vendredi 22 juillet 2016

La mare au diable de George Sand****


Editions Gf-Flammarion, 1991
187 pages
Première parution, chez Desessart, mars 1846


Quatrième de couverture


De grands écrivains, George Sand en particulier, ne sont ce qu'ils sont que pour avoir jalousement préservé, dans un coin de leur âme, malgré les pourritures de la maturité, les grâces exquises de leur enfance ou de leur adolescence, c'est-à-dire ces rêves azuréens d'avenir dont ils ont enchanté un présent noir ou gris. Le miracle de La Mare au diable, n'est-ce pas cela ? A la faveur d'un souvenir ancien, c'est le rêve évangélique d'une pureté d'adolescente possédant, avec «le respect de soi», le besoin de servir et d'aimer, la vraie noblesse et la vraie distinction - qui vient, après tant de calamités et, peut-être, de noirceurs, promettre le salut à cette femme de lettres, qu'on avait nommée Aurore.                                                                                                                                                 Pierre Reboul.


Mon avis ★★★★☆


Séjournant dans le Berry, s'imposait pour moi la visite de la demeure de George Sand, très beau château du XVIII, rénové en très grande partie grâce aux écrits de George Sand. Un coin de Paradis pour une Grand Dame, une maison-musée bien vivante, paisible, un jardin environnant remarquable, une visite très intéressante; nous est contée, avec beaucoup de passion (ce qui a quelque peu humidifié mes yeux et réchauffé mon coeur) la vie hors norme de cette admirable dame de la littérature française. 

Cette visite m'a apporté un immense bonheur et l'envie de renouer avec cette très belle histoire berrichonne La mare au diable.

Un très bel écrit champêtre, touchant, paisible et généreux, poétique, un magnifique hymne à la nature, à la terre, aux paysans courageux et braves aux dures labeurs de l'époque, une jolie idylle amoureuse. Au-delà de cette idylle, George Sand s'attache à nous faire découvrir la vie de la société sous la Restauration, les moeurs de l'époque, les superstitions, les mariages intéressés, elle critique la morale de la classe riche et confronte la vertu de la vie à la campagne à celle vicieuse de la vie urbaine, des habitudes d'orgueil et de déloyauté, ce luxe des villes, qui [...]paraissait une infraction à la dignité des moeurs de la campagne.

"Et pourtant, la nature est éternellement jeune, belle et généreuse. Elle verse la poésie et la beauté à tous les êtres, à toutes les plantes, qu'on laisse s'y développer à souhait. Elle possède le secret du bonheur, et nul n'a su le lui ravir. Le plus heureux des hommes serait celui qui, possédant la science de son labeur, et travaillant de ses mains, puisant le bien-être et la liberté dans l'exercice de sa force intelligente, aurait le temps de vivre par le coeur et par le cerveau, de comprendre son oeuvre et d'aimer celle de Dieu."  (Le labour

"Ceux qui l'ont condamné à la servitude dès le ventre de sa mère, ne pouvant lui ôter la rêverie, lui ont ôter la réflexion."


L'écriture est simple, elle nous embarque facilement dans son décor, peint admirablement bien les paysages campagnards, la forêt berrichonne, il en ressort une atmosphère poétique, extrêmement paisible.

George Sand évoque la nostalgie des coutumes traditionnelles et témoigne de leur disparition rapide prochaine, broyées par les progrès techniques, par la modernité.

"Car, hélas ! tout s'en va. Depuis seulement que j'existe, il s'est fait plus de mouvement dans les idées et dans le coutumes de mon village, qu'il ne s'en était vu durant des siècles avant la Révolution.Déjà la moitié des cérémonies celtiques, païennes ou moyen âge, que j'ai vues encore en pleine vigueur dans mon enfance, se sont effacées. Encore un ou deux ans peut-être, et les chemins de fer passeront leur niveau sur nos vallées profondes, emportant, avec la rapidité de la foudre, nos antiques traditions et nos merveilleuses légendes." (post-face, Les Noces de campagne)

Je ne me souvenais plus de la fin, je l'avais certainement beaucoup aimé à l'époque, adolescente, aujourd'hui, elle m'est apparue décevante, quoique joyeuse !

Un bon moment de lecture, que je semonde* ;-) aux amateurs de beaux écrits.

La mare au diable s'inscrit dans une trilogie champêtre berrichonne. Ont suivi La Petite Fadette et François le Champi. La Petite Fadette, lue, plus jeune, j'avais beaucoup aimé, à relire; François le Champi, à découvrir très vite !
J'ajoute aussi Indiana et Consuelo dans ma PAL...et tant d'autres. Elle a écrit 80 romans, 20 pièces de théâtres et tellement de correspondances, qu'il me va à priori faire un choix ;-)



Demeure de George Sand à Nohant-Le-Vic (Indre)







Photos prises dans le Jardin attenant au château (juillet 2016)


* Semondre, verbe trans.a) Vx ou région. ,,Inviter, convier à quelque cérémonie, à quelque acte public`` (Ac. 1798-1878). Semondre à des obsèques (Ac. 1798-1878). Semondre qqn de faire qqc. L'inviter à le faire. J'ai affaire du côté de mon ancien endroit, et je vous semonde de me laisser aller de bonne amitié (Sand, Fr. le Champi, 1848, p. 145).



Extraits

"J'ai bien vu, j'ai bien senti le beau dans le simple, mais voir et peindre sont deux ! Tout ce que l'artiste peut espérer de mieux, c'est d'engager ceux qui ont des yeux à regarder aussi. Voyez donc la simplicité, vous autres, voyez le ciel et les champs, et les arbres, et les paysages surtout dans ce qu'ils ont de bon et de vrai : vous les verrez dans mon livre, vous les verrez beaucoup mieux dans la nature." préface Georges Sand - Nohant, 12 avril 1851
"Je venais de regarder longtemps et avec une profonde mélancolie le laboureur d'Holbein, et je me promenais dans la campagne, rêvant à la vie des champs et à la destinée du cultivateur. Sans doute il est lugubre de consumer ses forces et ses jours à fendre le sein de cette terre jalouse, qui se fait arracher les trésors de sa fécondité, lorsqu'un morceau de pain le plus noir et le plus grossier est, à la fin de la journée, l'unique récompense et l'unique profit attachés à un si dur labeur." p.33 (Le labour)
"Enfin, vers minuit, le brouillard se dissipa, et Germain put voir les étoiles briller à travers les arbres. La lune se dégagea aussi des vapeurs qui la couvraient et commença à semer des diamants sur la mousse humide. Le tronc des chênes restait dans une majestueuse obscurité; mais un peu plus loin, les tiges blanches des bouleaux semblaient un rangée de fantômes dans leurs suaires."  p.99/100
"Tout ce qu'il venait de voir et d'entendre, une femme coquette et vaine, ce père à la fois rusé et borné, qui encourageait sa fille dans des habitudes d'orgueil et de déloyauté, ce luxe des villes, qui lui paraissait une infraction à la dignité des moeurs de la campagne, ce temps perdu à des paroles oiseuses et niaises, cet intérieur si différent du sien, et surtout ce malaise profond que l'homme des champs éprouve lorsqu'il sort de ses habitudes laborieuses, tout ce qu'il avait subi d'ennui et de confusion depuis quelques heures donnait à Germain l'envie de retrouver avec son enfant et sa petite voisine." p.122
"Oui, mon garçon, dit-elle, c'est ici la Mare au Diable. C'est un mauvais endroit, et il ne faut pas en approcher sans jeter trois pierres dedans de la main gauche, en faisant le signe de la croix de la main droite : ça éloigne les esprits. Autrement, il arrive des malheurs à ceux qui en font le tour." p128



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