mercredi 2 juin 2021

La mauvaise herbe ★★★★☆ de Yves Montmartin

« Toutes les religions semblent être organisées au bénéfice du sexe masculin, avec pour conséquence que les femmes sont reléguées au second plan : elles accouchent, élèvent les enfants, s’occupent des corvées. Voilà pourquoi je me méfie des religions. » 

La citation de Jim Fergus en exergue laisse présager du sujet que les mots d'Yves Montmartin vont porter. 
Un sujet poignant. Qui bouscule. Qui m'égratigne à chaque fois que j'y suis confrontée, par la lecture ou autres. 
Il y a des parcours de vie qui ne peuvent laisser indifférent, des parcours que je ne comprends pas. Comment peut-on si peu considérer une femme ? Comment les femmes, entre elles, peuvent-elles se détruire ainsi ? Comment l'entendre ? Le carcan religieux de la soumission, de l'obéissance prive les femmes de tout droit, condamne leurs émotions et les cantonne à un rôle d'épouse dévouée à son mari et de "ventre" à porter la progéniture, et une progéniture très fortement recommandée au masculin, s'il-vous-plaît. 

La mauvaise herbe, c'est l'histoire d'Amira, née à Alger. Elle se définit elle-même comme la mauvaise herbe et nous raconte sa vie, de sa naissance à sa vie de femme. L'enfance d'Amira est belle, entourée de parents aimants et surtout d'une tante, Nour, bienveillante et qui a su s'émanciper, se libérer des chaines du patriarcat. Un exemple pour notre héroïne. 
« Tout le monde dit que j’ai un mauvais caractère, que je suis une rebelle, mes parents, mes frères, mes camarades d’école, mes professeurs. Je m’en fiche, je préfère avoir la tête dure que de ne pas avoir de personnalité. Pour moi c’est une évidence, la vie bouillonne en moi, j’ai envie de prendre toute ma place, de m’affirmer. Je souhaite rire, chanter, courir, respirer. Je deviens une femme et je ne veux pas être soumise, ni à un père ni à un mari. » 
La vie d'Amira est intelligemment et symboliquement morcelée par l'auteur en quatre saisons. Le printemps marque l’éclosion, l’arrivée d’une jolie fleur, une princesse, Amira, la princesse de son papa. Puis vient l’été, le temps des retrouvailles au pays, par exemple, entre ceux qui ont migré et ceux qui sont restés. À l’automne, le temps se gâte et l’hiver arrive bien vite. Glaçant, il clôt cette histoire.
 
La mauvaise herbe; c'est aussi le quotidien d'un quartier, les modes de vie des Algériens, que l'auteur nous fait découvrir, et nous sensibilise aussi à l'exil. Il nous propose une véritable immersion dans la vie des Algériens, et on comprend les relations transnationales qui s'instaurent entre ceux qui sont restées au pays et ceux qui ont décidés de partir, les ponts qui se sont créés entre eux. 

Je ne vais pas être très originale, mais vous l'aurez compris, cette lecture fait partie des lectures nécessaires. Un témoignage poignant, bouleversant, écrit avec beaucoup de réalisme et d'humanité. L'écriture est simple, j'avoue avoir été un peu surprise au début, mais je m'y suis faite, et les phrases courtes que je n'affectionne pas particulièrement, je les ai adoptées au fur et à mesure.

Le procédé final d'écriture (que je ne peux dévoiler ;-)) laissera en moi une trace indélébile. Impérissable. Une expérience humaine à jamais marquante. De celle qui forge. Impactante.

Merci beaucoup Yves pour ce moment. La rencontre fut très belle.

« Toutes les religions semblent être organisées au bénéfice du sexe masculin, avec pour conséquence que les femmes sont reléguées au second plan : elles accouchent, élèvent les enfants, s'occupent des corvées. Voilà pourquoi je me méfie des religions. » Les amazones - Jim Fergus, cité en exergue

« Je suis née le premier jour du printemps. C'est un signe de force, de vigueur et de longue vie, me dit Nour en essayant de démêler mes cheveux avec une brosse. »

« Restée toute seule au milieu du jardin, la petite fille s’est relevée. Il ne lui reste plus qu’un ou deux mètres de terrain à travailler.
Elle se rappelle les paroles de son père : « les mauvaises herbes, il faut les déraciner. Une fois que tu as bien supprimé les racines, la plante ne repousse plus, elle est morte à jamais ».
Elle ne se doute pas que dans son cœur commence à germer une graine de mauvaise herbe…
Elle ne sait pas à ce moment précis qu’elle aussi, un jour, elle sera déracinée. »
« Tout le monde dit que j’ai un mauvais caractère, que je suis une rebelle, mes parents, mes frères, mes camarades d’école, mes professeurs. Je m’en fiche, je préfère avoir la tête dure que de ne pas avoir de personnalité. Pour moi c’est une évidence, la vie bouillonne en moi, j’ai envie de prendre toute ma place, de m’affirmer. Je souhaite rire, chanter, courir, respirer. Je deviens une femme et je ne veux pas être soumise, ni à un père ni à un mari. » 

« Tu sais Amira, la mort d'un enfant, c'est comme un déflagration mais le monde tout autour ne l'entend pas et ne peut voir les dégâts qu'elle a provoqués à l'intérieur de toi. »

« L'absence n'est rien d'autre qu'une présence obsédante. » Éliette Abécassis

« Un silence s'est installé entre Driss et moi. Ce silence s'étire, mais je n'ai pas peur de ce silence, au contraire il me rassure. Il éloigne la violence. »

« Je regarde le train s’arrêter quelques minutes, les portières qui s’ouvrent, qui invitent à monter. Moi aussi j’aimerais tant grimper dans un wagon, m’évader, avoir un boulot, des collègues de bureau avec qui partager des banalités, le temps qu’il fait, les enfants, tout simplement échanger, exister. »

Quatrième de couverture

Restée seule au milieu du jardin, la petite fille s’est relevée. Il ne lui reste plus qu’un ou deux mètres de terrain à travailler. Elle se rappelle les paroles de son père :
« Les mauvaises herbes, il faut les déraciner. Une fois que tu as bien supprimé les racines, la plante ne repousse plus, elle est morte à jamais ».
Elle ne se doute pas que dans son cœur commence à germer une graine de mauvaise herbe ; elle ne sait pas à ce moment précis qu’elle aussi, un jour, elle sera déracinée. Tout le monde dit qu’elle a la tête dure comme une calebasse. La vie bouillonne en elle, elle souhaite rire, chanter, courir, respirer, vivre tout simplement. Elle ne veut pas être soumise à un père ou à un mari. D’Alger à la banlieue lyonnaise, ce roman raconte le destin tragique d’une jeune femme algérienne, qui petite fille rêvait d’indépendance et de liberté et va se retrouver emprisonnée par le poids des traditions et de la religion.

Éditions La chouette à lunettes, en auto-édition, mars 2021
247 pages

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