dimanche 16 décembre 2018

Tenir jusqu'à l'aube ★★★★☆ de Carole Fives


Lecture particulière, de celle qui se déroule d'une traite, rapide, tendue, et dont ne ressort pas indifférent; que l'on ai aimé ou détesté, elle laisse forcément quelques traces, à mon avis. 
La souffrance d'un être, le sujet de ces pages, celle d'une femme en l’occurrence, dans ce roman,  une jeune maman, à vif, démunie, esseulée face aux responsabilités d'élever seule son enfant, de lui offrir le minimum vital, alors qu'aucun mode de garde ne s'offre à elle, et que les demandes de boulot (elle est designeuse) désertent sa boîte mail. Un quotidien difficile pour ce duo, abandonné de la présence d'un homme, d'un mari, d'un père. Un quotidien éprouvant, violent nécessairement de par cette situation précaire et culpabilisante, quand le regard des autres s'en mêle et que le jugement est bien présent, poignardant.  
« Encore un enfant roi, encore une mère célibataire qui ne gère rien, une pauvre conne. »
Un roman coup de poing, intimiste et dérangeant, un appel à l'aide qui reste sans réponse (quasi), qui bouscule les esprits, et qui sonne assurément juste, assurément vrai. Jusqu'où est-on capable d'aller pour un moment de répit, un moment à soi, rien qu'à soi, pour maintenir un semblant de vie et de cohésion, pour ne pas sombrer dans la folie quand aucune main ne se tend ? 


« On présente la solo comme une battante, la super-woman des années 80 s'est dotée d'un nouveau pouvoir, en plus de travailler et de rester jeune, elle élève ses enfants elle-même. Elle est libre, totalement libre cette fois. De quoi se plaint-elle ? La solo a parfois poussé le bouchon jusqu'à faire un bébé toute seule, c'est son choix, son problème, elle n'a qu'à assumer et bien se tenir.
Ces promenades les laissaient hagards, défaits, le plaisir de la sortie était gâché, il fallait traverser quelques rues encore, puis le grand hall de la résidence et ses mosaïques au sol, se jeter dans l’ascenseur et regagner leur dernier étage, leur huis clos, leur petit enfer quotidien.
S'organiser, voilà le nerf de la guerre, voilà ce qui lui manquait. Il lui semblait que les autres jonglaient avec les horaires, les créneaux et que, par des tours de passe-passe mystérieux, es emplois du temps des familles s'harmonisaient, se complétaient, qu'ils avaient compris quelque chose qui lui avait complètement échappé jusqu'ici.
Ils étaient hors norme, ils étaient fragiles, ils étaient suspects.
Elle n'était ni jeune vieille, elle était juste ce terme générique, ce terme qui se vidait de son contenu sitôt prononcé, une femme. »

Quatrième de couverture

«Et l'enfant ? 
Il dort, il dort. 
Que peut-il faire d'autre ?» 

Une jeune mère célibataire s'occupe de son fils de deux ans. Du matin au soir, sans crèche, sans famille à proximité, sans budget pour une baby-sitter, ils vivent une relation fusionnelle. Pour échapper à l'étouffement, la mère s'autorise à fuguer certaines nuits. À quelques mètres de l'appartement d'abord, puis toujours un peu plus loin, toujours un peu plus tard, à la poursuite d'un semblant de légèreté. 
Comme la chèvre de Monsieur Seguin, elle tire sur la corde, mais pour combien de temps encore? 

On retrouve, dans ce nouveau livre, l'écriture vive et le regard aiguisé de Carole Fives, fine portraitiste de la famille contemporaine. Après C'est dimanche et je n'y suis pour rien et Une femme au téléphone parus dans la collection «L'arbalète», Tenir jusqu'à l'aube est son quatrième roman.

Éditions Gallimard, Collection L'Arbalète, août 2018

177 pages

Sélection Prix Fnac 2018

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