Un récit surprenant, dérangeant, plutôt sombre. Un livre court, à l'humour noir ponctué de phrases courtes, au style simple, qui nous entraîne dans l'ivresse d'une dérive infinie, celle d'un père retraité et de sa fille complètement "barrée" tout droit sortie d'un hôpital psychiatrique. Son père va lui offrir la liberté, et s'offrir à lui-même un brin d'aventure, un brin de folie, une gentille escapade et ainsi échapper à sa vie bien rangée, étroite, s'affranchir de la routine quotidienne, donner un sens à son existence. Les voilà donc sur les routes en direction d'Agen, routes sinueuses aux événements inquiétants. Un simple lâcher prise, comme on pourrait en rêver, mais qui prend vite des allures d'expédition, jusqu'au dérapage lourd de conséquences.
Une lecture déroutante, qui pousse à la réflexion et à s'interroger sur le sens de la vie. Qui peut se croire à l'abri d'un coup de sang, d'une envie soudaine de prendre la tangente, de prétendre à autre chose, à une autre vie ?
Un auteur que je découvre et dont l'écriture ne me laisse pas indifférente. Il a hélas rejoint "le grand loin". Je viens de lire un article du Monde qui lui était consacré. Il y est écrit que «Ses livres forment une suite de narrations à l'humour grinçant, d'une humanité sombre, désespérée, mais toujours profondément tendres. Il met en scène tout un ordinaire qui bascule, pour un rien, vers l'horreur.», des livres dont j'ai hâte de parcourir les pages.
«Des cerfs-volants virgulaient dans un ciel si limpide
qu'on pouvait en voir le fond.»
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«C'était son enfance qu'il retrouvait, filigranée dans les arabesques tarabiscotées du tapis. Il la voyait sourdre au travers de la trame comme une source affleurant un bouquet de cresson. A quel moment l'avait-il perdue ?...Un jour on se réveille et tous nos jouets, si magiques, si vivants la veille encore, sont devenus des choses inertes, des objets dénués de pouvoirs, inutiles...
- Qu'Est-ce que tu fiches à quatre pattes sur le tapis, tu as perdu quelque chose ?
- Oui...Non. Tu rentres tôt.
Anne portait une robe achetée le matin même, d'un rose fuchsia si violent que la rétine en restait imprimée bien après l'avoir quittée des yeux.
- Comment tu me trouves?
- Incontournable.
Il avait hurlé : «Pas comme moi !», tout comme il avait lancé : «Moi aussi, je connais Agen !» durant ce dîner, deux mois plus tôt, pour exister, juste un instant : «Pas comme moi !» Mais qu’est-ce qui le différenciait tant des autres ? Eh bien justement, c’est qu’ils étaient des autres et que lui était lui, seul et unique Marc Lecas et que si lui, Marc Lecas, venait à disparaître, les autres, tous les autres, s’évanouiraient avec lui car leur existence ne dépendait que de la sienne.
C'est bien d'être seule avec quelqu'un. On n'est pas obligé de parler.
Il lui manquait ce petit truc qui sauve le noyé de l'asphyxie, ce coup de pied rageur qui vous fait remonter du fond pour crever la surface. Loin, c'était encore plus loin. Il n'y était pas encore.»
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Infos éditeur
Père placide et d’humeur conciliante, voilà Marc parti vers le sud avec sa fille Anne qu’il vient d’enlever à son hôpital psychiatrique pour le week-end. Mais la petite escapade tourne bientôt à la cavale. Anne ne veut plus rentrer, surtout pas à l’asile. Elle veut aller loin, très loin, le plus loin possible. Constellée d’incendies bizarres et semée de cadavres, la drôle d’équipée se transforme vite en un hallucinant road-movie.
Avec férocité, avec fragilité aussi, les personnages de Pascal Garnier s’accrochent à leurs rêves naïfs ou dérisoires, en éclopés de la solitude fuyant le réel pour davantage s’y perdre. Ange du mal déguisé en cordon bleu ou en tueur à gages flapi, ce sont décidément des gens comme vous et moi, des monstres candides en proie à leur plus chère folie.
Editions Zulma, janvier 2010
158 pages
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