mardi 5 mai 2020

L'enfant et l'oiseau ★★★☆☆ de Durian Sukegawa

Tout comme avec Les Délices de Tokyo, j'ai passé un joli moment de lecture avec L'enfant et l'oiseau. 
Il était une fois un corbeau, Johnson, nouvellement né, qui, pendant une terrible tempête, tomba de son nid. Ritsuko, une maman attentionnée et aimante le trouva et le ramena à son jeune garçon Yôishi. 
Une rencontre inattendue qui bouleversera la vie de ces trois personnages. Dans leur résidence, il est interdit d'avoir un animal sauvage. Les corbeaux sont d'ailleurs dans le viseur des administrateurs de la ville. Au Japon, ces roucoulants volatiles sont des nuisibles, que l'on cherche à éradiquer, à l'instar des pigeons en France. 
Il était une fois un conte initiatique divinement beau, divinement cruel. 
Une leçon de vie belle et féroce à la fois qui montre à quel point les préjugés sont des couperets qui débitent les vies en tranches. Glaçant de vérité.   
Une plume très épurée, encore davantage que dans Les Délices de Tokyo.  
Un opus qui titille les émotions et donne à réfléchir. 
Pourquoi, dans notre société, est-il plus simple de cultiver la haine plutôt que nos différences ? Des différences bien trop montrées du doigt, synonymes de dangers, de faiblesses. La simplicité, la délicatesse de la plume sont trompeuses, L'enfant et l'oiseau n'est pas un récit joyeux. Il s'y cache beaucoup de violences. 
Je lirai à l'occasion Le rêve de Ryôsuke, son 2ème opus.

« Les aiguilles du cèdre frissonnaient à l'unisson.Ondoyaient avec souplesse.(vent)Les branches craquaient. Derrière le feuillage dansaient des nuages joufflus.Une transparence se mouvait dans un souffle.Elle bougeait, et faisait tout trembler.
Leur force, ils n'en faisaient étalage que pour lui taper dessus ; quand on avait besoin d'eux, il n'y avait plus personne. Pour Ritsuko, c'était ça, les hommes.
Les corbeaux s'expriment par images. Et ils en reçoivent. Les yeux de Johnson s'étaient dessillés. Il voyait la tour sous un jour nouveau.Il émanait d'elle, à tous les étages, quelque chose d'incompatible avec le ciel, les nuages et les rayons du soleil. Il en jaillissait, dans un cri terrifiant, une soif de pouvoir, de destruction et de puissance.Dans le coeur de Johnson brûlait d'une flamme robuste un sentiment.La haine. »

Quatrième de couverture

    Johnson, tombé du nid, est le seul survivant de sa fratrie. À bout de forces, le jeune corbeau est recueilli par Ritsuko, femme de ménage et mère célibataire, qui décide de le ramener chez elle au mépris de l’interdiction d’héberger des animaux dans son immeuble. Bien lui en prend, car son fils adolescent, Yôichi, se passionne pour l’oiseau qu’il entoure de mille soins. Un jour, le gardien fait irruption chez eux et Johnson, que Yôichi avait caché sur le balcon, s’envole. C’est le début pour lui d’une longue errance. Il sait qu’il ne peut retourner auprès de son ami et cherche à survivre dans une ville hostile. Une rencontre va lui sauver la vie…

Après Les Délices de Tokyo et Le Rêve de Ryôsuke, Durian Sukegawa nous livre ici une ode à l'amour et à la différence, tout en poésie et en délicatesse, dont on ressort bouleversé.

Éditions Albin Michel, avril 2019 
247 pages
Traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako 

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