lundi 31 juillet 2017

Le tour du monde du roi Zibeline ★★★★☆ de Jean-Christophe Rufin



Quel récit ! J'avais beaucoup aimé Rouge Brésil et c'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé la plume de ce conteur exceptionnel. Evasion garantie avec ce récit d'un voyage étonnant, à peine croyable d'un grand aventurier et explorateur, Auguste Benjowski, devenu réellement roi de Madagascar au XVIIIéme siècle, 
Nous sommes littéralement suspendus aux badigoinces d'Auguste et de son épouse Aphanasie, qui tour à tour content leur incroyable périple à Benjamin Franklin, l'un des pères fondateurs des Etats-Unis, signataire avec Thomas Jefferson de la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis en 1776.
«- [...] Je n'aime rien tant que d'entendre de grandes histoires. Elles me font oublier mon âge et mes maux.
- C'est qu'elle est vraiment très longue, et que, pour la raconter, il nous faudra peut-être plusieurs jours.
- Tant que votre récit me passionnera, vous serez les bienvenus. Soyez pour mes douleurs comme Shéhérazade pour la mort. Suspendez-les par votre parole.»
Au-delà d'un simple récit de voyages, c'est un conte philosophique que nous livre l'auteur, un éclairage sur les idées véhiculées par les philosophes du siècle des Lumières auxquelles sont attachées le couple aventurier. L'auteur s'attache à révéler leur côté humaniste bien mis à mal en cette période de colonialisme intense, de conquêtes armées dans lesquelles Auguste n'y voit qu'une science de mort, la quintessence de ce que la société peut faire de l'homme, quand il s'éloigne de la fraternité.
Un moment de lecture très agréable et captivant.


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«L'âme humaine est ainsi faite, qu'elle prête volontiers des propriétés maléfiques à ce qu'elle déteste.
Ce qui m'avait révolté dans la sauvagerie du combat, c'était précisément sa gratuité. Mes soldats égorgeaient leurs adversaires sans savoir pourquoi. Ils le faisaient parce que c'était la fonction qu'une société pervertie leur avait assignée. En somme, dans le métier des armes, ce qui me révoltait, ce n'était pas les armes, mais le métier.
Ce qu'on ne peut éviter, il faut le vouloir. (Machiavel)
[...] fuir la tyrannie était bien, la combattre mieux encore mais qu'à tout prendre l'idéal était qu'elle ne pût jamais naître.
Il faut forcer les hommes à être libres. (Jean-Jacques Rousseau)»
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Quatrième de couverture

«– Mes amis, s'écria Benjamin Franklin, permettez-moi de dire que, pour le moment, votre affaire est strictement incompréhensible. 
– Nous ne demandons qu'à vous l'expliquer, dit Auguste. Et d'ailleurs nous avons traversé l'Atlantique pour cela. 
– Eh bien, allez-y. 
– C'est que c'est une longue histoire. 
– Une très longue histoire, renchérit Aphanasie, sa jeune épouse que Franklin ne quittait plus des yeux. 
– Elle traverse de nombreux pays, elle met en scène des drames et des passions violentes, elle se déroule chez des peuples lointains dont les cultures et les langues sont différentes de tout ce que l 'on connaît en Europe... 
– Qu'à cela ne tienne! Au contraire, vous mettez mon intérêt à son comble...» 

Comment un jeune noble né en Europe centrale, contemporain de Voltaire et de Casanova, va se retrouver en Sibérie puis en Chine, pour devenir finalement roi de Madagascar... Sous la plume de Jean-Christophe Rufin, cette histoire authentique prend l'ampleur et le charme d'un conte oriental, comme le XVIIIe siècle les aimait tant.

Editions Gallimard, collection Blanche, avril 2017
367 pages

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