vendredi 26 octobre 2018

Méjico ★★★★☆ de Antonio Ortuño


Moi je suis mexicain

Et j'en fais mon orgueil
Depuis que je suis né
Je méprise la vie 
Aussi bien que la mort


Un thriller historique truculent, difficile à lâcher une fois entamé. L'auteur nous embarque dans deux histoires, celles de deux générations emprises avec l'Histoire. 
On suit d'un côté, en terre d'accueil mexicaine, à Veracruz, 1946, la fuite de Yago et Maria, Yago qui s'était résigné à tout. À la guerre, au camp de concentration, à la mitraille qui avait défoncé sa jambe, à la France, au navire, à la république dominicaine, exilés espagnols, réfugiés de la guerre civile espagnole et le nazisme
...le mois de février 1940 étant déjà bien avancé, avec la France en guerre et les ports transformés en bains de sang d'hommes et de femmes de toute la planète, avec de très bonnes raisons de fuir les Nazis et la vague de collaborateurs qui les accompagnaient, ils embarquèrent.
De l'autre, Omar, petit-fils de Yago et Maria, à Guadalajara, 1997, sous le joug de la mafia mexicaine, qui traversera l'Atlantique dans l'autre sens, pour fuir en Espagne. Haine et vengeance seront au coeur de sa fuite.

D'autres personnages, hauts en couleur, rentrent dans cette danse violente et macabre,  des personnages entre qui s'était développée une haine née de rivalités et poursuivie au fil des batailles et des exils, jusqu'à ce que le sang coule.

Un récit déstructuré, Antonio Ortuño nous trimbale d'une histoire à l'autre, avec ardeur, vivacité, violence et humanité. Un cocktail détonant qui fonctionne très bien.  
Je remercie vivement Babelio et les éditions Christian Bourgois. L'Histoire du Mexique est passionnante et riche; quand la plume est à la hauteur de cette Histoire, il est difficile de ne pas apprécier. Découvrir un auteur, aimer le sujet, aimer sa plume, c'est donc un joli cadeau que je suis ravie de vous faire partager ;-)

Spanish bombs
Rock the province
I'm hearing music
From another time
Extrait de "Spanish Bombs", chanson du groupe The Clash (1979)

« Être Mexicain sans l'être tout à fait et, bien entendu, vivre avec ce reproche, était le curieux destin des enfants d'immigrés dans le pays. México, champion du monde dans la production d'exilés, était en même temps le foyer d'une lourde incapacité à comprendre la condition de fils d'immigrés: pour n'importe quel Mexicain, toute personne qui n'adopte pas les plats typiques et se montre indifférente aux passions et aux phobies locales (engouement pour une certaine musique plus ou moins horripilante, haine de certains pays plus ou moins antipathiques, quand bien même la famille de la victime en serait originaire) devenait irrémédiablement un flippé, un imposteur, un enculé.
Sans arrogance aucune, tout humble, telle que Dieu l'avait créée, l'identité mexicaine ne s'offrait pas comme la garantie d'une civilisation - comme la culture française -, c'était à peine une marque au tison que tous les bœufs de la République devaient porter gravée sur leur dos, qu'ils le veuillent ou non. Mexicains au cri de guerre, et si les descendants d’étrangers ne veulent pas s'exécuter, qu'ils la ferment. Après tout, un étranger n'était qu'un Mexicain qui s'ignorait.
Ce fut raté. Le sel des années avait blindé la peau du voisin et celui-ci ne sortit jamais du droit chemin. Sa famille fut soulagée lorsque la mère de Concho dut vendre sa maison pour aller vivre avec son fils dans un taudis loué au pied de la colline, imprégné d'une odeur de chèvre et de crotte qui n'était autre que celui de l'échec.
L'intelligence de la police n'était pas à la hauteur d'une série télévisée.
Il se promènerait sur la colline, s'assiérait dans les bars où sa mère avait posé les fesses pendant des années et défierait les hommes qui avaient financé la vie adulte de cette femme à coups d'orgasmes. Là, installé à la lisière du lieu où sa haine prenait source, il déciderait de la méthode avec laquelle il exterminerait ses ennemis. Cela ressemblait à un plan. »

Quatrième de couverture

« À Méjico, un coup de feu était une fleur dans un jardin ou la pluie sur le visage, un phénomène qui n'intéressait personne, sauf ceux qui pouvaient en profiter. »

Omar, garçon sans ambition, se laisse entraîner dans une liaison avec Catalina, sa cousine éloignée, brocanteuse de son état. Plusieurs individus menaçants vont bientôt faire exploser sa placide existence, la seule solution sera la fuite. Dans ce roman plein de sang, de violence et d'amour fou, les personnages trouvent leur dignité dans leurs liens avec un noble passé, enraciné de l'autre côté de l'océan Atlantique : les sombres heures de la Guerre Civile espagnole, où éclatent des rivalités intimes.

Antonio Ortuño propose un récit truculent, brutal et subtil comme un verre de tequila.

Éditions Christian Bourgois, septembre 2018
255 pages

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