Editions P.O.L, janvier 2012
150 pages
Prix du Livre Inter 2012
Résumé éditeur
Plusieurs destins s'entrelacent dans ce nouveau récit de Nathalie Léger. Ils se nouent autour d'un film, Wanda, réalisé en 1970 par Barbara Loden, un film admiré par Marguerite Duras, une œuvre majeure du cinéma d'avant-garde américain. Il s’agit du seul film de Barbara Loden. Elle écrit, réalise et interprète le rôle de Wanda à partir d'un fait divers : l'errance désastreuse d'une jeune femme embarquée dans un hold up, et qui remercie le juge de sa condamnation. Barbara Loden est Wanda, comme on dit au cinéma. Son souvenir accompagne la narratrice dans une recherche qui interroge tout autant l'énigme d'une déambulation solitaire que le pouvoir (ou l'impuissance) de l'écriture romanesque à conduire cette enquête.
Mon avis ★★★★★
Très belle découverte.
J'avais vaguement entendu parler de Barbara Loden, une pin-up de calendrier, muse d' Elia Kazan.
"Barbara Loden est née en 1932, six ans après Marilyn Monroe, deux ans avant ma mère, la même année qu'Elizabeth Taylor, Delphine Seyrig et Sylvia Plath."
"Elle a trente-huit ans lorsqu'elle réalise et interprète Wanda en 1970. Elle fut la seconde femme d'Elia Kazan."
"Je n'étais rien. Je n'avais pas d'amis. Pas de talent. J'étais une ombre. Je n'avais rien appris à l'école. Je savais à peine compter. Et je n'aimais pas le cinéma, ça me faisait peur ces gens si parfaits, ça me rendait encore plus insuffisante. [...] J’ai traversé la vie comme une autiste, persuadée que je ne valais rien, incapable de savoir qui j’étais, allant de-ci de-là, sans dignité."
Nathalie Léger nous emmène sur ses traces et sur celles de Wanda (héroïne de son unique film qui porte le même nom, et dont elle joue le rôle). Il faut que je me procure ce film ! De même que la pièce d'Arthur Miller After the Fall, dans lequel elle interprète le rôle de Maggie, directement inspirée de Marylin Monroe.
Initialement, Nathalie Léger est engagée pour rédiger une notice de dictionnaire sur Barbara Loden, mais elle se laisse entraîner par son histoire, sa vie quelque peu obscure, ses choix, son film Wanda. par une autre femme Alma Malone (personnage dont Barbara Loden s'inspira pour réaliser "Wanda"). D'autres femmes, empreintes de mélancolie et de solitude entrent dans la danse : Marilyn Monroe, Marguerite Duras, Virginia Wolf, sa mère (tout juste divorcée, arpentant un supermarché sans but précis). L'auteure nous parle aussi d'elle-même, évoque sa propre solitude face à ce projet d'écriture.
Elle évoque Proust, Céline, cite Jean-Luc Godard "La vérité, c'est entre apparaître et disparaître", Elia Kazan, Flaubert "tout ce que l'on invente est vrai", Marguerite Duras "C'est comme si elle atteignait dans le film une sorte de sacralisation de ce qu'elle veut montrer comme une sorte de déchéance et que, moi, je trouve une gloire, une gloire très très forte, très violente, très profonde." et tant d'autres que je n'ai pas notés, happée par ma lecture.
Ce texte est très riche, il est fluide, parfois ciselée, l'auteure insérant de temps à autre des passages, des citations qui agrémentent intelligemment son récit.
Une très belle biographie/autobiographie, un bel hommage, que je recommande vivement aux amateurs du genre.
Extraits
"Le gros plan sur le visage rayonnant de Mlle Loden après que son partenaire a touché ses lèvres restera dans les mémoires comme l'incarnation même d'une beauté presque insupportable. Cette tendresse si touchante exprime alors toute l'agonie d'un coeur languissant pour un autre, et toute l'extase d'être enfin désirée." p.62
"Résumons. Une femme contrefait une autre écrite par elle-même à partir d'une autre (ça, on l'apprend plus tard), jouant autre chose qu'un simple rôle, jouant non pas son propre rôle, mais une projection de soi dans une autre interprétée par soi-même à partir d'une autre." p.82
"Dans la notice, j'explique à mon éditeur que c'est tout Wanda et tout Barbara que je voudrais mettre - y mettre l'impossible vérité et l'objet indescriptible, y mettre une âme lucide et apeurée se dissimulant dans une autre, ajouter un éloge de la dérive sous un ciel blême de Pennsylvanie, sans oublier le grand jeu heroïco-comique du désastre intérieur." p.86
"J'ai entendu dire que le GPS est en train de modifier en profondeur la perception que nous avons de notre positionnement et de la manière dont allons d'un endroit à un autre. La notion même d'itinéraire deviendrait aujourd'hui problématique, certains, par extension, allant même jusqu'à être persuadés que tout est localisable, temps et sentiments compris." p.122
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