mercredi 19 septembre 2018

La baleine Thébaïde ★★★★★ de Pierre Raufast


« Parle-t-on vraiment de baleines ou de la solitude des hommes ? » 

Épatant, Pierre Raufast ! 

Après "La fractale des raviolis" et " La Variante Chilienne", me voici une nouvelle fois conquise par la plume et les talents de Pierre Raufast. 

Un roman gigogne tout aussi réjouissant que les deux premiers. Pierre Raufast raconte merveilleusement bien les histoires, il surprend, il instruit, il fait voyager, il questionne, il perd le lecteur parfois mais pas bien longtemps, car je vous l'ai déjà dit, il raconte merveilleusement bien les histoires ! 

Ici, l'intrigue est une nouvelle fois rondement bien menée, et la solitude, thème de ce roman (davantage que celui des baleines ;-)) bien incarnée par Richeville, le personnage central de ce roman,  jeune homme tout juste diplômé. Un grand solitaire avec qui nous embarquons pour une mission scientifique à la rencontre d'une étrange baleine, esseulée elle aussi. Cette mission prendra une toute autre tournure que celle espérée par Richeville. Arrivera-t-il à trouver sa place dans un monde qui semble être bien éloigné du sien ? 
« Résigné ou désillusionné, il considère le monde comme un état de fait inerte, massif et corrompu par l’argent. N’est-ce point là le mal du siècle ? » 
D'autres personnages font partie de ce roman, de nombreuses histoires (de hacker, de savant fou, d'une start-up de baleines, de sculpteur de Vierges Marie, de sauveur de crabes...), et anecdotes scientifiques (comme le geste salutaire de Paul Berg), s'entremêlent et rendent ce roman extrêmement riche
J'ai beaucoup aimé les clins d’œil sur ces deux premiers romans (les rats-taupes, la femme empoisonnée, le capateros, les cailloux...) .
Quel talent ! 

Merci Mr Pierre Raufast, et vous lecteurs, si vous n'avez pas encore eu la chance de découvrir ses écrits, n'hésitez pas une seconde, laissez vous tenter, vous ne serez pas déçus ! 

Ô mères, coupables absentes, 
Qu'alors vous leur paraissez loin ! 
À ces créatures naissantes
Il manque un indicible soin ;

On leur a donné les chemises, 
Les couvertures qu'il faut : 
D'autres que vous les leur ont mises, 
Elles ne leur tiennent pas chaud. 

Mais, tout ingrates que vous êtes, 
Il ne peuvent vous oublier, 
Et cachent leurs petites têtes, 
En sanglotant, sous l'oreiller. 

Première solitude, René François Sully Prudhomme


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« Cette année-là, moi, Richeville, je décrochais le diplôme de l’ ESSEC……J’obtins le diplôme au bout de trois longues années. Dans ma promotion, un tiers voulait devenir banquier par amour de l’argent. Un autre tiers visait l’ ENA pour la puissance. Le dernier tiers se rêvait consultant dans l’un des big four pour devenir riche et puissant. Je faisais partie du quatrième tiers, le tiers honteux : celui qui n’avait aucune ambition. Le renégat du commerce, l’apostat du management. Autant vous dire que j’étais aussi populaire qu’une reine Bothrimyrmex chez les fourmis Tapinoma.
Cette homme de Dieu avait de la suite dans les idées. Il se disait que le bois durerait plus longtemps que ces putains, que les gens oublieraient, que les statues resteraient là un siècle encore. Qu'à cheval donné, on ne regarde pas les dents. Et donc qu'à vierge donné, on ne regarde par le cul.
La liberté, ça m'angoisse. J'aimerais ne pas avoir le choix, suivre le mouvement.Son beau-père sourit en lui-même. De génération en génération, les mêmes états d'âmes se reproduisent. Quelle grotesque farce , la vie des hommes.
Avec des toutous propres, plus de sortie, plus de liberté conditionnelle : uniquement un monde où les couples fatigués se regardent en chien de faïence toute la sainte journée dans leur deux pièces minable d’une HLM tout aussi minable.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, dans l'économie moderne corrompue.
La rage des impuissants est la pire : elle annonce de grandes conneries.
La mauvaise conscience est le pire ami de la solitude.
Par exemple, il mit au point un moustique génétiquement modifié qui transmettait des vaccins plutôt que des maladies… Malheureusement, le lobbying des géants pharmaceutiques tua dans l’œuf cette brillante idée. 
Le vendredi 26 août de l’an dernier, la diva hollywoodienne Eva S. et le sénateur républicain Saul B. eurent une relation sexuelle épicée dans la piscine d’une superbe villa de Santa Barbara en Californie. Cet ébat aquatique, à dix mille kilomètres de chez moi et dont les protagonistes m’étaient totalement inconnus, dévasta ma vie.
L'uchronie est un genre très contesté parmi les historiens. Il y a trop de futurs possibles dans le conditionnel passé première forme.
Ils se regardent en silence. Il est trop tôt pour un premier baiser. Ne pas gâcher cette folle espérance. Jouir de cette attente, profiter de ces instants de grâce où le cœur et la tête ne sont pas encore d'accord. Laisser le temps les envelopper délicatement et tisser leur histoire à la façon d'un cocon de soie. »

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Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher de soleil, tristement je m'assieds;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
[...]
Mais à ces doux tableaux mon âme différente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante :
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

L'isolement, Alphonse de Lamartine

Quatrième de couverture 

Fraîchement diplômé, Richeville, jeune homme timide et idéaliste embarque au nord de l’Alaska, sur un bateau. Objectif : retrouver la fameuse « baleine 52 », qui chante à une fréquence unique au monde. Mais l’équipage affrété par le sinistre Samaritano Institute a d’autres desseins.
Au menu : l’inquiétant Dr Alvarez, un hacker moscovite, une start-up californienne, une jolie libraire et des cétacés solitaires, mutants ou électroniques qui entraînent Richeville dans un tourbillon d’aventures extraordinaires.

Mêlant science, fantaisie et tendresse, PIERRE RAUFAST démontre avec brio dans ce troisième roman sa capacité inépuisable d'imagination et son talent jubilatoire.


À propos du livre par Alma éditeur


Pierre Raufast, le roi de l’ingénierie littéraire, poursuit dans son troisième roman sa veine épique. Mêlant la science et la fantaisie, le roman d’éducation et d’aventures, il démontre avec brio sa capacité inépuisable d’imagination et son talent jubilatoire. Nous sommes ici en présence d’un délire imaginatif qui n’a d’égal qu’une arborescence narrative travaillée au nanomètre près. De sorte que, ahuri, le lecteur ne voit pas qu’il a affaire à un véritable programmeur.


Éditions Alma EDITEUR, janvier 2017  

216 pages

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