mardi 18 mai 2021

La Sainte Touche ★★★☆☆ de Djamel Cherigui

La Sainte Touche est une sainte peu catholique, mais fort aimable et vénérée au plus haut point puisque le jour de la Sainte Touche, on touche ses allocations. Et quand le tiroir caisse s'active, cela fait le bonheur d'Alain Basile, puisque cette rentrée d'oseille lui permet de récolter les loyers de ses locataires du dessus de son épicerie. Alain, c'est le Saint-Patron qui domine la Sainte Touche et ses locataires dans la précarité dont il abuse quelque peu. Alain, son grand rêve, c'est de devenir millionnaire, de rendre sa femme fière de lui. Pour cela, il choisit les chemins de traverse, ceux boueux, audacieux mais risqués, ceux du pari et non ceux de la sagesse, enivrés et enivrants. 
Pour le meilleur et pour le pire, un jeune étudiant fainéant, "l'artiste", croise la route de ce "business man" atypique. Ce jeune s'est barré de chez lui - son daron n'a pas accepté qu'il puisse penser à arrêter l'école pour devenir écrivain. Vivre à la rue, en errance n'est pas donné à tout le monde, et vouloir voler de ses propres ailes, découvrir le monde, c'est aussi prendre le risque de récolter « un fond de poubelle pour bouffer et un bout de trottoir pour pioncer ».  
Le langage est argotique, cru, brut, sans fioritures, savoureux et enthousiasmant ! D'un verbe de ouf ! 
La Sainte Touche, c'est roman social cocasse et je rejoins totalement François Busnel, ça fait franchement du bien ! Je l'ai trouvé également extrêmement touchant sous ses airs légers et drôles, sans véritable intrigue apparente, il donne à réfléchir sur la condition des jeunes en déroute. À lire et encore plus à écouter je pense !

Un très bon moment de lecture jubilatoire que je dois @luparahlam sur Babelio et @AhlamALu sur Insta. Merci Ahlam ! Son retour de lecture est superbe et très enthousiaste ! Et sa page Insta est une tuerie !

« L'argent qu'on possède est l'instrument de la liberté ; celui qu'on pourchasse est celui de la servitude. » Jean-Jacques Rousseau

« Tout corps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouver, à moins que quelque force n'agisse sur lui, et le contraigne à changer d'état. » Isaac Newton

« La vie bohème, c'est pas comme dans les comédies musicales. Y'a rien de romantique là-dedans. Tout le temps que j'ai zoné dans la rue, j'ai vu ni peintre ni poète. Pas d'ateliers d'artiste avec des lilas jusque sous les fenêtres. Que des caves humides et des bouches de métro. Des squats délabrés. Clochards, toxicos, et punks à chiens. Gueules tordues et regards glacés. Des mecs qui t'écorcheraient vif pour un bifton de cinq balles. Rien de ce que j'avais imaginé. Putain de désillusion. »

« Ici y'a qu'un moyen de s'en sortir … C'est en charbonnant ! Oui, l'artiste ! Le charbon, le taf, le boulot, le job, le turbin ! … Appelle ça comme tu voudras, le fait est qu'ici, on n'a rien sans rien… Et plus tôt il l'apprendra et mieux ce sera. Moi, j'te l'dis, j'lui sauve la vie au bledien. C'est de l'aide à l'insertion, v'là ce que j'fais, moi ! L'État devrait me filer une médaille pour ça... Hein, l'artiste ? Qu'est-ce que t'en penses ? T'es pas d'accord ?
Vu comme ça, il n'avait pas tout à fait tort. »

« Le colosse se dégage facilement. Il fait un pas en arrière, prend son élan... et paf !!! ... Il me colle une grosse beigne en plein pif. Un filet de sang jaillit de ma truffe, j'aperçois des petites étoiles qui dansent autour de moi. Ca aurait pu lui suffire, au mec (enfin, moi j'trouvais) mais non ! Le v'là qui m'bloque dans un coin du couloir. Il s'acharne sur ma tronche : Jabs ! Crochets ! Uppercuts ! Y s'fait plaisir le mec ! Il prend tout son temps, il me lamine, me martèle. C'est un pilonnage intensif, c'est la Marne et la Vendée sur ma gueule. Ses mains sont des battoirs, ses avant-bras, des marteaux-piqueurs. Il m'estropie la trogne, me vandalise la poire. C'est de la démolition ! Du gros œuvre ! Y m'travaille un peu avec les coudes...»

« L'esprit, c'est comme la nature, il a horreur du vide. »

Quatrième de couverture

Des mecs comme Alain Basile, vous n’en croiserez pas tous les jours et pas à tous les coins de rue.
C’est dans son épicerie, La Belle Saison, que j’ai fait sa connaissance. Mon père venait de me mettre à la porte et je vagabondais dans les rues en rêvant d’une vie de bohème. Alain, lui, il en avait rien à faire de la bohème et des lilas sous les fenêtres, sa seule ambition était de devenir millionnaire. Pour réussir, il était prêt à tout et avait besoin d’un associé. C’est tombé sur moi. Mais accuser Alain Basile d’avoir chamboulé mon existence reviendrait à reprocher au Vésuve d’avoir carbonisé Pompéi. Sans lui, je n’écrirais pas aujourd’hui.

Si La Sainte Touche raconte les aventures d’un duo improbable avec humour, c’est aussi un pur joyau littéraire, aussi cynique que romantique. Un roman dans la veine de Karoo de Steve Tesich, de la série Breaking Bad et du film Dikkenek.

Éditions JC Lattès, label La Grenade, mars 2021
222 pages

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