jeudi 18 août 2016

Le Postier Passila de Alain Beaulieu*****


Editions Actes Sud, mai 2010
186 pages


Quatrième de couverture


Parce qu’il s’ennuie dans la “grande ville” et souffre de sa relation avec l’infidèle Eliana, le postier Passila a accepté un poste vacant à Ludovia, en province. Dès l’instant où il arrive dans ce qu’il croit être une bourgade paisible adossée au volcan Tipec, il pressent qu’un monde étrange vient de le happer. A l’accueil inhospitalier des habitants, Passila oppose une ironie tenace, mais sitôt croisée la belle Estrella, un piège diffus se referme sur lui. C’est que la présence de Passila, “l’étranger”, agit comme un révélateur : elle attise antagonismes ou alliances entre l’hôtelière revêche, l’irascible boulanger, l’indiscret chauffeur de taxi, le mystérieux docteur Noriega et l’impitoyable policier Cortez.
En contrechamp de ces scènes de vie villageoise, Alain Beaulieu exécute à merveille sa partition sur le mensonge et la tromperie, diffusant le trouble comme on augmente le débit d’un goutte-à-goutte éprouvant. Dans ce village faussement somnolent, où la peur et l’autarcie forcent les habitants aux compromissions les plus diverses, sous le masque des supposées victimes vont apparaître d’insoupçonnables bourreaux…

Mon avis ★★★★★


J'ai a-do-ré !

Un récit intense, au suspens grandissant au fur et à mesure que tournent les pages; je les ai vite tournées ces pages d'ailleurs, prise dans ma lecture, j'ai dévoré ce livre d'une traite.
A Ludovia, village sorti de l'imagination de l'auteur, débarque Passila, le nouveau postier, un poète solitaire, un doux rêveur. Passila va se retrouver confronté à une population refermée sur elle-même qui lui réserve un accueil pour le moins particulier. 
Il souhaitait s'y ressourcer, apaiser ses pensées, fuir une histoire d'amour désastreuse ... C'est une atmosphère des plus inquiétantes qui l'attend; elle devient très rapidement oppressante pour le lecteur. Passila passera outre cette obscure ambiance, il est convaincu qu'il a atterri dans ce village pour accomplir une mission  Alors qu’on m’annonçait la venue imminente d’une catastrophe, j’avais l’intime conviction que ma place était ici, dans ce village où ma destinée m’avait conduit. 
Mais le doute va finir par s'installer et manipulé par les habitants du village, il devra faire un choix : quel camp choisir ? Celui des martyrs ou celui des bourreaux ?

L'intrigue est forte, elle est drôle aussi, la plume est très belle. 
Caustique, captivant ! FASCINANT !

Extraits


- Chinois cochon, va ! s'est moqué Tempera. Je suis convaincu que tu la mangerais avec tes baguettes si elle t'en donnait l'occasion. Elle s'appelle Estrella, et je trouve que ce prénom lui va très bien, pas toi ?Il y a eu dans mon esprit un éclatement d'étoiles, comme un feu d'artifice. Ce prénom ne lui allait pas bien, c'était tout elle, étoile brillante dans la nuit sans lune, guide céleste des marins égarés. J'allais sortir mon sextant et le pointer vers elle pour qu'elle me montre la voie.   p.58
L'enveloppe brillait au centre de la pénombre comme si mille étoiles attendaient que je l'ouvre pour illuminer la nuit. Mais ce n'étaient que chimères et songeries, perles de pacotille, promesses d'ivrogne en manque d'amphores à remplir pour mieux les vider par la suite. Il y avait là des torrents d'amertume, des coulées de nostalgie, de la trahison à pleins seaux pour remplir mes veines qui allaient éclater de tristesse si je ne résistais pas. J'ai pris l'enveloppe, l'ai tournée dans mes mains, l'ai portée à mon nez et elle est entrée dans mon corps par mes narines grandes ouvertes.
Eliana ... p.82
Elle ressemblait à toutes les sirènes de la grande ville qui rêvaient de trouver un homme riche et s'habillaient de manière à mettre en évidence leurs attributs pour attirer les poissons. Or j'avais changé d'aquarium et la magie n'opérait plus sur moi.   p.149
Je comprenais surtout que la noblesse de sa cause justifiait tous les sacrifices, mais peut-être aussi tous les mensonges et certaines exactions. J'ai baissé les yeux, Estrella a pris ma main et je nous ai vus courir sur la route principale, fonçant ainsi, liés l'un à l'autre, vers le soleil levant. Nos cheveux mouillés de rosée battaient dans le vent frais du matin, et nous étions heureux. Puis le soleil est retombé d'un coup derrière l'horizon et les étoiles ont scintillé une dernière fois avant de s'éteindre elles aussi. Il n'y avait plus que nous dans la noirceur de Ludovia, et nos mains se sont séparées.   p.170


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire