lundi 10 avril 2017

Americanah ★★★★★ de Chimamanda Ngozi Adichie


Éditions Gallimard, Collection Du monde entier
Traduit de l'anglais (Nigeria) par Anne Damour
525 pages

Quatrième de couverture


«En descendant de l’avion à Lagos, j’ai eu l’impression d’avoir cessé d’être noire.» 
Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l’Amérique qui compte bien la rejoindre. 
 Mais comment rester soi lorsqu’on change de continent, lorsque soudainement la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés? 
 Pendant quinze ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux États-Unis, un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination. De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigeria. 
 À la fois drôle et grave, doux mélange de lumière et d’ombre, Americanah est une magnifique histoire d’amour, de soi d’abord mais également des autres, ou d’un autre. De son ton irrévérencieux, Chimamanda Ngozi Adichie fait valser le politiquement correct et les clichés sur la race ou le statut d’immigrant, et parcourt trois continents d’un pas vif et puissant.


Mon avis ★★★★★

«Comme dit la chanson : si vous êtes blanc, épatant ; si vous êtes brun, c'est moyen ; si vous êtes noir, allez vous faire voir. Les Américains présument que chacun comprendra leur tribalisme
Très bel ouvrage, percutant, sur les relations raciales aux États-Unis, mais aussi en Angleterre et au Nigéria, sur la conscience de l'identité raciale (matérialisée notamment par les cheveux, tout au long de ce roman, les cheveux comme métaphore de la race), très bien écrit, de surcroît par une voix africaine, empreint de subtilité et d'ironie. 

Chimamanda Ngozi Adichie nous livre ses observations sur la condition de l’émigré africain aux Etats-Unis,  « Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu’on appelait jadis les nègres) par une Noire non-américaine », c'est d'ailleurs le titre du blog tenu par l'héroïne, Ifemelu, et elle le fait merveilleusement bien. Les passages du blog sont plutôt croustillants et renforcent la critique social et politique que représente ce livre. 
«Le racisme n'aurait jamais dû naître, par conséquent n'espérez pas recevoir une médaille pour l'avoir réduit.»
«Cher Noir non Américain, quand tu fais le choix de venir en Amérique, tu deviens noir. Cesse de discuter. Cesse de dire je suis jamaïcain ou je suis ghanéen. L'Amérique s'en fiche.»
L'amour, l'amitié, la solitude, l'intégration, l'immigration vécue comme une sorte d'aliénation de soi, allant jusqu'à l'humiliation ... sont autant de thèmes abordés dans cet opus, très dense in fine.
«Le premier été se passa dans l'attente pour Ifemelu; la véritable Amérique, se disait-elle, était juste au détour du chemin. Même  les jours, se glissant l'un dans l'autre, lipides et langoureux, le soleil s'attardant tard dans la journée, semblaient attendre. Sa vie avait un aspect dépouillé, une austérité exacerbée, sans parents, sans amis et sans foyer, sans les repères qui faisaient ce qu'elle était.»
Un livre à lire, une auteure à découvrir ... pour ma part, j'ai rendez-vous avec son deuxième roman, L'autre moitié du soleil.
«Les gens étaient flattés qu'on les interroge sur eux-mêmes, et si elle se taisait après les avoir écoutés parler, ils étaient poussés à en dire davantage. Ils étaient conditionnés à remplir les silences. Si on lui demandait ce qu'elle faisait, elle répondait vaguement : «Je rédige un blog sur les modes de vie», car dire «J'écris un blog anonyme intitulé Raceteenth ou Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu'on appelait jadis les nègres) par une Noire non américaine» les aurait mis mal à l'aise.
Le plus gros problème dans ce pays, ce n'est pas la corruption. C'est qu'il y a une quantité de gens qualifiés qui ne sont pas où ils devraient être, parce qu'ils refusent de lécher le cul de qui que ce soit, ou qu'ils ne savent pas quel cul lécher, ou encore qu'ils ne savent pas lécher un cul. J'ai eu la chance de lécher le cul qu'il faut.
[...] mais c'était la publicité qui la fascinait. Elle enviait les existences qu'elle dépeignait, des vies baignant dans la félicité, où tous les problèmes étaient brillamment résolus grâce aux shampoings, aux voitures et aux plats cuisinés, et dans son esprit elles se confondaient avec la véritable Amérique. 
[...] maintenant je dis biraciale, et je suis censée me sentir insultée quand quelqu'un dit métisse. J'ai rencontré ici une quantité de gens qui ont des mères blanches, et ils ont plein de problèmes, eh. Je ne savais pas que j'étais supposée avoir des problèmes avant de venir en Amérique. Franchement, si quelqu'un veut avoir des enfants biraciaux, qu'il le fasse au Nigeria.
Les Américains disent parfois "culture" au lieu de race. Quand ils disent d'un film qu'il est "grand public" cela signifie "Il plaît aux Blancs ou des Blancs l'ont réalisé." Quand ils disent "urbain" cela signifie noir et pauvre, éventuellement dangereux et potentiellement excitant. "Connotations raciales" veut dire ce que nous hésitons à dire "raciste".
La solution la plus simple au problème de la race en Amérique ? L'amour romantique. Pas l'amitié. Pas le genre d'amour sûr, superficiel, dont l'objectif est de préserver le confort des deux personnes. Mais le véritable amour romantique profond, celui qui vous affole et vous laisse pantelant, qui vous fait respirer à travers les narines de votre bien-aimé. Et parce que cet amour profond est si rare parce que la société américaine est organisée de manière à le rendre encore plus rare entre Noirs américains et Blancs américains, le problème de la race en Amérique ne sera jamais résolu.
- Ifemelu, tu n'imagines pas à quel point je suis heureuse que tu ne sois pas dans l'enseignement. As-tu entendu ses amis parler ? Rien n'est simple. Chaque chose a forcément un double sens. C'est ridicule. L'autre jour, Marcia racontait que certaines Noires sont grosses parce que leur corps sont le site d'une résistance anti-esclavage. Oui, OK, si les hamburgers et les sodas représentent la résistance à l'esclavage.
La véritable tragédie d'Emmett Till [...] n'était pas qu'un enfant noir avait été assassiné pour avoir sifflé une adulte blanche, c'était que des Noirs s'étaient demandé : mais pourquoi a-t-il sifflé ?
Jeunes et vieux, riches et pauvres, démocrates et républicains, noirs, blancs, hispaniques, asiatiques, amérindiens, gays, hétérosexuels, handicapés ou en bonne santé, les Américains ont envoyé un message au monde, montrant que nous n'avons jamais été un simple ensemble d'États rouges et d'États bleus. Nous avons été et serons toujours les États-Unis d'Amérique. Barack Obama
Il avait été séduit par Facebook au début, fantômes d'anciens amis reprenant soudain vie accompagnés d'épouses, de maris et d'enfants. Mais il fut bientôt consterné par l'atmosphère d'irréalité, la manipulation étudiée des images destinée à créer une vie parallèle, les photos prises dans l'intention des les publier, montrant en arrière-plan les choses dont ils étaient fiers.
Les Nigérians n'achètent pas une maison parce qu'elle est vieille. Une grange rénovée de deux cent ans, par exemple, le genre de choses qui plaît aux Européens, ce la ne marche pas du tout ici. Mais il y a une raison : nous appartenons au tiers-monde et sommes par conséquent tournés vers l'avenir, nous aimons ce qui est nouveau, parce que le meilleur est encore devant nous, tandis que pour les Occidentaux le meilleur appartient au passé et c'est pourquoi ils ont le culte du passé.
[...] le silence s'alourdit entre eux, un silence ancien qui leur était familier. Elle était à l'intérieur de ce silence et elle y était en sûreté.
C'était ça l'amour, l'impatience du lendemain.»


Obi Mu O d'Obiwon
C'est un sentiment que je n'ai jamais ressenti ... et je ne vais pas le laisser mourir.
Nwanyi oma, nwoke oma, omalicha nwa, ezigbo oyi m o.



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