mercredi 10 août 2016

Congo Requiem de Jean-Christophe Grangé *****


Editions Albin Michel, mai 2016
726 pages

Quatrième de couverture


On ne choisit pas sa famille
mais le diable a choisi son clan.
Alors que Grégoire et Erwan 
traquent la vérité 
jusqu'à Lontano, 
au coeur des ténèbres africaines, 
Loïc et Gaëlle affrontent 
un nouveau tueur 
à Florence et à Paris.
Sans le savoir, 
ils ont tous rendez-vous 
avec le même ennemi. 
L'Homme-Clou.

Chez les Morvan, 
tous les chemins mènent en enfer.

Mon avis  ★★★


Et une deuxième pavé tout aussi saignant et puissant que le premier "Lontano".
EXCELLENT ! 

Un immense ouvrage, extrêmement bien ficelé, empreint de suspense , de rebondissements et de ... machiavélisme.
Jean-Christophe Grangé est très doué pour embarquer son lecteur dans une aventure incroyable, qui tenu, en haleine, tourne les pages sans s'en rendre compte.
Un vrai bonheur !
Même si Bonheur n'est pas le mot pour décrire ce thriller bien tordu.
J'avais trouvé la fin du premier tome quelque peu expédiée; je me doutais que ce n'était pas un final, que les réponses viendraient avec Congo Requiem. Et quelles réponses ! Les éléments du premier tome sont totalement remis en question, les fausses pistes sont relevées, les révélations sont mordantes, les retournements de situation inimaginables. Ce second tome est plus abouti que le premier, l'histoire y est beaucoup plus dense, la politique entre en scène, et le lecteur est aux premières loges des combats opposants les Tutsis et les Hutus en plein coeur de l'Afrique Noireune Afrique aux pratiques ... exécrables.
La misère de l'Afrique : personne ne songe à changer le système - violence, corruption, barbarie à tous les étages. Chacun vise au contraire à l'utiliser pour se tailler une place au soleil.
Le puzzle familial, absolument dément et troublant, prend forme. 
Il n'y avait qu'une manière d'être un Morvan : Etre seul à plusieurs.
Loïc ne touche plus à la drogue, Gaëlle, à la personnalité complètement folle, s'interroge sur son psy et va mener sa propre enquête. Sa relation avec son père est toujours aussi ambigüe.
Il avait voulu l'éduquer, la cadrer, la préserver. Échec sur toute la ligne mais cette autorité avait fini par la définir a contrario. Elle ne s'était formé qu'en réaction à lui - ses conseils, ses souhaits, ses espérances.Elle était la colombe de Kant qui "fend l'air dont elle sent la résistance " et qui "pourrait s'imaginer qu'elle réussirait bien mieux encore dans le vide" - alors qu'au contraire, seule la force opposée des vents soutient l'oiseau et lui permet de planer. Gaëlle avait toujours lutté contre son père et c'était ce combat qui lui avait permis de vivre.Mais s'était-elle jamais envolée ?
Erwan, à la fibre enquêtrice au pair, n'est pas au bout de ses surprises, au Congo puis à Paris et en Bretagne.
On est au Congo, putain ! Les traces disparaissent en deux heures, les rapports en deux jours, les archives, le mois suivant. Y a que trois choses qui perdurent ici : la pluie, la boue et la brousse. Pour le reste, oublie.
Morvan père, Maggie ... je n'aurais pu imaginer votre histoire. 

Grangé vous êtes un maître du thriller !
Le final est haletant, aucun temps mort dans cet opus.
Amateurs de thriller, ce livre est pour vous.

Extraits


Grégoire n'avait aucune illusion. A l'arrivée, on s'apercevrait qu'il manquait la moitié du matériel - oublié, volé, vendu. Pas grave : la meilleure façon de gérer les problèmes en Afrique était de les ignorer. L'incertitude était une composante à part entière de tout projet. En respectant ce postulat, on appréciait même mieux la vraie poésie du pays, irrationnelle et sans issue. p.49
Depuis son arrivée, il n'avait appris qu'une chose : en Afrique, une journée compte double, voir triple ou plus encore. Il avait l'impression d'être là depuis un mois. Outre la chaleur, chaque sensation vous foutait KO. Une simple odeur d'essence vous prenait à la gorge. Les couleurs vous serraient le coeur. Chaque goût bouleversait votre métabolisme, violentait vos nerfs, vous faisait comprendre à quel point est déjà là, dans la pulpe d'un fruit, dans le piment des sauces, dans la tiédeur de la pluie... En quelques heures, vous deveniez accro à tout ce qui pouvait vous aider à tenir le coup. "Pour trouver l'Afrique, l'avait averti son père, il faut s'y perdre." p.62-63
Prendre les événements comme ils viennent et surtout, bien saisir le sens du périple : c'est l'Afrique qui vous roulait dessus et non l'inverse. p.106
Et quand on fait la guerre, on aime avoir la paix. p.121
Ils croisèrent les premiers mineurs sortant des tunnels. Torse nu, uniformément rouges [...] La latérite leur était passée dans le blanc des yeux. Ils avaient l'air complètement défoncés. Morvan avait interdit l'alcool et le chanvre mais ces gars étaient drogués aux ténèbres et au coltan. Dire qu'ils faisaient corps avec la terre était un pléonasme : ils étaient la terre. p.191
Seul le coltan comptait. Mieux valait crever dans ces boyaux en essayant de gagner sa vie que de la perdre dans son village, pour rien. En Afrique, on donne surtout un sens à sa mort. p.193
Maggie avait cité Baudelaire : "J'ai pétri la boue et j'en ai fait de l'or." Elle avait raison. Et tout ça avec une mise de départ dérisoire. Le miracle africain.  p.193
Deux jours avant, il avait achevé un gamin. Aujourd'hui, il en sauvait un autre. Ça confirmait sa théorie : quoi qu'on fasse, impossible d'influencer la loi des équilibres en Afrique. p.254
Loïc, dans ses délires bouddhistes, lui répétait souvent que l’on est peut-être que le produit d’un rêve. 
Il avait l’impression en cet instant d’être craché par un pur cauchemar. p.265
La peur c'est comme le froid, il faut bouger, s'agiter pour ne pas se laisser emprisonner par elle. p.357
[...] Erwan éprouva cette certitude : la jungle était le biotope naturel de son père. On s'était trompé sur lui, lui prêtant ds ambitions compliquées, des calculs retors. Le Machiavel de la place Beauvau, tu parles. Le Vieux était une bête farouche, un prédateur qui aimait la solitude, le grand air et l'immédiateté de l'existence animale. Survivre, oui. Se souvenir, non. p.361
Erwan aurait dû être horrifié, il était simplement épuisé. Le mal, c'est comme le reste : au-delà d'un certain seuil, on est anesthésié. p.373
Pour séduire un homme, pas besoin de s'embarrasser de savants calculs. Le mâle est une science exacte. Sa prévisibilité une valeur sûre. p.456
Sofia ressemblait à une fête mais Erwan n'était pas sûr d'y être invité. p.568
My Lady d'Arbanville, you look so cold tonight.
Your lips feel like winter,
Your skin has turned to white ... (Cat Stevens lyrics) p.678
Cat Stevens - Lady d'Arbanville


Du même auteur, chroniqué sur ce blog :
















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