mercredi 19 avril 2017

La meilleure chose qui puisse arriver à un homme c'est de se perdre ★★★☆☆ de Alain Gillot

Éditions Flammarion, février 2017
312 pages

Quatrième de couverture


«Il y avait quand même quelque chose de merveilleux dans l’existence, une part de féerie, au milieu de ces batailles perdues, de ces millions de morts vivants qui prenaient des avions et des trains, c’était que nous nous soyons reconnus, Emma et moi, au-delà de nos différences, peut-être même nous avaient-elles rassurés. De cette manière, chacun aurait sa zone de compétence et aucun des deux ne prendrait le dessus. Ce n’était pas une entreprise de domination, mais un voyage, où l’un conduisait quand l’autre dormait.» 
Alors qu’Antoine, 42 ans, intervient sur un tournage, il supprime sans même le savoir le rôle d’Emma. La jeune femme le gifle sur un court de tennis, il la poursuit pour s’excuser. Il ne pourra jamais plus rentrer chez lui, dans cette vie sans émotion, sans risque, qu’il s’est construite. Avec ce deuxième roman, Alain Gillot nous offre un grand roman d’amour buissonnier qui proclame la nécessité d’aller vers l’autre, au-delà de nos peurs.

ALAIN GILLOT est l'auteur de La Surface de réparation (Flammarion, 2015, prix Jules Rimet, prix Sport Scriptum et prix des Mouettes), traduit dans plusieurs langues.

Mon avis ★★★☆☆

«Nous sommes faits pour mourir, par pour être vaincus.»
Ernest Hemingway

Un road movie plutôt cocasse qu'entreprend Antoine, la quarantaine, après une rencontre brève mais claquante avec Emma, la vingtaine, et qui s'apparente très vite à une quête de lui-même, une aventure qui chamboulera ses perceptions de la vie. Confronté à des personnages qui ont une personnalité aux antipodes de la sienne, excessive, alors que lui, est dans la réserve, centré sur lui-même, installé dans une routine préjudiciable, peu enclin finalement à jouir de la vie, à vivre passionnément, il se révélera, s'épanouira en faisant un ultime croché salvateur dans son passé.
Il se fourvoie en se persuadant qu'Emma n'effectuera qu'un passage éclair dans sa vie, qu'ils ne se lieront d'aucune manière que ce soit ... et nous lecteurs, nous ne le comprenons bien trop vite, ce qui enlève un peu de charme à ce roman, bien trop saisissable à mon goût; de même que l'analyse des personnages, peu approfondie, ou que l'écriture, peu limpide. J'ai eu l'impression de lire un scénario avec beaucoup de détails verbalisés, peut-être un clin d’œil de l'auteur au métier de son héros, "retoucheur" de scenarii, qui est d'ailleurs un des métiers que l'auteur exerce lui -même, puisqu'il est aussi scénariste.
Néanmoins, l'humour et les situations cocasses pimentent cette histoire, et rendent la lecture agréable.
Je remercie Babelio Masse Critique ainsi que les éditions Flammarion pour cette découverte, que je compte poursuivre avec la lecture de "La surface de réparation", roman de ce même auteur, édité chez Flammarion. Je viens d'ailleurs de lire l'article sur le site de Babelio, consacré à la rencontre entre Alain Gillot et les lecteurs de Babelio suite à la sortie du roman. 
«Je n'arrive toujours pas à considérer l'entreprise humaine avec sérieux et je ne m'y implique qu'à hauteur d'éviter les inconvénients. Pour être tout à fait sincère, aucun rôle ne me semble indispensable à tenir, et rien n'a réellement d'importance à mes yeux, hormis cette précieuse récréation que je m'efforce de cultiver dès que j'en ai la possibilité.

À la mort de mon père, tout s'est défait. [...]. Le malheur, les gens ont peur de l'attraper, c'est comme une maladie. Et puis des couples qu'on croyait indestructibles se sont séparés, d'autres sont morts dans un accident de voiture, des secrets sont sortis des tiroirs et les sourires ont fait place à des règlements de comptes. La vie a fait son oeuvre et la table s'est vidée, peu à peu. Ce que je croyais éternel ne l'était pas.

Malgré tout ce qu'ils avaient vécu de tragique, ensemble, il existait quelque chose de plus réel entre eux que tout ce que j'avais pu connaître dans ma famille. Leur folie m'apparaissait comme humaine, tandis que la normalité des miens m'avait semblé une pure hérésie.

Chez les Cassenti, les périphéries de l'existence, y compris le malheur, pouvaient se vivre à ciel ouvert, alors que chez moi chaque événement avait été recouvert d'une chape de plomb. Était-ce pour cela qu'ils exprimaient si librement leurs émotions ? Que ce soit avec violence pour le frère, ou fantaisie pour la soeur ? J'étais enclin à le croire. De leur point de vue, on pouvait à tout instant jouer du couteau ou esquisser un pas de danse. Seules comptaient l'intensité, la vérité du moment. Vivre était une improvisation permanente, tandis que pour moi chaque chose se pesait, se préparait avant d'être vécue.

[...] à force de chercher l'impossible, souvent on se perd.

Elle était capable de tout entendre, la fille du pendu, de la folle perdue et dont le frère était lanceur de couteaux. Elle avait sauté des classes à l'école de la vie. Avec elle, je découvrais une nouvelle forme de danger, partager.

Est-ce que ce n'était pas mon histoire ? L'histoire de tous les hommes, tellement appliqués à se protéger du monde qu'ils oublient de prévoir une porte ?

C'est en étant soi qu'on devient l'autre. Réflexion de Goethe.

[...] il n'y avait pas que les enfants dans la vie, il y avait aussi les grands, quand ils étaient toujours des enfants.

Le mensonge a besoin d'aménagement intérieur et de silence. Si nous avions ouvert ces portes, invité des copains, dansé, chanté, peut-être que dans un moment d'ivresse, par un regard, un geste, tout aurait été découvert, qui sait ? Il valait mieux être triste, c'était plus prudent.»

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