Éditions Gallimard, collection Continents Noirs, septembre 2010
149 pages
Quatrième de couverture
Président Pieter Botha : «Il faudra utiliser la nourriture en tant que support du génocide que nous allons perpétrer à l'encontre des nègres. Nous avons développé d'excellents poisons qui tuent à petit feu (poisons à mettre dans la nourriture) et qui possèdent, en plus, la vertu de rendre stériles les femmes.»
En Afrique du Sud, donc, l'action de résistance des Noirs opprimés a fait face à la répression féroce, sournoise, ouverte et bestiale des Blancs. Mais quelles sont les origines véritables de ce drame sanglant où se reflète avec horreur l'humaine engeance?
Au moment où les leçons de l'Histoire invitaient au catastrophisme, le combat d'un homme, Nelson Mandela, a déjoué tous les pronostics. Ce grand humaniste accomplira l'exploit, unique au XXe siècle, de permettre à des millions d'individus depuis toujours tourmentés par une haine blanche et noire de se réconcilier au mieux, en indiquant le chemin vers une nation arc-en-ciel.
C'est en anthropologue, spécialiste des civilisations négro-africaines et de leurs diasporas, que Tidiane N'Diaye – dont l'œuvre est traduite et fait débat dans le monde entier – dénoue ici, avec simplicité et brio historique, la complexe épopée sud-africaine, entre migrations croisées, nazisme tropical et rayonnante tolérance d'un homme qui donne à voir l'homme au-delà de sa peau et de ses pouvoirs.
Mon avis ★★★★★
Une enquête historique sur l'Afrique du Sud d'une précision et d'une clarté remarquable.
De témoignages révoltants en descriptions à la limite de l'horreur, l'auteur nous embarque dans un récit poignant et vertigineux sur le racisme et la discrimination raciale, sur les conflits qui se sont abattus sur l'Afrique du Sud, sur l'occupation coloniale en passant par la mise en place de l'apartheid et de ses pires années avec Botha au pouvoir, puis l'arrivée de Frederik De Klerk à l'origine de la transition démocratique assurée conjointement avec Nelson Mandela, icône de la lutte de la libération noire.
Il nous donne tous les éléments historiques pour comprendre l'histoire africaine du Sud, des Chinois qui découvrent l'Afrique du Sud, de la création de premiers comptoirs hollandais, de l'arrivée des protestants français et néerlandais, fuyant les persécutons dans leurs pays, des combats menés par les boers et par Chaka zoulou face à l'occupation britannique, des oppositions musclées des différentes communautés (bantous, boers, anglais) et de la «politique indigène» mise en place par le Royaume-Uni.
L'auteur illustre ses propos par de nombreuses citations, extraits de discours, l'analyse est fluide, d'une précision chirurgicale.
Il évoque les combats menés par les différentes associations, comme le South African Native Nation Congress, ou l'ANC (African National Congress) association inspirée par Ghandi, par des hommes, tel que Madiba, l'icône de la lutte de libération noire, contre le racisme.
Il nous parle de racisme scientifique qui avait fini par imprégner les esprits d'un grand nombre d'intellectuels.
«Le darwinisme social offrit ainsi à la puissance victorienne un fondement prétendument scientifique, qui légitimait le racisme et la discrimination.»
«En Afrique du Sud l'infériorité des Noirs était systématiquement théorisée par les colons. Ils prétendaient que les Bantous occupaient les derniers degrés de l'échelle évolutive des peuples.»
Il nous remémore le terrible conflit qui opposa les colons anglais et les Boers entre 1899 et 1901, et dont les lieux de détention qui ont vu le jour à cette occasion rappellent les camps hitlériens, dans lesquels les détenus Boers étaient entassés dans des conditions lamentables. Certains passages sont terribles, à vous retourner l'estomac.
«C'était plus qu'une guerre : ce fut une tentative d'extermination de la population boer, sans parler des souffrances des Noirs. Ce sont ces événements qui permettent de comprendre les conflits raciaux qui, par la suite, ont ensanglanté ce pays d'Afrique du Sud.»
J'ai beaucoup apprécié les passages parlant de Chaka, personnage que je connaissais de Civilisation IV (merci William !) et de son refus d'accepter l'occupation coloniale.
«Chaka était de ces hommes charismatiques qui, au XIXème siècle, avaient décidé de dire non à l'occupation coloniale de leur pays. Ils refusaient toute forme d'oppression et ce qu'ils considéraient comme une tentative d'aliénation culturelle.»
«Je regarde les peuples et ils tremblent. Voilà pourquoi je ressemble à ce grand nuage où gronde le tonnerre. Alors mon peuple qui me ressemble et s'identifie à moi s'appellera Zoulou, c'est à dire les fils du ciel.» C'est par ces phrases que Chaka proclama officiellement, en novembre 1820, la naissance de la nation zouloue.»
«Pour les Sud-Africains, Chaka représente toujours celui qui a forgé l'âme de la résistance à l'invasion étrangère. Mythe ou réalité, il est même devenu, à tort ou à raison, le symbole de la grandeur, voire d'une certaine fierté des peuples noirs. Pourtant le souverain zoulou n'était pas que ce héros, bâtisseur de nation et révolutionnaire social. Il était aussi l'homme ordinaire poussé à ses extrêmes qui a révélé tout ce qu'il avait de bestialité inspirée et de démesure. S'il fut incontestablement un génie militaire visionnaire et un grand rassembleur, l'homme n'en demeurait pas moins, quels qu'aient été ses objectifs, un impitoyable cavalier nègre de l'apocalypse. Chaka a associé son nom à ceux qui évoquent les carnages et la brutalité.»
Cette analyse de l'histoire sud-africaine, nous amène à comprendre que l'histoire de ce pays ne se résume pas en une lutte des Noirs contre les Blancs, qu'elle est bien plus complexe.
Ce récit est un bel hommage à Nelson Mandela, qui a permis l'émergence d'une Nation arc-en-ciel, d'un peuple sud-africain, «Nous, le peuple d'Afrique du Sud». Il défendait un nécessaire rapprochement de tous les Sud-Africains sans distinction ethnique, il avait compris le danger qu'il y avait à se définir par rapport aux circonvoisins, à s'enfermer dans l'idée d'être uniquement noir et victime, sans chercher à ce qui pourrait bien rapprocher de l'autre, tout en conservant sa nature et son intégrité.
«Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l'étroitesse d'esprit.»
«Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique, dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales.»
«Être libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres.»
« Le nouvel hymne national, Nkosi Sikelel'i Afrika, traduit dans les onze langues officielles du pays dit : De nouveau, à l'histoire blanche, l'histoire noire ne se substitue pas, elle s'y ajoute.»
Une exploration très appréciable et instructive, avant de débarquer en Afrique du Sud dans quelques semaines !
«Wat is verby, verby ... Ce qui est passé, est passé.»
«Ce système généralisé de l'apartheid, ses horreurs carcérales et ses lois niaient tout simplement le principe même sur lequel s'ouvre la Déclaration universelle des droits de l'homme. Mais le pouvoir blanc de ce pays n'en avait cure. Pour les plus extrémistes des Afrikaners, le Noir était l'«autre». [...] Par leur manière d'être, leur mode de vie et leurs croyances religieuses d'un autre temps, ces Afrikaners refusaient de comprendre que l'unité du genre humain est un fait et pas seulement un droit. Leurs compatriotes des autres ethnies avaient beau partager le même univers qu'eux, voire la même religion, et cela depuis des générations, ils se voyaient toujours ramenés à une identité réduite à la couleur de la peau et à une civilisation méprisée parce que différente. Comme si une distinction ou une différence était forcément discriminatoire. En fait ce qui entretenait l'obsession du pouvoir des ces Afrikaners et faisait le ciment de leur racisme était invariablement la peur de la différence. Comme la différence engendre elle-même la peur et l'agressivité, celles-ci se renforcent mutuellement dans une spirale infernale. Leur attitude était l'antithèse même de la cohabitation et du dialogue qui auraient pu conduire leur pays sur la voie d'une vie commune, basée sur ces valeurs universelles qui structurent toute société moderne.»
La seule représentation connue de Chaka, esquisse de James King de 1824.
«[...] les colons firent expédier en Europe Sawtche, une jeune fille de l'ethnie des Khoï. Rebaptisée Saartje Baartman et surnommée la Vénues hottentote, elle sera exhibée en Angleterre, en Hollande et en France comme bête de foire, du fait de sa morphologie hors du commun. Ses caractéristiques physiques devaient tenir un rôle majeur dans les débats anthropologiques et les définitions raciales élaborées en Occident au XIXème siècle.»
«[...] les colons firent expédier en Europe Sawtche, une jeune fille de l'ethnie des Khoï. Rebaptisée Saartje Baartman et surnommée la Vénues hottentote, elle sera exhibée en Angleterre, en Hollande et en France comme bête de foire, du fait de sa morphologie hors du commun. Ses caractéristiques physiques devaient tenir un rôle majeur dans les débats anthropologiques et les définitions raciales élaborées en Occident au XIXème siècle.»
Monument national du Grand Zimbabwe,
il connut son essor entre le IXème et le XVème siècle.
«Ses structures sont, avec celles de l'Egypte et de la Nubie, les plus imposantes découvertes architecturales de l'Afrique.»
Le site est classé patrimoine mondial de l'Unesco, véritable Acropole africaine.
«Les enceintes sont composées de moellons de granit sans mortier.
Ses ruines dominent de quatre-vingts mètres la savane environnante. Elles sont entourées de collines, sur lesquelles d'autres constructions de même nature ont été bâties.»
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