. » »

« Les morts et le passé sont en nous, il faut les écouter si on veut continuer à vivre, à sentir, à vibrer. Je les ai retrouvés là-bas. L'Algérie m'a rendu la douleur, celle des nouveau-nés au sortir de leur mère. Les parfums de nos vies sont les mots d'amour de nos morts.
- Votre film n'est pas politiquement correct. - Vous trouvez?
- À aucun moment vous ne stigmatisez la colonisation, on en arrive même à penser qu'elle a été bénéfique...
- Je ne suis pas manichéen, je ne suis pas historien. Pourquoi faut-il un vainqueur et un vaincu, quand la vie et la mort se partagent équitablement le territoire ? Je montre des images sans juger, je décris des vies. Les politiques ont une fâcheuse tendance à caricaturer, à simplifier. La loi sur les bienfaits de la colonisation était stupide... Allez donc vanter la présence française aux Algériens qui ont perdu des membres de leur famille avant ou pendant la guerre de libération. Par ailleurs, peut-on dire que tout dans le fait colonial est à rejeter? Des hommes, des femmes sont venus d'Europe, ils ont travaillé, aimé, remodelé une terre, ils ont semé les idées du siècle des Lumières, tracé des routes, ouvert des universités... doit-on nier leur apport ? Dans Nord d'Afrique, j'ai voulu montrer à quel point il est difficile de juger, de trancher et de prendre parti. Le bon droit est partout et ce n'est sûrement pas en légiférant qu'on fait jaillir la lumière... comme toujours, une part de la vérité viendra des artistes, certainement pas des politiques, englués dans leur langue de bois. »

« - C'est plus que ça, c'est une histoire d'amour trahi... une histoire d'amour et de haine entre un homme et une femme, entre une femme et sa terre, entre l'Algérie et la France... l'histoire de la colonisation et de la décolonisation au travers de plusieurs destins, l'Histoire avec un grand H écrite avec le sang des personnages. »

Quatrième de couverture

« - Le gâteau est trop petit, disait-il, nous sommes affamés, si vous le partagez avec nous, il ne vous restera que des miettes Ainsi résumait-il la question algérienne: pour accéder au gâteau, il fallait nous chasser! Je n'acceptais pas ses propos d'un anticolonialisme primaire.
- Je veux bien admettre que la colonisation est intrinsèquement mauvaise, il n'en demeure pas moins que nous sommes là et qu'il faudra faire avec nous. Nous ne sommes pas tous d'horribles colonisateurs. La majorité des pieds-noirs travaille avec le même dévouement, la même ferveur pour le bien de tous, indigènes et Européens.
- Nous voulons la liberté et l'honneur, Louise
Je pris ses mains: 
- Pourquoi l'attaches-tu à moi, Kader?
- Je ne sais pas... tu es belle et puis quelque chose en toi m'émeut Je suis belle comme la France et je t'émeus comme la France ! »

Alger sans Mozart est un roman choral, une partition à plusieurs voix. Celles de Louise et Kader: celle de Sofiane, fils de Algérie nouvelle hybride dont la vitalité redonne à Marc, le metteur en scène parisien cynique, créativité et goût de vivre, préfigurant ce que pourraient être les relations apaisées entre les deux rives de la Méditerranée, le Sud de bordant irriguant le Nord blasé.
Alger sans Mozart est un hommage aux exilés. Un hommage à la douleur des pieds noirs qui ont aimé ce pays, lui ont donné le meilleur d'eux-mêmes et l'ont quitté sans jamais trouver une reconnaissance. Un hommage à Algérie et aux Algériens écrasés par la destinée.
Alger sans Mozart est une mosaïque qui met en lumière soixante ans de schizophrénie. La schizophrénie de deux pays qui refusent d'admettre leurs liens irrémédiables.
Ce roman écrit par un Algérien et un Français s'attache à reconstituer le puzzle si complexe de l'Histoire commune aux deux pays.
Sans concession...

Éditions naïve,  mars 2012
456 pages
Prix des Lorientales

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