Editions P.O.L, juin 2005
186 pages
Quatrième de couverture
« Ayant vidé la poubelle sur le trottoir, il trouva vite le sac qu’on plaçait dans la salle de bains, en retira des cotons-tiges, un vieux tube de dentifrice, un autre de tonique pour la peau, des lames de rasoir usagées. Et les poils étaient là. Pas tout à fait comme il l’avait espéré : nombreux, mais dispersés, alors qu’il imaginait une touffe bien compacte, quelque chose comme une moustache tenant toute seule. Il en ramassa le plus possible, qu’il recueillit dans le creux de sa main, puis remonta. Il entra sans bruit dans la chambre, la main tendue en coupelle devant lui et, s’asseyant sur le lit à côté d’Agnès apparemment endormie, alluma la lampe de chevet. Elle gémit doucement puis, comme il lui secouait l’épaule, cligna des yeux, grimaça en voyant la main ouverte devant son visage.
–Et ça, dit-il rudement, qu’est-ce que c’est ? »
Mon avis ★★★☆☆
Très original, voici un roman qui sort des sentiers battus.
J' adore l'écriture de Emmanuel Carrère, fluide et captivante, j'ai beaucoup aimé "D'autres vies que la mienne".
Là, on va dire, que ça a un peu moins bien pris, du moins la deuxième partie (le dernier quart) du livre. J'ai adoré la première partie, ai dévoré les pages. L'intrigue est alléchante, et j'ai été prise dans ce tourbillon hallucinant que devient la vie de notre héros, Marc. Et puis, l'histoire se rallonge, la fuite du héros, son errance ne m'ont pas emballée et j'avais hâte d'en découdre.
Le final est quant à lui, génial !
Voilà un bilan mitigé.
Emmanuel Carrère décrit parfaitement la psychologie de cet homme, fou à lier, confronté à des situations loufoques, improbables. Tout part d'une simple blague qui va rapidement prendre vite un tournant amer, tragique. Marc devient en désaccord avec sa femme, avec son entourage, ses amis, ses collègues. Et chacun des protagonistes réfutent tous les faits qu'il énonce : un voyage à Java, le fait qu'il se soit raser la moustache (tout le monde affirme l'avoir toujours connu glabre)...
Comment vivre sereinement quand tout le monde est en désaccord avec vous ? Comment partager sa vie avec une femme qui ne voit pas tel que vous vous voyez ? Quelle est la réalité ? Qui est fou dans cette histoire ?
Les fous semblaient paisibles, leurs hôtes pas mécontents de ces revenus locatifs qui avaient l’avantage de tomber tous les mois, à coup sûr, de ne pas risquer de se tarir, car leurs pensionnaires restaient jusqu’à leur mort. Chacun vaquait à ses occupations, un des malades, depuis vingt ans, écrivait sans trêve la même phrase pompeuse et dépourvue de sens, une autre berçait des baigneurs en celluloïd, changeait leurs couches toutes les deux heures, se déclarait heureuse… En voyant le reportage, il avait pensé, c’est horrible, bien sûr, mais comme on trouve horrible la famine en Ethiopie, sans se représenter Agnès assise sur les marches d’un cabanon, au fond du jardin, répétant d’une voix douce que son mari n’avait jamais porté de moustache […].
Je suis ravie d'avoir vécue cette courte expérience, même si comme je l'ai déjà dit, j'avais hâte que celà se termine. Elle aurait, à mon humble avis, mérité d'être plus courte, et la dernière partie, qui n'est pas franchement liée à la première aurait pu ne pas exister, tout simplement.
Extrait
Qu'il dût ou non sortir et paraître à son avantage, ce rite vespéral tenait sa place dans l'équilibre de la journée, tout comme l'unique cigarette qu'il s'accordait, depuis qu'il avait cessé de fumer, après le repas du midi. Le calme paisible qu'il en tirait n'avait pas varié depuis la fin de son adolescence, la vie professionnelle l'avait même accru et lorsqu' Agnès raillait affectueusement le caractère sacré de ses séances de rasage, il répondait qu'en effet c'était son exercice zen, l'unique plage de méditation voué à la connaissance de soi et du monde spirituel qu lui laissaient ses vaines mais absorbantes activités de jeune cadre dynamique. Performant, corrigeait Agnès, tendrement moqueuse. p.10
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