dimanche 18 septembre 2016

Laitier de nuit de Andreï Kourkov****


Editions LIANA LEVI, janvier 2010
428 pages
Traduit du russe par Paul Lequesne

Quatrième de couverture


Avez-vous déjà entendu parler de «l’antifrousse»? Ce breuvage made in Ukraine qui permet de vaincre sa timidité, de triompher de ses ennemis, de surmonter toutes les épreuves. Un remède pour lequel on tuerait père et mère, n’est-ce pas? Mais là, c’est son inventeur, un estimable pharmacien de Kiev, qui est assassiné. Ensuite? Ensuite tout se complique. Dans cette fable échevelée, les chats ressuscitent, un somnambule se fait suivre la nuit, un député ambitieux exige un lait très spécial, une organisation secrète manipule les braves gens… Trafics et tentatives de corruption s’enchaînent aussi vite que les énigmes (et les rasades de gnôle à l’ortie!) pour tisser peu à peu la trame, non seulement d’un roman savoureux, mais d’un pays tout entier.

Andreï Kourkov est né en Russie en 1961 et vit depuis de nombreuses années à Kiev. Il débute sa carrière d’écrivain pendant son service militaire, alors qu’il est gardien de prison à Odessa. Depuis la publication du Pingouin, il connaît un succès international. Tous ses romans sont publiés en France par les éditions Liana Levi.

Mon avis ★★★★☆


Une satire sociale étonnante, un portrait caustique de l'Ukraine actuelle, indépendante depuis 1991 et qui se cherche encore, empreint d'humour et d'absurde.
J'ai beaucoup aimé cette lecture, les histoires sont loufoques, la construction est très intéressante, les histoires s'enchaînent et s'entrecroisent attisant la curiosité du lecteur (tout du moins la mienne a été attisée!), rendant la lecture absolument addictive, une fois le livre ouvert, il est difficile de le lâcher, c'est un tourbillon qui nous entraîne au coeur d'une Ukraine où corruption, pauvreté, violence, petits trafics en tout genre, sociétés secrètes font partie intégrante du décor.

La description de la société est très réaliste et pourtant, certains éléments surréalistes parsèment le récit et rendent l'atmosphère à la fois plus glauque et paradoxalement plus douce.

Une belle découverte, même si la fin m'a quelque peu laissée sur ma faim...

Ce livre fût un coup de coeur pour un bibliothécaire de ma ville, et c'est qui m'a donné envie de le lire. Bien m'en a pris. D'autres oeuvres de l'auteur me tentent : Le Pingouin, Le dernier amour du président, L'ami défunt, Le Caméléon. Sa plume et son humour décalé me séduisent.

«
C'est toute l'Ukraine qui est une fille mère.
Il est des histoires qui commencent un beau jour et jamais ne s’achèvent. Elles en sont tout bonnement incapables. Parce-que leur commencement engendre des dizaines d’autres histoires
indépendantes qui ont chacune leur prolongement. C’est comme le choc d’un gravier contre le pare-brise d’une voiture: au point d’impact se dessine une multitude de lézardes, et à chaque ornière rencontrée sur la route, l’une ou l’autre progresse et s’allonge. Ainsi la présente histoire avait-elle commencé une nuit d’hiver pour se poursuivre jusqu’à ce jour. Mais nous n’en connaissons pour le moment que le début. Le temps que vous la lisiez jusqu’à la fin, son dénouement n’en sera plus que le milieu. Il est impossible de suivre les histoires, une vie n’y suffirait pas. Mais au moins sait-on une chose: par quoi tout a commencé. Là, ça se passait à Kiev, une nuit, au coin de la rue Streletskaïa et du boulevard de Iaroslav, juste à deux pas de l’hôtel Radisson, à cet angle même de rue où, aujourd’hui encore, un inconnu abandonne chaque soir son Hummer rose. À dire vrai, tout commença même dans l’étroit passage subsistant entre ledit Hummer, garé en partie sur le trottoir, et le mur du café Au Bon Rillon ouvert depuis assez peu de temps, un an peut-être, tout au plus.
Boris, qui arborait de somptueuses moustaches lui descendant jusqu’au bas du menton, lança un coup d’œil en direction du chien et de son maître, figé sur place. Et il se tut pour mieux observer. Son collègue, Génia, lui aussi tourna la tête.
– Il a repéré quelque chose, on dirait! s’exclama Génia.
– Merde! soupira Boris en hochant tristement la tête. Une mallette comme ça, et on pourrait se tourner les pouces jusqu’à la fin de nos jours!
Ils jetèrent chacun leur mégot par terre, et l’écrasèrent sous leurs grosses bottines noires, conformément aux règles de sécurité anti-incendie. Puis ils s’approchèrent de Dima.
– Alors quoi? demanda Boria, le moustachu, au maître chien. Tu vas encore refiler la prise à tes connards de chefs, pour qu’ils puissent changer leur BMW contre une Lexus?
» 

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