samedi 4 juillet 2020

Les Refuges ★★★★★ de Jérôme Loubry

Essayer de taire cette envie d'en dire beaucoup sur ce livre pour ne pas déflorer le scénario, l'intrigue. 
Un Roi des Aulnes, diable cornu au rire malfaisant, une île fantôme mystérieuse, un chocolat Meunier comme Bien-être de l'Univers, chocolat chaud à la saveur âcre, des suicidés, des enfants noyés disparus à jamais, un passé déchiré, un chaton par enfant, une énigme échouée sur le rivage imprégnée du souffle du diable... un cocktail assourdissant, savamment dosé, qui nous embarque , nous entraîne, nous saisit page après page. 
Des pages que l'on tourne à une allure folle tant l'histoire est prenante, intrigante. Impossible d'abandonner Sandrine, personnage centrale de ce thriller psychologique. Impossible. Entamez ce livre, oui faites-le si ce n'est déjà fait, et prévoyez quelques heures devant vous. 
Jérôme Loubry malmène ses lecteurs, nous donne froid dans le dos, nous emmène chasser le diable, nous invite dans une danse macabre, dans les refuges de Sandrine ; mais comment lui en tenir rigueur ? 
Cette histoire est incroyable, remarquablement construite. Les refuges de Sandrine sont-ils réellement les siens ? Et attention, quand il sonnera 20h37, il sera trop tard !
Saisissant, troublant, étourdissant, vertigineux à vous glacer le sang !

« Mais les ruptures se nourrissent du temps et du silence.
Elles dévorent nos remords et les digèrent jusqu'à les rendre inaudibles. »

« ... le temps est une notion instable. »

« Il y a des règles dans notre métier. Une pendule indiquant une heure erronée peut avoir sa place dans mon bureau, mais une cliente démontrant un souci "balancier" ne le pourrait nullement. »

« La folie serait la finalité de son isolement.Aussi inévitable que l'orage qui gronde au loin et qui s'approche avec détermination.
Aussi imperturbable et décidée que les bombardiers allemands dans le ciel couleur d'encre des nuits parisiennes. »

« Son souvenir s'évanouit, aussi fugace et solitaire qu'un feu follet dans un cimetière berrichon. »

« ... la folie se pare bien souvent d'un voile de normalité. »

« Il avait rêvé d'une île noyée dans la brume ; il en foulait l'herbe humide jusqu'à s'imprégner de l'odeur de chlorophylle, touchait les rochers recouverts de lichen poisseux et entendait le feulement d'un animal invisible s'élever par-delà les roulements marins. Une large forêt s'était présentée devant lui puis s'était effacée comme une mauvaise pensée. Et là, seule et immobile dans ce décor de pierres et d'herbes folles, telle Niobé transformée en rocher, une femme habillée de sang l'avait fixé sans esquisser le moindre mouvement. Sa robe pourpre dansait au gré des bourrasques marines comme le pavillon d'un bateau fantôme. »

« - Un refuge ?- Voyez-vous, hier, je vous ai parlé de troubles post-traumatiques. Savez-vous que lorsqu'un individu est sujet à un stress intense, son cerveau érige un bouclier naturel afin de le protéger ?
- Quel genre de stress ?
- Les plus élevés. Viol, violences physiques ou psychologiques, peur, isolement... Dans ces cas là, le cerveau déconnecte le circuit émotionnel afin de préserver la victime. C'est un processus complexe et je vous passe les détails techniques, mais le cerveau est capable de produire des drogues dures dans le but d'anesthésier les émotions. »

« Après tout, que devient un cauchemar quand vous le videz de son potentiel effrayant ? Un rêve, tout simplement. »

« Tu sais, mamie, je suis persuadée que le temps use tout.
L'amour, la vie, les sourires comme la colère. Et c'est ce que j'ai ressenti quand j'ai croisé le regard de cette petite fille. L'usure. De mon humanité, de ma raison, de mon âme. »

« L'enfant se cache dans le mensonge pour ne pas avoir à affronter la justice de ses parents. La colère, la joie... Lire un livre en est un autre. S'évader de son quotidien pour vivre des aventures par procuration... Mais écrire ce livre en est un également. Derrière ce déluge de mots, l'auteur projette bien souvent ses craintes les plus profondes et les enferme en espérant s'en débarrasser à jamais. Il se réfugie dans la narration de ses pires démons pour ne plus les croiser dans les reflets de son miroir. »

Quatrième de couverture

Installée en Normandie depuis peu, Sandrine est priée d’aller vider la maison de sa grand-mère, une originale qui vivait seule sur une île minuscule, pas très loin de la côte.
Lorsqu’elle débarque sur cette île grise et froide, Sandrine découvre une poignée d’habitants âgés organisés en quasi autarcie. Tous décrivent sa grand-mère comme une personne charmante, loin de l’image que Sandrine en a.
Pourtant, l’atmosphère est étrange ici. En quelques heures, Sandrine se rend compte que les habitants cachent un secret. Quelque chose ou quelqu’un les terrifie. Mais alors pourquoi aucun d’entre eux ne quitte-t-il jamais l’île ?
Qu’est-il arrivé aux enfants du camp de vacances précipitamment fermé en 1949 ?
Qui était vraiment sa grand-mère ?
Sandrine sera retrouvée quelques jours plus tard, errant sur une plage du continent, ses vêtements couverts d’un sang qui n’est pas le sien…

« Aussi effroyable qu’émouvante, une histoire redoutable à lire d’une traite jusqu’au dénouement détonnant. »
Pépita Sonatine, Librairie Lacoste, Mont-de-Marsan

« Encore une intrique surprenante et maîtrisée, à lire aveuglément »
Stéphanie et Maelle, Librairie Thuard, Le Mans

Né en 1976, Jérôme Loubry a publié chez Calmann-Lévy Les Chiens de Détroit, lauréat du Prix Plume libre d'Argent 2018, suivi du Douzième Chapitre, « un polar complètement dingue, angoissant, terriblement prenant », selon Le Parisien.

Éditions Calmann Levy, septembre 2019
395 pages
Prix Cognac du meilleur roman francophone 2019

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