Ce livre sent bon les écumes et la marée, et m'a ramenée bien des années en arrière quand je suis partie vivre une année en Irlande. Il a eu le don d'ouvrir une fenêtre de ma mémoire, une fenêtre qui donnait sur la baie du Donegal en Irlande. La baie du Donegal, là où se déroule l'histoire de ce garçon venu de la mer, est certainement l'endroit qui m'a le plus marquée. On s'y sent comme au bout du monde. Un monde sauvage et fascinant. J'y suis allée plusieurs fois pendant mon séjour et à chaque fois, j'aurais aimé y rester encore et encore.
Alors forcément, ce livre est un coup de coeur personnel.
Il m'a transportée, happée.
J'y étais.
Avec eux. Habitants de ce village de pêcheurs. J'ai accueilli ce garçon venu de la mer, j'ai partagé leur repas, leur questionnement, leurs amours, leurs joies, leurs peines, leurs espoirs et leurs tempêtes.
J'y étais. Entre mer et montagne. Entre le paradis et l'enfer. Vie paisible. Vie rude. Sur ce bout de terre silencieux ou presque.
Ouais, j'y étais. Et ce fut une expérience hors du temps !
J'y étais et j'y retournerai !
Merci aux éditions Gallmeister pour ce voyage contemplatif que je ne suis pas prête d'oublier.
« Nous étions un peuple résilient, nous avions grandi face à l'Atlantique. Quelques milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui s'accrochaient à la côte et essayaient de ne pas se faire mouiller. Notre ville n'était pas juste une ville, c'était une logique et un destin. Nous n'ignorions pas qu'il y avait des lieux plus cléments et agréables, nous les voyions à la télévision, mais ils semblaient mièvres en comparaison. Chacune des mouettes du soir tournoyait au-dessus des chalutiers qui rentraient au port, et le soleil d'un orange ardent s'enfonçait dans la mer, nous permettant de comprendre notre place sur cette terre ronde. Nous aimions ce sentiment, nous le savourions, mais nous ne nous étendions pas dessus. Les vents de l'Atlantique avaient chassé nos mots, et nous avions appris à nous en passer. Même si le site de notre ville était spectaculaire, il n'avait rien d'une carte postale, et nos pensées étaient orientées vers des choses pratiques. La présence de la mer aurait pu conférer à certains de la spiritualité, pas nous. Nous n'étions pas enclins à la spiritualité et si nous nourrissions des sentiments superstitieux nous gardions cela pour nous. »
« À ce moment-là, Brendan arriva dans les jambes de sa maman, posa une main sur le bas de son dos pour agripper sa jupe et commença lentement à pivoter sur un pied en dévisageant leur visiteur. Tommy le regarda et s'en voulut aussitôt d'avoir parlé en ces termes. Brendan pouvait obtenir ce genre de résultat auprès de nous tous. La plupart disaient que c'était parce que nous nous souvenions de la façon dont sa vie avait débuté, abandonné sans défense, ce qui nous rappelait nos vulnérabilités et nous donnait une perspective différente sur les choses. Le seul fait de regarder Brendan pouvait inciter quelqu'un à réévaluer ses priorités. Quelques-uns allaient plus loin et affirmaient que le garçon avait une sorte de pouvoir qui forçait les gens à s'interroger sur leur manière de se comporter. La plupart d'entre nous rejetions ce genre de déclarations déraisonnables, nous n'étions pas enclins aux superstitions. Mais ça ne les empêchait pas d'insister. »
« Ambrose avait regardé l'endroit où leur camarade s'était trouvé, et il lui avait fallu des secondes pour comprendre la raison pour laquelle la ligne d'horizon n'était plus interrompue. Avait-il trébuché, s'était-il évanoui, avait-il glissé dans le sang ? Ils ne le sauraient jamais, mais son corps avait été rejeté par la mer une semaine plus tard et Ambrose avait compris cette vérité essentielle : la mer pouvait revendiquer quiconque silencieusement. Nous vivions et travaillions en bordure d'un appétit vorace. Si nous en approchions trop le pied, nous disparaissions avant d'avoir poussé un cri, nous ne laissions rien derrière nous hormis notre dernier souffle. »
« Ambrose appréciait les traditions. En son for intérieur, il considérait qu'il avait plus d'âme que la plupart des pêcheurs: un beau coucher de soleil rougeoyant sur la baie, une vague blanche qui balayait le pont, un requin bleu qui se débattait dans les mailles d'un filet, ces spectacles le bouleversaient, soupçonnait-il, bien au-delà de ce que ressentaient la grande majorité des pêcheurs. Beaucoup parlaient de l'océan comme s'il s'agissait d'un plancher d'usine ; Tommy par exemple. Qu'il reste confortablement installé pour pêcher par l'intermédiaire de consoles si ça le rendait heureux, Ambrose, lui, vivait pour la rencontre pure avec l'océan. Il était un chasseur, un pourvoyeur, comme les premiers hommes qui avaient pêché sur cette côte à l'aide de fers de lance ou ce qu'ils parvenaient à fabriquer à l'époque. Ambrose ressentait une parenté avec Mick Cannon, qui préférait nourrir ses amis plutôt que faire la queue à la criée pour recevoir quelques misérables livres sterling de la main d'un marchand. Peut-être Mick n'avait-il pas un grand esprit pour les affaires, mais il avait de la dignité et des instincts louables, et Ambrose était persuadé que c'étaient des qualités bien supérieures, les meilleures dont un homme pouvait faire état. »
« Christine rentra dans la cuisine, la consternation bouil-lonnant dans tout son être. Elle n'ignorait pas qu'Ambrose jugerait qu'il avait été parfait, qu'il penserait que ces instants avec son fils avaient été riches et empreints de complicité. Ambrose transmettait ce dont il avait lui-même hérité, ins-tallant Brendan dans une lignée d'hommes tranquilles, se contenant tous, presque au point de se refouler, de se consacrer génération après génération à étudier l'horizon, préférant étudier de loin une immensité dénuée de mots plutôt que de se vouer à ne serait-ce qu'une seconde d'introspection. Quel épouvantable piège, avait conclu Christine, que de s'être mise en ménage avec un homme si inhibé. »
« Les hommes du Donegal avaient des porte-clefs incroyablement volumineux ; nous avions tendance à avoir de nombreux verrous dans notre vie. Tommy avait maintenant les cheveux gris, mais il paraissait quand même plus jeune car il s'était marié, et sa femme l'avait persuadé de se faire détartrer et redresser les dents. Cela lui avait coûté une somme monstrueuse, mais il s'était soumis, l'amour, c'est comme ça. »
« Ambrose ayant oublié qu'il avait été le premier à mettre la vision de Rockall dans la tête de son fils, et à lui associer une sorte de légende, ne comprit probablement pas ce qui se passa ensuite, à savoir que le désir de son fils n'avait même pas grand rapport avec la pêche. C'était plus le fait que Roc-kall représentait quelque chose qu'eux deux, uniquement eux deux, pas Brendan, pourraient à nouveau partager. Mais Declan lui-même ne le comprenait pas davantage ; ce que nous recherchons se cache souvent dans le brouillard »
« On ne s'échappe jamais d'un endroit comme celui-ci. Si on n'y retourne pas, il vient vous chercher. »
Quatrième de couverture
"Notre ville n'était pas juste une ville, c'était une logique et un destin."
Irlande 1973. Un bébé trouvé sur la plage d'une petite ville de la fe ouest est adopté par un pécheur local et sa femme. Très Fanfant fascine. Au fil des années, "le garçon venu de la mer" continue de captiver les habitants, à l'exception de son frère, dont l'aversion ne cesse de grandir. Mais qui pourrait vraiment comprendre ce garçon ? Dans ce petit coin du Donegal, chacun doit grandir et trouver sa place, au sein d'un monde qui évolue à vive allure.
Saga familiale couvrant deux décennies, où alternent le comique et le tragique, l'intime et l'aventure, Le Garçon venu de la mer est un premier roman enchanteur, riche de la beauté de l'Irlande et de la chaleur d'une communauté.
C'est une grande histoire sur une petite communauté, racontée par la communauté elle-même.
BBC
Un roman surprenant, tendre et chaleureux, sur un lieu réel et des personnes réelles.
THE GUARDIAN
Un livre qui prend de l'ampleur comme un vent d'ouest, le fracas des conséquences cédant la place à un calme tardif, le lecteur restant avec l'impression stupéfaite de la tempête qui vient de se dissiper.
THE IRISH TIMES
L'histoire de Cart est à la fois vaste et intime, drôle et chaleureuse, tout en étant d'une grande acuité psychologique. Et elle transporte une cargaison pleine de sentiments sous les ponts.
THE HERALD
GARRETT CARR est né dans le Donegal en 1975. Il enseigne la création littéraire au Seamus Heaney Centre de l'université Queen's, à Belfast. Il a publié des romans pour jeunes adultes ainsi qu'un récit. Le Garçon venu de la mer est son premier roman pour adultes.
Éditions Gallmeister, août 2025
424 pages
Traduit de l'anglais (Irlande) par Pierre Bondil

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