Éditions Zulma, août 2016
535 pages
Prix Femina 2016
Les mots des Éditions Zulma
Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin – d’instinct.
Alors commence la rencontre avec les hommes : les habitants d’un hameau perdu, Brabek l’ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l’amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, à la fois sœur, amante, mère. « C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l’effroyable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l’on nomme la civilisation.
Itinéraire d’une âme neuve qui s’éveille à la conscience au gré du hasard et de quelques nécessités, ponctué des petits et grands soubresauts de l’Histoire, le Garçon est à sa façon singulière, radicale, drôle, grave, l’immense roman de l’épreuve du monde.
Mon avis ★★★★★♥
Dernière page ... et l'aventure s'arrête là. Elle fût inouïe, merveilleuse, envoûtante, éprouvante pour le coeur parfois, éblouissante. Gustave, Emma, le Garçon (Félix, Mazeppa ...), vous allez me manquer. Vos actes, vos pensées, vos paroles (celles du coeur pour toi Félix), vos peurs, vos doutes, vos espoirs, votre amour m'ont emportée loin très loin, ils m'ont accompagnée ces quelques derniers jours, mais je dois vous avouer que vous les avez rendus tendus ... parce que j'ai été à l'affût de chaque instant, chaque moment que je pourrais partager avec vous.
Il est de ces récits qui vous transcendent, vous accompagnent, vous font sentir bien vivant, vous émeuvent, vous transpercent au plus profond de votre âme ... Le Garçon a été pour moi de ceux-là.
Le Garçon, Félix (quel beau prénom que celui-là), mais quel étrange personnage êtes-vous, quelle vie avez-vous eu sous la plume talentueuse de Marcus Malte, quel parcours, que de rencontres belles souvent, parfois dures, qui vous ont fait grandir, devenir un homme. Le démarrage de cette vie vous avait déjà bien préparé, endurci, à affronter les chemins houleux que la vie parfois réserve. Et puis Emma, la douce et belle Emma vous a percuté, révélé, attendri ... tant aimé ! J'ai aimé vos moments partagés, d'abandon extrême, vos corps à corps torrides, vos unions réjouissantes, vos espoirs, l'attention d'Emma, ses mots, ses réflexions, ses soins, vos lectures, votre "sexique". J'ai combattu à vos côtés Félix, je vous ai soutenu, j'ai anticipé, compris tous vos faits et gestes, j'ai été révolté, en colère comme vous quand la vie se nouait, les coups, les injustices, nombreux, les gens bien trop amers, violents, dénués de sentiments, de chaleur.
J'ai voyagé à vos côtés, du Sud de la France, au Paris animé du début du siècle dernier, de l'Italie aux saveurs enivrantes et euphorisantes aux tranchées sanglantes de Verdun, sur les routes américaines contées par Barbek, de Sade au Kama Sutra, en roulotte, à pied, sur un tapis douillet, à la lueur de bougies, des écrits de Maupassant à ceux de Victor Hugo, de notre belle Normandie à Cayenne, des mélodies de Liszt à celles de Mendelssohn pour finir au sommet du massif Andin.
Quel immense parcours, quel immense roman d'apprentissage, de l'épreuve du monde, de la vie qui s'écoule et qui laisse ses empreintes indélébiles, qui nous fait perdre insouciance et naïveté. Charge à nous d'en saisir les moments magiques, doux, revigorants, apaisants.
«Tout homme laisse un jour derrière lui son enfance. [...] il aspirera à la solitude qui est au final la seule certitude et l'unique vérité sur lesquelles l'homme peut se reposer.»
L'ouverture est magnifique, touchante, dès les premières pages, ce roman saisit, emporte ... frissons, émotions sont au rendez-vous et ne nous lâchent pas au fil des pages.
Le Garçon se métamorphose sous nos yeux, tant physiquement que mentalement, de son «temps de mue» à sa prise de conscience des choses réelles de la vie, de la mort, de l'existence et de sa constitution : «nombre de ravages et quelques ravissements».
Les ravissement dans les bras d'Emma, au contact de belles personnes telle que l'Ogre de Barbek des Carpates dont l'enseignement sera riche de conseils «C'est avec la tête que l'on gagne les combats.» «L'honneur, fiston, c'est comme des bretelles : aucun homme n'a envie de les perdre et de se retrouver le pantalon aux chevilles.»
Les ravages sont nombreux, désolants, cruels, impitoyables, surtout quand la guerre, aussi absurde soit-elle passe par là, engendrant atrocités et traumatismes.
La guerre, la première guerre mondiale qui va éloigner d'Emma, le Garçon. Elle lui écrira des lettres magnifiques, une chaque jour, qui, pour nous lecteur, seront une coupure bien agréable dans cet épisode guerrier. Emma (évidemment ;-)), dont l'amour est sa patrie l'art son seul royaume, a un caractère bien trempé, elle couchera sur papier son manque, sa passion, son amour, et ses colères aussi.
«Les rois. Les empereurs. Comment cela peut-il encore exister de nos jours ? Les «Sires», les «Majesté», les «Monseigneur». Comment peut-on encore l'accepter ? Comment peut-on nous faire avaler cette énorme couleuvre ? [...] Fichtre ! Et ceci pour les siècles des siècles. Parce que la supercherie perdure. C'est congénital, cette histoire.[...] Pouvoir héréditaire. Fortune héréditaire. Privilèges héréditaires. Surtout que ça ne sorte pas de leur précieux giron ! Et nous, simples sujets, on gobe ça ? [...] pire, on en redemande. On s'incline, on s'agenouille, on révère , on baise les luxueuses bottines qui nous piétinent. [...] N'avait-on pas parlé d'une révolution ? Pour le moins, d'un affranchissement ? N'avait-on pas pas clamé l'avènement d'un peuple souverain, maître de son propre destin ? [...] On a tranché quelques têtes mais il y a tellement de branches, tellement de racines. L'hydre est increvable ! Regarde: les neuf dixièmes du globe sont toujours sous sa coupe. Rois, tsars. Despotes et potiches. [...] Et la France ? tu me diras. Notre beau pays. Notre république exemplaire. Ah oui ? Quelle différence ? Parce qu'on élit nos chefs ? Faux. Pas moi. Pas les femmes. [...] Aucune de celles qui donnent la vie. ...Et quand bien même. Voter pour qui ? Députés, sénateurs, ministres : une minable clique d'affairistes seulement occupés à leurs petits micmacs comptables. Des humanistes ? Des démocrates ? Allons donc !»
La lecture est aisée, l'écriture belle et envoûtante, ravissante, Marcus Malte manie magnifiquement la langue de Molière, réalise des portraits à couper le souffle, dénonce, ironise, nous peint l'être humain avec une grande précision, sous toutes ses facettes : crédule, servile, bon comme mauvais, naïf comme arrogant, tolérant ou intransigeant, profiteur, corrompu...passionné. Le ton est vif, sincère, humoristique, cinglant aussi.
Marcus Malte ébranle notre âme, il nous livre un réjouissant hymne à la vie, à l'amour, à la passion, à l'absence aussi.
«Le Garçon ne peut savoir objectivement ce qu'il vient de perdre. Ce qui ne l'empêche pas d'en éprouver l'absence jusque dans le moindre atome de son être.»
«De la femme on ne distingue rien d'autre que la tache pâle du visage. Une antique page de parchemin où sont inscrites les souffrances et les misères de son existence.
Mais déjà un autre été s'installe et sans dote tiendra-t-il ses promesses. Car l'univers n'a cure de nos maux. Ni nos peines ni nos tourments n'arrêteront le temps. Et si la nature se recueille, plus florissante encore, sur les tombes de nos morts, c'est qu'il n'est pas de plus fertile terreau que celui des larmes versées et des chairs pourrissantes.
Point de réticence. Point de restriction. De concert ils apprennent et apprennent vite. Chercheurs résolus, cobayes volontaires. Maître et discipline tour à tour. Compagnons de fortune. Ils s'instruisent mutuellement et quelle joie ils ont à combler leurs lacunes et leurs trous. C'est de la bonne matière qu'ils creusent, qu'ils façonnent, de la glaise souple et malléable, élastique à souhait. Ils font, défont, refont. Forts d'une curiosité sans bornes et de cette faim de loup, qui est aussi gourmandise, qui est aussi gloutonnerie, et qui semble insatiable. Et c'est là que quelques-uns, toujours les mêmes, pharisiens et pisse-froid, ne pourront s'empêcher de demander d'une voix aigrelette si cette quête n'est pas sans fin, vouée à une éternelle insatisfaction, un échec pour les siècles des siècles, du type Sisyphe et consorts, à qui et à quoi l'on objectera et alors ? tant pis, tant mieux, auraient-ils , foutredieu, quelque chose de plus exaltant à proposer que cette recherche éperdue de la jouissance pour remplir le vide insondable de leur misérable existence ? Si tel est le cas, qu'ils le fassent savoir. Car s'il s'agit seulement de se préparer à mourir on ne peut croire que ce soit une entreprise sérieuse.
Salut, grosse Putain, dont les larges gargouilles
Ont fait éjaculer trois générations,
Et dont la vieille main tripota plus de couilles
Qu'il n'est d'étoiles d'or aux constellations !
Signé Monsieur Guy de Maupassant, dans un poème sobrement intitulé «69».
Son con est sans secret, sa vulve est sans mystère,
Mais j'ai pris cette nuit, en un moment son cul.Elle était endormie, aussi j'ai dû me taire,Celle à qui je l'ai fait n'en a jamais rien su.
Qui donc ?L'incontournable, l'indispensable, l'incomparable père des Misérables, le maître du Parnasse en personne : Victor Hugo.
[...] sous le sergent il y a le caporal-chef, sous le caporal-chef il y a le caporal, sous le caporal il y a le soldat, sous le soldat il y a le vide. Un espace de quelques centimètres, vingt, trente, entre ses semelles et le plancher. Un tabouret de traite renversé. Une petite flaque brune, sèche. Le bois a bu. C'est un légionnaire...pendu...
«Je voudrais pourtant le voir grandir, le vrai démocrate, celui qui vivrait avec six mille francs, qui serait vêtu comme un commis, et qui prendrait l'omnibus. Qui promènerait son veston râpé des Postes au Commerce, de l'Institution publique aux Finances, portant sa probité sur lui. Je le vois donnant cinquante mille francs de son traitement ministériel aux pauvres, ignorant les autos, les actrices et les petits soupers; redouté de ses collègues: célèbre et aimé partout. Plus tard président, vêtu comme vous et moi, et recevant les rois sans cérémonie. Voilà un programme qui devrait plaire à un vrai ambitieux. La richesse serait remise à son rang; et ce serait déjà presque toute la justice.»Alain
In God We Trust sur chaque pièce et sur chaque billet. Estampille officielle. Parole d'évangile. La seule et unique religion de l'Amérique.
N'est-ce pas le propre de l'amour que d'éblouir et d'émerveiller ? De rendre divin ce qui ne serait qu'humain ?
Rien ne pèse à qui partage.
On ne refait pas sa vie. C'est la vie qui nous refait.
Aimons, foutons, ce sont plaisirsÀ lire, l'apologie du vin, page 187 !!
Qu'il ne faut pas que l'on sépare;
La jouissance et les désirs
Sont ce que l'âme a de plus rare.
D'un vit, d'un con et de deux cœurs
Naît un accord plein de douceur,
Que les dévots blâment sans cause.
Amarillis, pensez-y bien :
Aimer sans foutre est peu de chose,
Foutre sans aimer ce n'est rien.
Poème licencieux de La Fontaine»
Romances sans Paroles, Mendelssohn
An extract from Mélodie Zhao's 12 Transcendental Studies Recital
at the Victoria Hall Geneva, Switzerland, 12th October 2011,
celebrating Franz Liszt's 200th birthday.
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