Un essai très intéressant, très documenté, une étude critique de la politique en partant des notions d'obéissance et de désobéissance, qui s'appuie sur des études philosophiques menées par Kant, Socrate, Foucault, Arendt..., sur des emblèmes culturels de résistance (Antigone, la fille d'Œdipe, Diogène...) ou au contraire sur des figures très/trop obéissantes ayant banalisées le mal (Adolf Eichmann...). Absolument passionnant.
«Ce livre pose la question de la désobéissance à partir de celle de l'obéissance, parce que la désobéissance, face à l'absurdité, à l'irrationalité du monde comme il va, c'est l'évidence. Elle exige peu d'explications. Pourquoi désobéir ? Il suffit d'ouvrir les yeux. Elle est même à ce point justifiée, normale, que ce qui choque, c'est l'absence de réaction, la passivité.»
Un éclairage sur notre monde, notre piètre démocratie, qui nous amène à comprendre pourquoi face pourtant aux situations évidentes de désespérance, d'indignation, d'injustice ... dans lesquelles le monde actuel est plongé, l'obéissance reste majoritairement de mise.
Un essai qui interpelle, un véritable appel à résister au conformisme et à la tyrannie.
Très brillant ! Nécessaire, essentiel. A lire, picorer, relire, et surtout à méditer !
«... désobéir est une déclaration d'humanité»
Merci aux éditions Albin Michel, à Babelio et à l'auteur.
***********************
«La désobéissance civile n'est pas notre problème. Notre problème c'est l'obéissance civile. Notre problème, ce sont les gens qui obéissent aux diktats imposés par les dirigeants de leurs gouvernements et qui ont donc soutenu des guerres. Des millions de personnes ont été tuées à cause de cette obéissance. Notre problème, c'est l'obéissance des gens quand la pauvreté, la famine, la stupidité, la guerre et la cruauté ravage le monde. Notre problème, c'est que les gens soient obéissants alors que les prisons sont pleines de petits voleurs et que les plus grands bandits sont à la tête du pays. C'est ça notre problème" - Howard Zinn 1970
Avec la disparition de la classe moyenne , c'est l'existence d'un monde commun qui se perd-les idéaux d'utilité générale, de bien public ayant toujours eu comme fonction de préserver la consistance d'une classe moyenne qui imposait des limites à l'extrême misère et à l'extrême richesse, et constituait, comme l'écrivait il y a plus de vingt siècles Euripide dans ses Suppliantes, la possibilité même de la démocratie .
«Que voulez-vous, c'est bien malheureux, mais enfin les chiffres sont les chiffres, et on ne va pas contre la réalité des chiffres.» [...] Quelle réalité ? Pas celle, étouffée, des solidarités interindividuelles, du sens élémentaire de la justice, de l'idéal de partage. Pas l'épaisseur des réalités humaines, que les dirigeants - les «responsables» comme on dit, par ironie sans doute - dans un mélange d'indifférence et de calcul, oublient dissimulent, cachent à eux-mêmes derrière l'écran de leurs statistiques imprimées sur du papier brillant.»
Pendant des siècles, les hommes ont été punis pour avoir désobéi. A Nuremberg, pour la première fois, des hommes ont été punis pour avoir obéi. H.Arendt, Journal de pensée
Les règles de solidarité élémentaire s'effritent. La réalité humaine se dissout et il ne reste plus, dans les salons dorés des dirigeants légèrement pensifs et vautrés, que Dieu et les équations, alors que dans l'autre monde on se déchire les miettes.
La Nature apparaît, pour la première fois, vulnérable. Pendant des siècles, nous avons tenté de nous protéger de la Nature par la technique. Désormais, c'est la Nature qu'il faut protéger de la technique. Mais aujourd'hui, près d'un demi-siècle après les analyses de Jonas [Principe responsabilité 1970], ce n'est lus de l'altération de la Nature qu'il est question, mais de sa suffocation : les conditions du «renouvellement» des espèces vivantes et des ressources minérales ne sont plus rassemblées, le cycle de la renaissance s'est brisé. Ce qui menace, c'est la fin des printemps.
... on se dit que tant de déraison - cette monstruosité démente des inégalités - doit avoir une explication supérieure, théologico-mathématique au moins, et elle ne serait que de surface. C'est bien là la fonction atroce de l'introduction du formalisme mathématique en économie : innocenter celui qui engrange des bénéfices. Non, il n'est pas le salaud de profiteur qui fait crever l'humanité, mais l'humble serviteur de lois dont la souveraineté, la complexité échappent au commun des mortels. J'entends la voix de ces dirigeants surpayés, de ces sportifs millionnaires. Ils se donnent une conscience facile en opposant : «Mais enfin, ces émoluments exorbitants, je ne les ai pas exigés, on me les a proposés ! C'est bien que je dois les valoir.» Allez dire aux travailleurs surexploités qu'ils méritent leur salaire et qu'ils sont sous-payés parce qu'ils sont des sous-hommes.
L'enrichissement se fait au détriment de l'humanité à venir. Nous créons de la richesse en obérant le futur.
Ce que l’on partage vraiment, ce n’est ni l’ignorance ni le savoir, c’est une exigence de vérité.»
***********************
Quatrième de couverture
Ce monde va de travers, à tel point que lui désobéir devrait être une évidence partagée
et brûlante. Notre modernité technique, bureaucratique, rationnelle a fait depuis bientôt un
siècle surgir une nouvelle forme de monstruosité : la docilité passive. Cette monstruosité
nous guette, elle gagne. Ce qui choque réellement aujourd’hui, c’est que l’on continue à
accepter l’inacceptable.
Notre premier souci sera de réinterroger les racines de notre obéissance politique. Conformisme social, soumission économique, respect aveugle des autorités, consentement républicain ? C’est en repérant les styles d’obéissance qu’on sera en mesure d’étudier, d’inventer, de provoquer de nouvelles formes de désobéissance : la désobligation éthique, la dissidence civique… Rien ne doit aller de soi : ni les formules apprises, ni les conventions sociales, ni les injustices économiques, ni les convictions morales.
La philosophie nous apprend depuis toujours à résister à l’évidence. Parce que philosopher, c’est désobéir, ce livre est un appel à la démocratie critique, à la résistance éthique. À l’heure où les décisions des experts ne sont que le résultat de statistiques anonymes et de calculs glacés, réapprendre à désobéir, c’est retrouver notre humanité.
Ancien élève de l’École normale supérieure, Frédéric Gros est professeur à Sciences Po Paris de pensée politique. Il est notamment l’auteur de États de violence (2006), Marcher, une philosophie (2009), Le Principe Sécurité (2012), ainsi que d’un roman, Possédées (2016) ; il est aussi l’éditeur de Michel Foucault dans la Pléiade.
Editions Albin Michel, septembre 2017
220 pages
Notre premier souci sera de réinterroger les racines de notre obéissance politique. Conformisme social, soumission économique, respect aveugle des autorités, consentement républicain ? C’est en repérant les styles d’obéissance qu’on sera en mesure d’étudier, d’inventer, de provoquer de nouvelles formes de désobéissance : la désobligation éthique, la dissidence civique… Rien ne doit aller de soi : ni les formules apprises, ni les conventions sociales, ni les injustices économiques, ni les convictions morales.
La philosophie nous apprend depuis toujours à résister à l’évidence. Parce que philosopher, c’est désobéir, ce livre est un appel à la démocratie critique, à la résistance éthique. À l’heure où les décisions des experts ne sont que le résultat de statistiques anonymes et de calculs glacés, réapprendre à désobéir, c’est retrouver notre humanité.
Ancien élève de l’École normale supérieure, Frédéric Gros est professeur à Sciences Po Paris de pensée politique. Il est notamment l’auteur de États de violence (2006), Marcher, une philosophie (2009), Le Principe Sécurité (2012), ainsi que d’un roman, Possédées (2016) ; il est aussi l’éditeur de Michel Foucault dans la Pléiade.
Editions Albin Michel, septembre 2017
220 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire