Éditions Gallmeister, janvier 2008
212 pages
Traduit par Jacques Mailhos
Parution originale Fire on the mountain, 1962
Quatrième de couverture
Le ranch de John Vogelin est toute sa vie. Sous le ciel infini et le soleil éclatant du Nouveau-Mexique, le vieil homme ne partage sa terre qu'avec les coyotes, les couguars et autres animaux qui peuplent les montagnes et le désert. Jusqu'au jour où l'US Air Force décide d'y installer un champ de tir de missiles. Déterminé à défendre sa terre, le rancher irascible et borné engage alors un bras de fer avec l'armée. Or un vieil homme en colère est comme un lion des montagnes : acculé, il se battra jusqu'à la mort. Dans ce western épique et contestataire, Edward Abbey explore les thèmes qui ont fait de lui une figure incontournable de la contre-culture et confirme qu'il est l'un des meilleurs écrivains de l'Ouest américain.
Edward Abbey (1927-1898), personnage emblématique et contestataire, est le plus célèbre des écrivains de l'Ouest américain. Le succès du Gang de la Clef à Molette, paru en 1975, a fait de lui une icône de la contre-culture et le pionnier d'une prise de conscience écologique aux États-Unis. À sa mort, il demanda à être enterré dans le désert. Aujourd'hui encore, personne ne sait où se trouve sa tombe.
Mon avis ★★★★★
«Au-delà du mur de la ville irréelle, au-delà des enceintes de sécurité coiffées de fil de fer barbelé et de tessons de bouteille, au-delà des périphériques d’asphalte à huit voies, au-delà des berges bétonnées de nos rivières temporairement barrées et mutilées, au-delà de la peste des mensonges qui empoisonnent l’atmosphère, il est un autre monde qui vous attend. C’est l’antique et authentique monde des déserts, des montagnes, des forêts, des îles, des rivages et des plaines. Allez-y. Vivez-y. Marchez doucement et sans bruit jusqu'en son cœur. Alors…»Sublime !
Une lecture pendant laquelle le temps s'arrête, qui nous ramène à l'essentiel, qui nous prend aux tripes, qui nous transporte ... pour peu que vous soyez proches de la nature et ayez l'écologie et le respect de l'environnement dans votre âme.
C'est mon cas, et cette lecture m'a bouleversée. Edward Abbey s'est inspiré d'une histoire vraie, je le savais avant d'entamer cette lecture, et j'en ai été d'autant plus révoltée, indignée...émue surtout.
J'ai aimé les descriptions du désert, des couchers de soleil sur la montagne, de la nature environnante, j'ai aimé l'intrépidité de Billy, l'amitié forte entre Lee et John, le courage de John, un ranger prêt à tout pour défendre ce qui lui appartient, à lui, à ses prédécesseurs, défendre son lopin de terre sur lequel il a bâti sa vie...sa rage, son attitude, son obstination...un homme insoumis, ... et cette fin si ... à son image.
Un récit poétique, poignant, que je n'aurais voulu quitter. Une rose du désert, sublime !
«Cela faisait trois ans que je venais chaque été au Nouveau-Mexique; à chaque fois, je regardais, fasciné, ce paysage mort comme la lune et je me demandais: qu’est-ce qu’il y a là-bas? Et à chaque fois je répondais: il y a quelque chose là-bas – peut-être tout. Le désert m’apparaissait comme une sorte de Paradis. Aujourd’hui encore. Toujours.L'oblique lumière ambre du soir découpait tous les contours du paysage : je voyais les corbeaux dans les arbres, le pick-up de Grand-père garé sous le hangar à chariots, les fenêtres de la maison embrasées par le soleil, les enfants Peralta qui jouaient sous l'éolienne, les chiens qui s'ébrouaient sous le porche, les plis et replis des rives de glaise érodées de l'autre côté des bâtiments, les buissons de chamisa et de plantes grasses luisant sur la plaine - choses, apparences, surfaces d'une précision acérée, le tout surmonté d'un triomphal arc-en-ciel.Il n'arriverait rien aujourd'hui. Le soleil se coucherait derrière les montagnes, les nuages gronderaient et les vautours s'envoleraient, mais il n'arriverait rien. Je le savais. Et tout cela me semblait si merveilleux que ça me plaisait comme ça. Je voulais qu'aucun événement parasite ne vienne gâcher ou abréger la stase cristalline du long après-midi du désert. Ce soir, peut-être. Ou demain. Mais pas aujourd'hui.- Pourquoi est-ce qu'on l'appelle la Montagne des Voleurs ? demandai-je sans décoller les yeux de la transmutation de la roche grise et nue en or pur.- Elle appartient au gouvernement, dit Grand-père.- Oui, le gouvernement l’a volée aux éleveurs, dit Lee. Et les éleveurs l’ont volé aux indiens. Et les indiens l’ont volée aux… aux aigles ? aux lions ? Et avant ça… ?- C'est la saisons sèche, dit-il enfin. C'est la sécheresse. Mais y en a plus pour longtemps.- Ça fait trente ans qu'elle dure, ta saison sèche.- Alors y a d'autant plus de raisons de penser qu'elle peut plus durer longtemps.ALORS...L’ÉTÉ AVANÇA, chaud et sec et magnifique, si magnifique que ça vous brisait le cœur de le voir en sachant qu’il n’était pas éternel : cette lumière éclatante vibrant au-dessus du désert, les montagnes pourpres dérivant sur l'horizon, les houppes roses des tamaris, le ciel sauvage et solitaire, les vautours noirs qui planent au-dessus des tornades, les nuages d'orage qui s'amassent presque chaque soir en traînant derrière eux un rideau de pluie qui n'atteint que rarement la terre, la torpeur du midi, les chevaux qui se roulent dans la poussière pour sécher leur sueur [...] les somptueuses aubes qui inondent la plaine et les montagnes d'une lumière irréelle, fantastique, sacrée, les cactus cierge qui déploient et referment leurs fleurs le temps d'une seule nuit, les rayons de lune qui tombent à l'oblique par la porte ouverte de ma chambre, dans le baraquement, la vue et le bruit de l'eau fraîche tombant goutte à goutte d'une source après une longue journée dans le désert...Je ne pourrais citer les mille choses que j'ai vues et que je n'oublierai jamais, mille merveilles et mille miracles qui touchaient mon coeur en un point que je ne maîtrisais pas.Le monde avait l’air différent d’en haut. Il avait l’air meilleur. Une joie primitive s’épanouit dans mon cœur alors que je guidais mon cheval vers la sortie. Un léger coup de talon, et il avançait; une petite tension sur les rênes, il s’arrêtait. Je me penchai en avant et caressai sa puissante encolure. Ce bon vieux Blue… J’avais l’impression de faire dix pieds de haut, j’étais le maître des chevaux et des hommes. Les oiseaux sauvages qui criaient dans le désert faisaient écho à l’ivresse de mon âme.- Monsieur Vogelin, poursuivit DeSalius, vous êtes le dernier obstacle à ce projet. Il n'y a plus que vous. Vous seul. Et ce projet est une composante essentielle de notre programme de défense nationale. Je comprends évidemment l'attachement sentimental que vous avez pour ce lieu, mais vous devez aussi comprendre que la sécurité nationale prime sur toute autre considération. Chaque citoyen doit d'abord et avant tout fidélité à sa nation, et tous les droits de propriété - le colonel fit une moue de plaisir en déroulant son artillerie rhétorique -, tous les droits de propriété dérivent et dépendent de la souveraineté de l'État. Je vous renvoie à la loi des nations, à Grotius, Blackstone, Marshall...- Vous savez, je peux comprendre votre affection pour ce coin désertique. Je ne la partage pas, mais je peux la comprendre. Je peux même avoir de la sympathie pour elle. Cette région est… presque sublime. Cet espace, cette majesté. Ce majestueux espace qui domine tout. Et pourtant… ce n’est pas tout à fait humain, hein ? Je veux dire par là que ce n’est pas tout à fait conçu pour la vie humaine. C’est un pays fait pour les dieux, peut-être. Pas pour les hommes.Il se leva lentement, décoinçant et étirant lentement son mètre quatre-vingt-huit de carcasse sous mon regard béat d'admiration. Son costume en gabardine était poussiéreux et fripé, sa cravate était desserrée, son chapeau neuf montrait déjà des tâches de sueur, mais il avait toujours l'air d'un gentleman et d'un vrai homme de l'Ouest. J'aurais voté pour lui les yeux bandés.Quelle importance le temps peut-il avoir pour un rancher que l'on est en train de dépouiller de sa passion ?»
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