Chacun doit être à la hauteur de ses actes.
(Ernest Hemingway, cité en exergue)
Les ordres sont les ordres, pauvres moutons que nous sommes...
Tuer de sang-froid, dépasser l'entendement ... des actes non condamnables en temps de guerre; les officiers obéissaient aux ordres, simplement aux ordres. Pourquoi, comment les juger assassins ? Ils agissaient selon le droit et la loi en vigueur. Et si, par mégarde, ils avaient dépassé les bornes, franchi les frontières du soutenable, les procédures donnaient lieu à des non-lieux; les faits étaient prescrits. Ils étaient protégés et les plaintes anéanties, oubliées, ensevelies ... et, parfois, réveillées par un désir de vengeance.
La vengeance est au coeur de ce récit que nous livre Ferdinand Von Schirach.
Le récit d'un homme meurtri, un récit véridique, poignant, romancé, qui sonne si juste, un tsunami (r)éveillant les consciences «En Janvier 2012, quelques mois après la publication du livre en Allemagne, le ministère fédéral de la Justice a institué une commission d’enquête indépendante pour évaluer l’empreinte laissée par le passé nazi sur le ministère. Ce livre a participé à la mise en place de cette commission.»
Comment ne pas recommander cette lecture à tous ?
Le personnage de Caspar Leinen, avocat commis d'office dans l'affaire Collini, est très touchant, un personnage torturé, l'auteur nous donne à voir son courage, sa détermination envers et contre tout «il savait qu'il allait réduire son enfance à néant et que Johanna ne reviendrait plus. Et que tout cela ne jouait aucun rôle.» pour que justice soit rendue.
«Seule la folie a régné sur ce pays.»
(une citation des Sonnets du Moabit d'Albrecht Haushofer)
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«- J’ai grandi dans cette famille pour ainsi dire...Mattinger hocha la tête. «Et alors ? Dans votre prochain procès, le meurtre vous fera penser à quelque événement tragique de votre enfance. Et dans celui d’après, vous ne cesserez de songer à cette ancienne amie qui a été violée. Puis, le nez de votre client vous déplaira ou vous penserez que les drogues qu’il trafique sont le plus grand fléau de l’humanité. Vous voulez être défenseur, vous devez alors vous comporter comme tel. Vous avez accepté de défendre un homme. Bien. Peut-être était-ce une erreur. Mais c’était votre erreur à vous seul, pas la sienne. Dorénavant, vous avez des responsabilités envers cet homme, vous êtes tout ce qu’il a ici.»
Qui se trouve pour la première fois dans une salle d'autopsie rencontre sa propre mort.
Tandis qu'il lisait ses explications, tandis que l'horreur se dessinait, phrase après phrase, la salle se métamorphosa. es gens, des paysages, des villes prenaient forme, les phrases devinrent des images, elles prirent vie, et, bien plus tard, un des spectateurs dirait qu'il avait pu sentir l'odeur des champs et des prairies de l'enfance de Collini. Mais, pour Caspar Leinen, c'était autre chose qui se jouait : des années, il avait écouté ses professeurs, il avait appris les lois et leur interprétation, il avait essayé de comprendre ce qu'était un procès pénal, mais il lui avait fallu attendre ce jour, sa propre intervention au cours de l'audience, pour comprendre qu'il s'agissait en réalité de tout autre chose : de l'homme meurtri.
Ce qu'a fait Meyer a toujours été objectivement inhumain. Que les juges des années 1950, 1960 aient peut-être tranché en sa faveur n'y change rien. Et qu'ils ne le fassent plus aujourd'hui signifie simplement que nous avons progressé.»
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Ludswiburg
Il s'acheta un guide et réalisa que l'histoire de la ville
était celle de la guerre.
C'est de là qu'en 1812 l'armée wurtembourgeoise était partie rejoindre Napoléon,
presque seize mille hommes dont la plupart périrent en Russie.
Pendant la Première Guerre mondiale, cent vingt-huit officiers
et quatre mille cent soixante hommes de troupe du «régiment Alt-Württemberg»
étaient tombés «au champ d'honneur»
- c'était gravé dans la pierre d'un monument aux morts.
En 1940, Le Juif Süss
[film de propagande nazi, qui servit d'appel à la haine raciale contre les Juifs]
fut tourné dans cette ville, parce que Joseph Süss Oppenheimer y avait vécu.
Quatrième de couverture
Hans Meyer, une personnalité respectée de la haute société allemande, est sauvagement assassiné dans sa chambre d’hôtel à Berlin. Le jeune avocat Caspar Leinen est commis d'office pour assurer la défense de l'assassin présumé, un certain Fabrizio Collini. Il ne comprend pas comment cet ancien ouvrier de chez Mercedes, en apparence un homme sans histoires, pourrait être lié au grand industriel octogénaire, et pourquoi il aurait voulu le tuer. Surtout que Collini se mure dans le silence...
Leinen est d’autant plus troublé que Hans Meyer était aussi le grand-père de son meilleur ami. Quand il commence ses recherches pour défendre son client, il ne se doute pas qu’elles le mèneront au cœur d’un chapitre particulièrement sombre de l’histoire allemande, dont l’affaire Collini constitue simplement l’épilogue...
Editions Gallimard, juin 2014
160 pages
Traduit de l'allemand par Pierre Malherbet
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