dimanche 21 décembre 2025

Cet autre Éden ★★★★☆ de Paul Hardling

Une communauté marginale ignorée de l'Histoire du début du XIXème et du début du XXème siècle : celle de l’île de Malaga, véritable micro-monde de métissages, de fierté et de pauvreté dignifiée.
Paul Harding nous invite à contempler un monde presque utopique, miraculeux dans sa diversité intime : des enfants qui parlent latin ou dessinent avec un don inouï, des familles soudées par des années d’isolement, qui ont tissé des liens forts.
« Noé avait son arche. Les Honey avaient Apple Island. »
Cet autre Éden existe en dehors des catégories dominantes, il n'est pas un paradis, il est un monde qui n'obéit pas aux normes. Il est fragile car condamné par des autorités inhumaines, aux pratiques nuisibles, agissant sous couvert de la fausse science eugéniste aux préjugés raciaux qui prévalaient à l’époque. 
Grâce à une prose lumineuse, contemplative, lente, épique, quasi lyrique, riche et exigeante aussi, Paul Harding rend palpable l'indicible.  Et au-delà de la critique historique ou de l’hommage à une communauté injustement dispersée, "Cet autre Éden" façonne notre regard sur le monde, sur ce qui est "réel" et "juste" et lève le voile sur un pan méconnu de l'Histoire des États-Unis.  
À lire.

« L'ile de Malaga [...] fut le foyer d'une communauté métissée de pêcheurs du milieu des années 1800 jusqu'en 1912, date à laquelle l'État du Maine expulsa 47 de ses résidents et exhuma leurs morts afin de les enterrer ailleurs. Huit habitants de l'ile furent internés à l'École du Maine pour les Faibles d'Esprit. « Je pense que la meilleure solution serait de brûler ces cahutes et toutes leurs immondices », déclara à la presse le gouverneur de l'époque, Frederick Plaisted. [...]
[En 2010], la législature du Maine vota une résolution exprimant ses « profonds regrets ». »
Fondation pour la préservation de l'héritage côtier du Maine 

« Iris et Violet avaient discuté de la situation.
C'est la sœur de personne.
Pour sûr.
Ni la femme de personne.
Aucun doute là-dessus.
Elle a l'air encore plus démunie que nous.
Je te le fais pas dire.
Violet rechignait à accueillir Cheryl et les enfants, parce que les Indiens, avait-elle expliqué, ne lui inspiraient aucune confiance.
Vi, avait rétorqué Iris, c'est pas aux Indiens qu'on peut pas se fier, c'est aux gens. Surtout les hommes, en vérité. Et peut-être même les hommes blancs encore plus que tous les autres tu vois ce que je veux dire les vrais blancs; pas seulement la couleur de leur peau mais leur disposition d'esprit, pareil qu'être un homme ou une femme c'est une disposition d'esprit. Mais dire que tu fais pas confiance aux Indiens en règle générale, ça, c'est rien qu'un préjugé. »

« Le premier congrès international d'eugénique se tient ce mois-ci à Londres, en Angleterre. Dans son discours inaugural, le major Leonard Darwin, fils du célèbre Charles Darwin, a évoqué les dangers qu'entraînerait toute forme d'interférence avec les lois de la Nature. Tous les participants réunis, a-t-il déclaré, devraient reconnaître sans ambages que s'octroyer la satisfaction de secourir leur prochain en détresse tenir compte en même temps des effets que leur charité serait susceptible de produire sur les générations futures - serait, à tout le moins, une faiblesse et une folie. Nous autres résidents de Foxden et des communautés voisines serions bien avisés de peser la sagesse des paroles du Dr Darwin, au regard de la horde d'« enfants problématiques » engendrés par la Nature qui délaissent nos rivages pour s'établir sur Apple Island. »

« DES RÉSIDENTS SANS DOMICILE D'APPLE ISLAND PLACÉS SOUS LA TUTELLE DE L'ÉTAT: LES AUTORITÉS ESTIMENT QUE CES OCCUPANTS EXCENTRIQUES SONT DÉGÉNÉRÉS ET EN SITUATION DE DÉTRESSE

Une journaliste a récemment accompagné une délégation du Conseil du Gouverneur envoyée sur la tristement célèbre Apple Island afin d'inspecter l'étrange cohorte d'indigents de ce petit rocher et leurs conditions de vie sordides. La décision de former cette délégation a sans nul doute été inspirée en grande partie par le premier congrès international d'eugé-nique, qui s'est tenu cet été à Londres un rassemblement fort bienvenu des plus grands esprits d'Amérique du Nord et d'Europe destiné à faire peser sur la question des races toute l'autorité et la clarté de la science. Les faits scientifiques sont irréfutables, et c'est précisément sur cette base qu'a été prise la décision du Conseil de placer les insulaires sous la tutelle de l'État.
La famille typique sur Apple Island se compose tradition-nellement d'un renégat blanc en guise de père, d'une dame rachitique noire comme du charbon en guise de mère, ou vice versa, et d'une portée de rejetons basanés issus de leur union. Quelle déplorable hérédité pour ces petits. La colonie ressemble plus à un bidonville qu'à un village. Tous ses résidents y cohabitent pêle-mêle, noirs, blancs et mulâtres, sans distinction. Tous sont liés par le sang, et bon nombre d'entre eux, pour ne pas dire la plupart, sont atteints d'idiotie clinique ainsi que d'indolence.

Le seul signe encourageant, au milieu de ce marasme, est la présence d'une petite école à classe unique, propre et bien entretenue. Cette improbable institution d'enseignement est à ce jour encore dirigée par Matthew Diamond, un professeur à la retraite du Massachusetts qui depuis cinq étés maintenant s'emploie à sauver les âmes perdues d'Apple Island.

Mr Diamond instruit les enfants sur divers sujets : les mathématiques, la lecture, l'écriture, les règles d'hygiène élémentaires et la morale chrétienne. La journaliste a décou-vert une salle de classe remplie d'enfants propres et bien habillés qui, il y a encore deux ans, ne savaient ni écrire, ni faire une addition, ni réciter le moindre passage des Saintes Écritures, sans même parler de se laver les mains ou de se peigner les cheveux correctement. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont capables de lire de courtes phrases, de compter, de réciter le Notre-Père et de rédiger des lettres de remerciements à la Société de bienfaisance. L'un de ces élèves, un beau garçon à la peau claire, est même un artiste en herbe. Mr Diamond a montré plusieurs de ses dessins - représentant des oiseaux, des coquillages ou encore d'autres résidents de l'île - à la journaliste, laquelle n'hésitera pas à le qualifier de Rembrandt mulâtre d'Apple Island. 
Ce rayon de lumière au milieu de tant d'indigence et de pauvreté d'esprit ne suffira cependant pas, tant s'en faut, à changer le sort de cette colonie ; les respectables habitants de cette ville ne veulent pas voir s'étaler devant leurs portes de si dégradantes manifestations. Ces circonstances, si regrettables soient-elles, n'entachent toutefois en rien les modestes bonnes œuvres de Mr Diamond dont la journaliste se réjouit d'avoir été témoin. »

« Aucun de ces enfants n'accordait encore la moindre pensée à ce sang dans leurs veines que les gens en dehors de l'île considéraient comme impur. Même après l'humiliante visite de ces docteurs. Mais bientôt, songeait-elle. Bientôt, Pharaon viendra s'en prendre à nous, comme toujours. Elle repensa aux Hébreux sortant d'Égypte, pourchassés par l'armée de Pharaon. Elle repensa à la vision de Patience Honey au beau milieu de l'ouragan, à Moïse séparant la mer en deux, et elle pensa aux Hébreux se déplaçant d'un endroit à l'autre dans le désert, quarante fois, franchissant les fleuves et les terres en friche et les montagnes et les contrées désolées, ce à quoi les habitants d'Apple Island eux-mêmes, elle en était de plus en plus convaincue, allaient bientôt être contraints. Elle essaya de se réciter, dans l'ordre, tous les campements où les Israélites avaient fait halte, dont elle connaissait la liste par cœur autrefois, Sukkôt, Étam, Migdol, Mara, Élim - où il y avait douze sources d'eau et soixante-dix palmiers, se souvenait-elle - mais elle perdit le fil après Rephidim - où le peuple ne trouva point d'eau à boire. Aussi permanente qu'avait pu paraître Apple Island, si on prenait le temps d'y réfléchir posément, ce n'était jamais qu'un autre campement, bâti puis saccagé dans une course sans fin pour échapper aux Egyptiens, aux Assyriens, à Babylone et à tous les autres - les rois, les armées en marche et les mains tâtonnantes et intrusives de tous les docteurs de ce bas monde. »

« Doux Jésus, songe Matthew Diamond. Bien sûr qu'elle sait. Il est tellement sidéré par la force de cette révélation qu'il laisse presque éclater un cri. Bien sûr : combien d'autres habitants d'Apple Island à la peau claire, au cours des cent dernières années, ont compris que s'ils s'échappaient discrètement, quittant leur mère et leur père et leurs frères et leurs sœurs et leurs cousins pour partir ailleurs, dans un lieu où personne ne les connaît, personne ne saurait jamais rien du sang qui coule dans leurs veines, personne ne pourrait jamais deviner à la couleur de leur peau ou de leurs yeux ou de leurs cheveux que leur grand-tante était originaire du Cameroun, que le père de leur père était arrivé de Nubie par le Mississippi, que leur mère était de pur sang indien ? Quelques-uns au moins. Au moins deux, trois, quatre ? Peut-être peut-être même l'un des propres frères d'Esther, l'une de ses propres sœurs. »

« Les habitants de l'île étaient tellement accoutumés à leur régime de vent et de brouillard, à ne se nourrir que de soleil rôti et de nuages d'orage pochés, tellement habitués à dévorer des ombres rissolées et des échos grillés, que cette abondance de mets et de boissons les plongea dans une profonde stupeur. Ce soir-là, il leur sembla que c'étaient eux-mêmes à travers Ethan qui partaient pour un grand voyage. Et il leur sembla que l'envoyer peindre ses merveilleux tableaux dans quelque contrée lointaine revenait en quelque sorte pour eux-mêmes à déloger leur propre déraci-nement, à mettre en faillite leur propre pauvreté. Il leur sembla à tous, ce soir-là, qu'ils avaient même réussi en quelque sorte à affamer la faim elle-même. »

« Ethan dessina les andains de foin et le pré commença à prendre forme sur le blanc de la feuille tout autour. Il dessina la faneuse et les hommes qui ratissaient derrière et on aurait pu croire qu'ils étaient en train de moissonner un champ invisible sur une planète invisible. Ou qu'ils creusaient des sillons tout l'après-midi durant autour d'un cylindre planétaire, songea Bridget. La lumière dans le vrai champ devant elle était saturée de pollen, de poussière et de balles de grains en suspension dans l'air, soulevés par les coups de faux. Elle arrivait presque à distinguer le pollen poudroyant sur les poils des bras nus d'Ethan et dans ses cheveux. »

« Le tableau représentait un délicat petit fagot d'asperges, noué avec de la ficelle, posé sur le dessus d'une table en pierre sombre, scintillant sous une lumière d'une pure blancheur venue d'en haut, ivoirines à l'exception de leurs pointes, teintées de pourpre-chardon et de vert pâle comme si la lampe venait à l'instant de les raviver. Les légumes étaient entourés d'un halo profond de verts olive et de noirs qui donnait la sensation d'un vide infini au-delà, comme si ce fagot reposait sur une table au fond de la cale de quelque vaste vaisseau éventré, dans un faisceau de lumière projeté de très haut dans le noir par un hublot dans le seul but d'illuminer les pointes, pâles comme de la crème, virant ici au vert, là au violacé, lustrées, catalysées par un rayonne-ment qui n'atteignait pas le reste de la table ni ne projetait d'ombres autour des légumes comme l'eût fait la lumière réelle. La lumière semblait artificielle, arbitraire, inventée par le peintre. Elle tombait depuis d'insondables hauteurs pour dévoiler la vision inattendue entre toutes de cette récolte immaculée, impossible dans les profondeurs de telles ténèbres d'Ararat antédiluviennes et abandonnées, attisant impossiblement l'impossible moisson pour lui insuffler de la couleur.
Ce n'est qu'une botte d'asperges, dit Bridget. Une petite toile représentant des légumes tout bêtes, mais c'est celui de tous que je regarde le plus souvent.
Ethan se pencha pour s'approcher au plus près du tableau, essayant de comprendre comment un tel prodige était possible, comment le peintre avait réussi à transformer une poignée de plantes en un emblème du monde tout entier. »

« Elle s'attendait à se voir comme dans un miroir en regardant son portrait, mais lorsqu'elle passa de l'autre côté du chevalet et découvrit la jeune fille peinte, ce fut comme si un coup de maillet lui frappait le cœur et comme si son cœur était un gong de bronze derrière ses côtes et que sa résonance la ravageait et la remodelait tout à la fois. Ce n'était pas elle-même qu'elle voyait. Elle voyait la façon dont elle était vue. Le visage de la jeune fille sur la toile semblait cru, mis à nu, sa peau tantôt rose, tantôt blanche, piquetée ici de taches de rousseur, là de petits boutons, semblable tantôt à de la porcelaine, tantôt à des galets, son front pâle ombragé sous le chapeau qu'elle portait, son nez corail rougi par le soleil. Bridget distinguait les contours du crâne de la jeune fille, ses os sous la peau et les muscles. La jeune fille la regardait droit dans les yeux, un imperceptible sourire aux lèvres, mais elle penchait très légèrement la tête aussi, d'un air à la fois hardi et timide. La jeune fille occupait la partie gauche du tableau. Derrière elle, à droite, s'étendaient les champs et les tas de foin et l'horizon en hauteur, plein de lumière et de nuages, balayé par un voile de pluie, et, plus près, un fouillis d'herbe scintillante et ombragée et de longs entrelacs de vignes épineuses et de la dentelle de Reine-Anne et de délicats fanions de fougères et, presque immatériel, à peine visible à la lisière du lourd et rugueux tapis d'herbe sombre derrière la jeune fille, un pied de fraisier où s'accrochait une grappe de fruits verts voilés d'ombre. »

« Mets les meules de foin dans le ciel, drues et hérissées, crissant sur le bleu déclinant.
Entasse les nuages en rangées superposées tout le long du pré, brume peignée frémissant en suspens, suturée par la panse à l'herbe coupée ras, végétale, verte, s'asséchant durant le jour, se déshydratant au soleil, douce et humide puis sèche et douce et parfumant le pré, les nuages du matin violacés de gris profond sur l'herbe rase du matin vert foncé ondoyant comme de l'herbe marine dans les criques salées puis se diluant dans une blancheur de paille à mesure que la lumière vire au blanc dans les hauteurs de midi et s'accroche à la cime du jour, suspendue dans la chaleur et le blanc des hauteurs et le foin blanc, suffocant, s'asphyxiant dans un saisissement de lumière angélique. Comment rendre l'aurore, le midi et le crépuscule tout à la fois. Comment rendre la chaleur. Les formes et la lumière et les couleurs se décrivent elles-mêmes à Ethan avec une clarté et une harmonie parfaites, sans expli-cation ni raison, et il les applique sur la toile avec ses peintures. »

« Oui, oui, dit-il. Oui, en effet. C'est là un travail admirable que vous avez accompli. Tout à fait admirable, vraiment. Un puits et un petit pont, cela ne semble guère déraisonnable. Et de bons vieux poêles Franklin. Oui, absolument. Cela ne vous paraît-il pas raisonnable, messieurs ?
Non, rétorquèrent les membres du conseil. Il resterait toujours les questions d'hygiène, physique et mentale. Il resterait toujours le sang corrompu. Il resterait toujours la dépravation et l'imbécillité et le métissage. On ne pourrait rien changer à la réalité concrète de ces faits. Mieux valait pour tout le monde, et pour les insulaires au premier chef, démanteler la colonie, au nom de la salubrité publique. Tout détruire. Brûler ces cahutes et tous ces immondices. Abattre les chiens. Laisser la nature reprendre ses droits. Laisser l'hiver stériliser cette terre. Au printemps prochain, elle aurait retrouvé sa splendeur naturelle, ou presque, et serait propice à la mise en place de nouvelles activités, plus saines, pour les visiteurs comme pour les riverains. L'un des conseillers avança l'idée de bâtir un petit hôtel sur la falaise.
Peut-être avec un modèle réduit mais fonctionnel de phare pour ajouter une touche pittoresque, gloussa le conseiller.
Peut-être une passerelle éclairée entre l'île et le continent renchérit un autre. En bois. Romantique. »

« Bizarre Bazar sur Apple Island ! Bizarre fol de pique ! songea-t-il. (Son ami, le vieux veuf qu'il connaissait depuis la guerre, lui avait parlé de l'article dans le journal et des cartes postales de l'épicerie.) Oui, parfaitement; je suis bizarre, issu d'une famille bizarre, de bizarre ascendance. La plus bizarre entre toutes. Regardez-nous, échoués sur une île, un trou, un marécage, le désert, à peine établis que sitôt de nouveau bannis. Un peu que je suis bizarre. Je ne suis pas homme de terres ni de loi, pas plus duc que seigneur des soieries. Pas homme à ôter son chapeau, à plier le genou, ni larbin flagorneur. Je ne rédige nul décret; ne prononce jamais de jugement. Jamais n'appose aucun sceau. Ne fais pencher nulle balance. Non, pas moi; je suis bizarre. Je suis bizarre pour moi-même, pour mon propre moi, bizarre pour cette bizarrerie que je suis, dotée d'appétits étranges et d'un cœur qui bat de la plus bizarre des façons. Je suis bizarre pour tous les autres êtres bizarres, bizarre en regard de leurs formes, de leurs couleurs et de leurs tailles, bizarre en regard de leurs goûts. Je suis bizarre pour la mer impitoyable. Je suis bizarre pour toutes les bizarres petites créatures barbotant dans les flaques de marée. Je suis bizarre pour la lumière lorsqu'elle perce l'horizon et bizarre lorsqu'elle plonge derrière les arbres. Je suis une pure bizarrerie pour ces gens et pour ce monde. Je suis bizarrement amoureux de ce monde dévasté, bizarrement amoureux de l'amour lui-même - l'amour est toujours bizarre, toujours débarquant de bizarres nulle part pour envahir nos cœurs, rendant tout autour de lui bizarre et voilà, regardez-nous; les yeux grands ouverts toute la nuit, bizarres comme pas permis; orphelins bizarres, veuves bizarres, garçons bizarres et filles bizarres; filles alezanes bizarres éprises de garçons ivoire, garçons jonquille bizarres épris de filles lilas; filles carmin bizarres éprises de filles zibelines, garçons cannelle si bizarrement épris de garçons du blanc laiteux le plus bleu.
Cruels bergers! Brûlez-moi sur le bûcher et pendez-moi à un arbre. Clouez-moi au pilori; envoyez-moi au fond de la mine; jetez-moi dans les champs incendiés. Mais je suis bizarre. Et je dis: Voici de l'eau, du pain, une piécette ternie. Voici ma vieille chemise, mon rabot et mon marteau, un toit que je vous aiderai à dresser au-dessus de votre tête. Voici mon vieux corps bizarre, dans une grange, derrière une haie, sous une ombre, sur une maigre paillasse vite pendant que le roi meurtrier dort encore. Voici une chanson, un tableau, une gigue et une farandole. Voici une île pour une pomme, un verger pour un œil. Voici une pomme unique et parfaite pour une île. »

Quatrième de couverture

En 1792, Benjamin Honey, ancien esclave, et sa femme irlandaise, Patience, découvrent une île où ils peuvent enfin construire une vie ensemble. Plus d'un siècle plus tard, leurs descendants vivent dans une extrême pauvreté, mais l'isolement les protège du monde extérieur.
1912. Lorsque Matthew Diamond, un missionnaire blanc idéaliste mais. pétri de préjugés, débarque pour instruire les enfants, il est ébloui par leur intelligence l'une excelle en algèbre, une autre parle latin, un garçon révèle un don artistique rare. Pourtant, son arrivée cache un projet plus sombre, motivé par les théories eugénistes en vogue à l'époque. Derrière les apparences de la charité se dévoilent les rouages implacables de l'exclusion : bientôt, les habitants sont expulsés, leurs maisons rasées, leurs morts déterrés.
Dans une prose d'une beauté biblique, Paul Harding donne vie à une galerie de personnages inoubliables : Iris et Violet McDermott, deux sœurs qui élèvent trois orphelins ; Theophilus et Candace Lark et leur tribu d'enfants vagabonds; ou encore le prophétique Zachary Hand to God Proverbs, vétéran de la guerre de Sécession qui vit dans un arbre creux sculpté de ses mains.
Roman de résistance et de survie, Cet autre Éden est un hommage bouleversant à la dignité humaine face à l'intolérance et à l'injustice.

PAUL HARDING est l'auteur de Les Foudroyés, prix Pulitzer 2010, et de Enon. Son œuvre, saluée pour sa beauté stylistique, explore les thèmes de la mémoire, du deuil et des origines. Il enseigne à Harvard et vit dans le Massachusetts. Cet autre Éden a été finaliste des prestigieux Booker Prize et National Book Award.

Par l'auteur lauréat du prix Pulitzer pour Les Foudroyés
Finaliste du Booker Prize
Finaliste du National Book Award

« Le rythme de la narration est solennel, les descriptions - même des événements les plus infimes - d'une beauté saisissante. Cet autre Éden est un texte aussi splendide que douloureux, à l'image du lieu réel qui l'a inspiré. »
Claire Messud, autrice des Enfants de l'empereur

« Ce roman est le récit déchirant d'un paradis perdu, et une méditation lyrique sur des êtres isolés qui tentent simplement de survivre. »
THE NEW YORK TIMES

« Le roman éblouit sans cesse par la profondeur des phrases de Harding, leur lumière angélique et haletante. »
THE GUARDIAN

« Harding fait une nouvelle fois la démonstration de son art de la concision et de la compassion, dans un récit qui équilibre avec finesse rigueur historique et personnages pleinement incarnés. Certainement l'un des romans incontournables de l'année. »
LOS ANGELES TIMES

Éditions Buchet Chastel,  août 2025
315 pages
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Paul Matthieu 

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