vendredi 2 septembre 2016

La variante chilienne de Pierre Raufast*****


Editions Alma Editeur, août 2015
257 pages

Quatrième de couverture


Il était une fois un homme qui rangeait ses souvenirs dans des bocaux.

Chaque caillou qu’il y dépose correspond à un événement de sa vie. Deux vacanciers, réfugiés pour l’été au fond d’une vallée, le rencontrent par hasard. Rapidement des liens d’amitiés se tissent au fur et à mesure que Florin puise ses petits cailloux dans les bocaux. À Margaux, l’adolescente éprise de poésie et à Pascal le professeur revenu de tout, il raconte. L’histoire du village noyé de pluie pendant des années, celle du potier qui voulait retrouver la voix de Clovis dans un vase, celle de la piscine transformée en potager ou encore des pieds nickelés qui se servaient d’un cimetière pour trafiquer.

Mon avis ★★★★★


Les si sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.

Oh fan de lune, mais quelle merveille ce livre ! Et quelle imagination !

Vous aimez raconter les histoires Pierre Raufast et vous les racontez à merveille ; j'aime vous lire. C'est un immense plaisir pour moi que de vous retrouver avec La variante chilienne après vous avoir découvert avec La Fractale des raviolis, un de mes coups de coeur de cette année. Merci Pierre Raufast pour ce très bon moment de lecture, jubilatoire ! 

Une lecture touchante, drôle, étonnante, délicieuse, palpitante ...

Partez, vous aussi, à la découverte de tous ces joyeux personnages, aux aventures étonnantes, quasi improbables pour certaines. 

Vous rencontrerez Florin, un épicurien  Désolé, ma cave est très modeste. Le vin, je le bois. C'est dans mes globules qu'il se conserve le mieux  et un immense conteur, qui piège ses souvenirs dans des petits cailloux rangés précieusement dans des petits bocaux, et qui, les saisissant entre ses doigts, ravive ses instants passés et nous embarque dans de fabuleuses histoires pour notre plus grand plaisir. 

Vous découvrirez Pascal, enseignant la littérature. Les idées. Dans mon enfance, j'ai surtout lu des oeuvres du XIXe. [...] Je survis avec des gamins nés au XXIe siècle, du genre à confondre Russel Crowe et Bertrand Russel !,  amoureux du vin et du tabac, et apprendrez à connaître Margaux, férue de poésie; elle traîne derrière elle quelques douloureux et tristes événements qui hantent ses souvenirs, si seulement ... "Les si hypothèquent un passé, Et volent un présent sclérosé." Elle a l'impression que les malheurs passés hypothèquent les bonheurs futurs. Florin, lui peut jeter les cailloux indésirables. Il a de la chance. Mes souvenirs à moi sont des boulets que je traîne. 

Il y aussi les amis de jeux de Florin, l'avocat qui possède un atout "inflexible" pour le plus grand bonheur de ces dames, le colonel et son hélicoptère employé à faire tomber des noix, et puis, Alphonse, l'érudit maîtrisant 14 langues mortes. 

Sans oublier l'histoire de ce village sur lequel la pluie ne cesse de tomber et pour qui, le soleil devient un mythe, de ce diamant volatilisé, de cette piscine potager, de la Hire (le personnage du valet de coeur), et encore celle de ces fossoyeurs aux pratiques carrément douteuses, de ce Cercle des amateurs du "ù" à la cause absurde Les hommes ont le nez dans leurs causes. Ils ne perçoivent plus la vanité de leurs tourments. Les causes idéologiques sont pour moi un grand mystère.... 
Vous assisterez aussi à la plus longue partie de Capateros de tous les temps !

Alors n'hésitez pas, laissez vous happer par ces drôles d'histoires ! C'est un joyeux programme qui vous attend !

Ce magnifique bouquin rayonne de vie, il est une formidable aventure humaine; on s'y attache à ces joyeux lurons ! 

Il est aussi une belle réflexion sur le temps qui passe, sur le poids que prennent les souvenirs dans nos vies, et dont il faut parfois apprendre à se libérer afin de savourer pleinement le présent. "L'homme peut-il devenir heureux quand il a été malheureux toute sa vie ?" Tout est ancrage. Il [nous] faut [s'] en défaire.

A savourer sans modération !

Et si vous voulez en savoir plus sur Pierre Raufast, c'est par ici.

Extraits


- Le beau-frère de Pascal s'appelait Florin...Je veux dire, Pascal, Blaise Pascal, pas moi...Le philosophe.
Un petit rire nerveux trahit ma gêne. Quelque chose chez lui 'intimidait.

Il me regarda quelques secondes, sans indulgence. Puis, dit catégorique :

- Blaise Pascal était un con.
C'était péremptoire. De quoi troubler l'érudit barbu que j'étais.
- Pourquoi dites-vous cela ?
- Blaise Pascal ne fumait pas la pipe, ne buvait pas, ne jouait as, ne baisait pas. C'était un con. Un con de janséniste triste.
Si cet homme pensait vraiment ça, il s'agissait d'un idiot fini. [...]
Je me dis qu'un fumeur de pipe ne pouvait pas être un idiot fini. Je répondis par un calembour.
- Pascal ne buvait pas, certes. Il faut dire que personne ne lui mettait la pression. 

p.27 


- Il y en a deux cent soixante-dix-sept. J'ai conservé deux pipes de maïs, achetées dans le Missouri. De temps en temps, la nostalgie me pousse à les reprendre. Un peu comme des vieilles maîtresses, vous savez ...

Je répondis que oui, même si je n'ai jamais eu de maîtresse. Ni d'épouse. Mais pour avoir lu tout Isaac Bashevis Singer, je le compris parfaitement. 

- Pour l'exemple, vous retrouverez là du classique. Tenez, par exemple : voici des pipes de bruyère de toutes les formes possibles : Apple, Apple Bent, Author, Bee, Billiard, Billiard Bent, Blowfish, Brandy, Bullcap, Bulldog, Bullnose, Calabash, Canadian, Cavalier, Cheerywood, Chimmey, Churchwarden, Cutty, Don et Duke, Dublin, Egg, Foursquare, Hawkbill, Horn, Liverpool, Lovat, Lumberman, Oom Paul, Panelledbilliard, Pear-Acorn, Pickase, Poker, Pot, Prince, Ramses, Rat-Taupe, Rhodesian, Stubby, Ukele, Volcano, Yacht, Zulu. 
 p.30 


- Avec tout ça, le choix devient impossible, non ?

[...]

- Le choix : Vivre, c'est choisir. La seule réponse pertinente est : "Ça dépend." Ça dépend du temps qu'il fait, du tabac que j'ai, de l'humeur dans laquelle je suis, de mes lectures, de mes amours, de ce que je fais. [...] C'est comme ça, il ne faut pas chercher à comprendre. L'alchimie entre le tabac, le bois et les humeurs nous dépasse. C'est subtil, et nous ne visons pas assez haut. 
 p.33


En souvenir de toi :

"Maman, 


Il est une douleur intérieure, 
Qui ronge mon âme damnée,
Et qui me laisse écartelée.

Sans en comprendre la teneur, 
Me voilà seule et dévastée.
Je me sens comme abandonnée.

Mon coeur est un méandre
Et la moindre nervure
Mène à une blessure.

Sans pouvoir te méprendre,
Au fond de mes yeux sombres, 
Tu trouveras ton ombre."
p.60 


Un soir où nous bûmes plus que d'habitude, il nous confia sa lassitude :

- Vous ne pouvez pas imaginer à quel point toutes les femmes se ressemblent.[...] 

- Je te comprends. En voyageant, j'ai découvert que tous les villages se ressemblent. La vie y est la même, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse soleil. 

- Le plaisir du changement est une illusion, c'est dans nos têtes. La réalité, c'est que nous vivons sur une toute petite planète. 
 p.71 


Margaux nous sourit. Elle était belle. Une espérance.
- Moi, j'aimerais un mari qui a la gentillesse de Pascal, le regard de Florin, la culture de Pascal, la façon de raconter les histoires de Florin ... Le physique de Robert Pattinson. Et mon âge ! 
 p.225


Les souvenirs s'accrochent aux choses comme de la poussière électrostatique. 
 p.246


Le temps emporte sur son aile

Et le printemps et l'hirondelle,

Et la vie et les jours perdus;
Tout s'en va comme la fumée,
L'espérance et la renommée,
Et moi qui vous ai tant aimé,
Et toi qui ne t'en souviens plus ! 

(vers d'Alfred de Musset) p.257


2 commentaires:

  1. oh merci Sandrine pour cette très belle chronique. J'espère que le troisième (sortie janvier 2017) vous plaira tout autant...
    En attendant, rendez-vous sur mon blog pour des anecdotes et des nouvelles ! ;-)

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    1. Un troisième, excellente nouvelle !!
      Merci pour votre commentaire.
      Blog, Facebook, alma éditeur ... je vous suis partout !

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