dimanche 31 mai 2020

Le Secret de Tristan Sadler ★★★☆☆ de John Boyne

John Boyne est un auteur irlandais, plus connu pour ses romans jeunesse et notamment Le garçon en pyjama rayé qui a obtenu un grand succès.
Le Secret de Tristan Sadler raconte le destin d'un homme qui a combattu pour sa patrie dans les tranchées et qui revient de cette drôle guerre, avec sur les épaules le poids d'un lourd secret qui le ronge. 
Un secret que l'on devine rapidement, laissant de côté l'effet de surprise auquel le titre et la quatrième de couverture nous préparaient. 
Ce livre est l'occasion de revivre, même si ce n'est pas le coeur de l'histoire, la duré réalité de la vie quotidienne des tranchées, où les soldats deviennent très vite des fantômes dans un no man's land sans pitié et les objecteurs de conscience ou réfractaires mis au rebut.
Plusieurs thèmes sont abordés comme l'homosexualité, l'acceptation de soi, la lâcheté, la honte, le rejet, l'inhumanité de la guerre, pour laquelle les hommes s'entraînent à se persuader que le type en face n'est qu'un morceau de barbaque à désosser, une boucherie. 
Écriture fluide, un roman qui se lit d'une traite.

« Pourquoi étais-je venu ici ? me demandai-je. Qu'est-ce que j'espérais ? Si c'était le salut que je recherchais, il n'y en avait aucun pour moi. Si c'était de la compréhension, il n'y avait personne pour m'en offrir. Si c'était le pardon , je ne le méritais pas. »

« Le pub et la chapelle : tels sont mes deux endroits, antinomiques, d'oisiveté. L'un, social et grouillant de vie, l'autre paisible et funèbre. Mais il y a quelque chose d'apaisant pour l'esprit à se reposer sur le banc d'une belle église ; à s'imprégner de son atmosphère froide, odorante de siècles d'encens et de cierges brûlés ; à observer ces voûtes si élevées qui vous font sentir minuscule face au vaste plan de l'univers, aux oeuvres d'art, aux frises, aux autels de bois sculpté, aux statues dont les bras se tendent comme embrasser celui qui les observe ; et à savourer le moment inattendu où, venu d'en haut, le chant soudain d'une chorale répétant ses matines vous élève l'âme, la libérant du désespoir qui l'avait entravée, et qui vous avait amené à pénétrer en ce lieu. »

« - Tu n'aimes pas la guerre, c'est ça ?
- Personne ne devrait l'aimer, Sadler, me répond Wolf. Je ne peux pas croire que quiconque puisse vraiment aimer la guerre, à l'exception, peut-être, du sergent Clayton. Lui, il semble s'en délecter. Non, je pense tout simplement qu'il n'est pas juste d'ôter la vie à autrui de sang-froid. [...] qu'est-ce-que j'ai contre un pauvre gamin allemand qu'on a traîné loin de Berlin, de Francfort ou de Düsseldorf pour qu'il se batte au nom de sa patrie ? Qu'est-ce qu'il a, lui, contre moi ? C'est vrai, il y a des problèmes en jeu, des problèmes politiques, territoriaux, qui ont causé cette guerre, et il y a de bonnes raisons de se plaindre, je vous l'accorde. Mais il y a aussi un art qui s'appelle la diplomatie, un concept qui implique que des individus sensés s'installent autour d'une table pour tenter d'y résoudre les problèmes. Je ne pense pas que toutes ces voies aient été encore explorées. Au lieu de quoi, on ne fait que s'entre-tuer jour après jour. »

« À Aldershot, on ne nous apprenait pas à nous battre, on nous apprenait à rester en vie le plus longtemps possible. »

« Par bonheur la pluie a cessé de tomber. Les parois des tranchées tiennent bien, et se solidifient à nouveau ; les sacs de sable sont empilés, souillés de boue, là où nous les avons entassés la veille. Je suis de faction dans vingt minutes et, si je me dépêche, j'arriverai à la cantine à temps pour avaler un thé et un peu de corned-beef avant de reprendre mon poste. En chemin, je croise Shields, qui est dans un sale état. Il a l'oeil droit au beurre noir, et une traînée de sang séché court le long de sa tempe. Elle ressemble au cours de la Tamise : du côté de son sourcil, elle fait une boucle vers le sud, en direction de Greenwich Pier, puis elle remonte vers le nord, au niveau du front, pour filer vers le pont de Londres, avant de s'enfoncer dans les profondeurs de Blackfriars, parmi la broussaille de sa chevelure pouilleuse. Je ne fais aucun commentaire ; il n'y en a pas un seul qui ait un aspect normal ces temps-ci. »

« [...] tu es un réfractaire... Et je suis sûr que tu penses que n'importe quoi peut se justifier, à condition de trouver un terme respectable pour le définir. Mais c'est faux ! »

Quatrième de couverture

Tristan Sadler, vingt-et-un an, a survécu à l'enfer de la Première Guerre mondiale, mais son âme est restée en France, dans les tranchées. Auprès de Will, son compagnon d'arme qui n'est jamais revenu.
De retour en Angleterre, Tristan rapporte à Marian les lettres que celle-ci adressait à Will. Mais aura-t-il le courage de lui dire que son frère, malgré les apparences, n'était pas un lâche? Cela l'obligerait à dévoiler son secret...
Les champs de bataille et l'absurdité des combats ne sont que le décor de ce roman, où se déploient l'amitié, l'amour, la cruauté, la trahison, le remords...Traduit dans vingt langues, Le secret de Tristan Sadler a été unanimement salué par la critique.

Né en 1971, John Boyne est irlandais. Il est entre autres l'auteur du Garçon en pyjama rayé (Gallimard jeunesse 2006) et de La Maison Ipatiev (L'Archipel, 2012).

Éditions l'Archipel , avril 2015
328 pages
Traduit de l'anglais (Irlande) par Cathie Fidler

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