lundi 5 septembre 2016

Je viens de tuer ma femme de Emmanuel Pons****


Editions Arléa-Poche, mars 2009
168 pages

Quatrième de couverture


"Je viens de mer ma femme. Ce qui m'ennuie, c'est les faire-part. Je dois absolument les écrire avant d'aller à la gendarmerie. Evidemment, je n'ai plus de timbres. Je lui avais pourtant demandé d'en acheter. En prévision." 

Dès lors, les événements s'enchaînent, avec une froideur et une logique implacable, étranges ou macabres, en tout cas toujours rehaussés par l'humour - noir - du narrateur, qui nous promène, de rebondissements en découvertes, dans son monde, où l'amour emprunte des voies bien surprenantes.


Mon avis ★★★★☆


Décapant ce bouquin, empreint d'humour noir, bien grinçant et à l'atmosphère absolument délirante (surtout la première partie), violente et inquiétante à la fois.

Il est complètement "à la masse, le Manu". On le découvre aux premiers abords, triomphant, il vient enfin de se débarrasser de sa femme, avec qui il a partagé onze ans de sa vie. Il jubile, vit son acte comme un exploit  Qu'on ne minimise surtout pas mon acte sous prétexte que d'autres l'ont accompli avant moi. Je partais de très loin. Rien ni personne ne m'a jamais aidé. Jeune, j'ai tout eu : amour, argent, bonne éducation. J'en suis sorti seul. C'est quand même plus fort que le gitan qui poignarde pour sauver sa peau. Lui n'a pas le choix, donc pas de mérite.
Il va enfin pourvoir être lui-même, ne plus avoir à subir les remarques de son épouse Ce que tu as pu me pourrir la vie, quand même ! C'est à peine croyable. Si je ne t'avais pas tuée, je ne pourrais plus me regarder dans une glace tellement j'aurais honte de continuer à te subir sans rien dire.
Et c'est bien son raisonnement, celui du narrateur Emmanuel Pons, pendant les sept jours qui suivent le drame, que nous lisons et c'est absolument délirant.
Tout s'enchaîne très vite : folie meurtrière, désillusions, absence de soutien à priori de son ami psychologue qui déclare "C'est bien, continue" quand Emmanuel lui apprend qu'il vient de tuer sa femme, longues discussions avec sa femme (et oui, il discute avec son épouse congelée), il sous entend ses réponses, et s'emporte même parfois On peut discuter calmement, Sylvie. Tu la ramènes moins, maintenant. Qui c’est qui l’a eu, cette fois le dernier mot, hein ? C’est ton Bibi. Et qui va me foutre la paix ? C’est ma Sisi. (…) Je peux commencer par le dessert, mettre plein de beurre pour cuire la viande, enfumer la maison de saumon grillé… qu’est-ce que tu vas faire ? Rien. T’es finie ma grande. Terminée. T’es juste bonne à filer aux vers. Et encore tu serais fichue de les emmerder il va jusqu'à essayer de la rendre jalouse ... et puis, les remords s'en mêlent, le doute s'installe Elle était insupportable dans sa tristesse, horripilante dans sa détresse et comédienne dans sa douleur. Je ne dois pas l’oublier il revient sur la relation qu'il a eu avec sa femme Tu étais la princesse de tous mes fantasmes, qui n'était peut-être pas si mal finalement . Il nous attendrirait presque, et d'ailleurs c'est bien ce qui se passe.
Oui, mais voilà, les faits sont là, ces pulsions destructrices sont bien réelles, les conséquences dévastatrices, et l'issue implacable.

Il est complètement givré ce bouquin, humour noir au menu, pimenté de touches d'absurde, servi sur un lit d'émotions...c'est absolument génial !! Enfin, ce n'est que mon humble avis.

C'est aussi une belle analyse des rapports de couple et d'amitié.
Un très bon, trop court :-(, moment de lecture. 
Merci Mr Pons.

«
Je suis propre. Ça me donne la fausse impression d'avoir les idées en place. Je ne suis pas dupe. J'avais pris une douche le jour où je me suis marié. Je fais systématiquement une ou deux grosses bêtises par an. 

Elle était trop amoureuse pour me tromper. Pourtant, je ne jurerais de rien. La salope ! Elle a de la chance de ne pas pouvoir répondre.

Si j'apprends que ... Je la découpe, nom de Dieu, je la découpe !

L'art, c'est d'abord une nécessité intérieure, et, à ce titre, ta mort est ma plus belle oeuvre. La preuve ? C'est la seule que tu n'aies pas critiquée.

"C'est bien, continue." Je parlais de l'image que tu te faisais d'elle et qui t'empêchait de la voir telle qu'elle était. Il en va de même pour toi. Si tu ne te tues pas tous les jours, tu ne vis jamais avec toi, mais avec celui que tu crois être. Tu t'accroches à des idées préconçues, à des principes qui te rassurent, jusqu'à ce que quelqu'un les contredise. Si ton esprit avait été vidé chaque matin au réveil, tu n'aurais jamais tué personne.
»


Oherville, dans la vallée de la Durdent,
Normandie,
petit village qui héberge cette histoire

La Durdent


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