mardi 14 janvier 2020

Le Procès du cochon ★★★★☆ de Oscar Coop-Phane

Une plume acerbe et sarcastique pour parler de faits, à peine croyables, qui ont pourtant eu lieu, en Europe, du XIIème au XVIIIème siècle : le procès des animaux. Les chrétiens considéraient que les animaux avaient une âme et que, s'ils enfreignaient la loi, ils devaient alors être jugés et condamnés. 
Condamnés par la force des choses puisque la défense était inexistante, le jugement imparable.

Une plongée déroutante dans l'absurde, une réflexion sur les comportements animaux des hommes prêts à tout pour assouvir leur vengeance.

Une lecture originale, bien construite et intéressante, un peu courte peut être, mais qui sort vraiment des sentiers battus.
« De tous les criminels qu’il avait rencontrés, celui-là était le plus atypique. Il grognait comme une bête et ne vous regardait jamais dans les yeux. Aussi mystérieux qu’insipide. C’était un mur. »

« Regardez encore mon client. Regardez ses dents, ses oreilles. Oui, il pue. Non, il ne parle pas. Enfin bon, vous le voyez comme moi. Je vous mets au défi de trouver en lui de la responsabilité. Je vous mets au défi de le juger comme un homme. 
Ce n’était pas un crime, c’était un accident. Les accidents sont terribles mais la justice ne doit pas s’en mêler.
Certains cris tranchent le monde.
On s’appuie les uns sur les autres, non pour se soulever mais pour se crever lentement, comme on dégonfle un ballon. On contrarie déjà les solitudes. Si les hommes n’arrivent pas à marcher sur le même trottoir sans se bousculer, comment pourraient-ils vivre ensemble sans se battre ?
L'escorte du criminel s'était passée sans encombre. On avait fait vite, pour éviter les foudres de la foule. On ne sait jamais ce qui peut arriver, des glaviots ou des pierres, de revolver ou des mouvements de masse. On apprend ça pendant la formation - un gendarme doit aussi canaliser les vengeances.
Les bruits des taulards, ils ne s'y étaient pas faits, non, mais ils les laissaient couler comme on accepte, enfant, de voir que les cailloux entassés avec sagesse ne retiendront jamais le cours de la rivière. Il faut souvent s'avouer vaincu.
Dans le voisinage, on ne lui serre pas la main. Il y a une superstition à ce sujet. Avant d'être un homme, Jean est un bourreau. Il n'est pas question, alors, de passer sans trace. Des fonctions comme celle-là laissent des empreintes. On est souillé. On promène avec soi les perles de la mort. »

Quatrième de couverture

Dans un village et un temps reculé, un monstre croque la joue et l’épaule d’un bébé laissé quelques instants seul par sa mère, puis repart tranquillement vers la forêt. Il est bientôt rattrapé par une horde d’hommes décidés à le tuer, mais dans le monde des hommes, la justice, comme la mort, se rendent au tribunal. Même si le monstre en question est un cochon qui n’a ni conscience ni parole pour se défendre. Peut-on se faire entendre sans mots ? Les gendarmes l’embarquent donc et le jettent en prison, avant son grand procès.
Dans un texte court et puissant, Oscar Coop-Phane nous raconte le procès d’un cochon, à l’image de ceux qu’on intentait aux animaux jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, une pratique aussi étrange que méconnue de nos jours. Divisé en quatre parties, le texte retrace d’abord Le Crime, puis Le Procès, écrit comme une pièce de théâtre dans laquelle interviennent tour à tour les avocats des deux parties, la famille de la victime, les témoins et experts consultés, le public et les jurés, et le cochon, comme il peut, comme vous verrez, avant que le Président ne rende sa sentence : la pendaison. Viennent ensuite L’Attente, où chacun se prépare à la mort du porc ; Jean, le bourreau, Louis, le tout jeune officier chargé de mener l’accusé, le père Paul, en route pour confesser la bête, la famille éplorée, et le cochon que Le Supplice viendra libérer. D’une langue tranchante et pénétrante, Oscar Coop-Phane nous ramène des siècles en arrière pour fouiller les sentiments humains, la peur, la colère, la cruauté et la soif de vengeance, mais aussi l’empathie ou la peine. Un texte allégorique où chacun reconnaitra dans l’animal, le porc qu’il voudra.

Éditions Grasset, janvier 2019
128 pages

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