samedi 5 novembre 2016

Délivrance de James Dickey*****


Éditions Gallmeister, juin 2013
275 pages
Traduit de l'américain par Jacques Mailhos
Nature Writing
Prix Médicis Étranger
Parution originale Deliverance, 1970

Quatrième de couverture


Avant que la rivière reliant la petite ville d'Oree à celle d'Aintry ne disparaisse sous un immense lac artificiel, quatre trentenaires décident de s'offrir une virée en canoë pour tromper l'ennui de leur vie citadine. Gagnés par l'enthousiasme du charismatique Lewis, et bien que peu expérimentés, Bobby, Ed et Drew se laissent emporter au gré du courant et des rapides, au cœur des paysages somptueux de Géorgie. Mais la nature sauvage est un cadre où la bestialité des hommes se réveille. Une mauvaise rencontre et l'expédition se transforme en cauchemar : les quatre amis comprennent vite qu'ils ont pénétré dans un monde où les lois n'ont pas cours. Dès lors, une seule règle demeure : survivre.

Best-seller de renommée internationale, prix Médicis étranger adapté au cinéma par John Boorman, Délivrance est de ces découvertes littéraires brutales et inoubliables. À bord du canoë, happé par la voix d'Ed, le lecteur poursuit cette aventure dont nul ne sortira indemne.

Une tension à vous vriller les boyaux ...
                                                                  THE WASHINGTON POST


James Dickey est né en 1923 à Atlanta. À dix-neuf ans, il s'engage dans l'armée de l'air et sera pilote de chasse pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. À son retour du front, il travaille un temps dans la publicité, notamment pour Coca-Cola, déclarant qu'il vend son âme au diable par simple nécessité financière et tente de la racheter chaque nuit en écrivant. En 1962, il publie son premier recueil de poèmes et en 1965 obtient le National Book Award pour son recueil Buckdancer’s Choice. Après avoir été nommé consultant en poésie pour la bibliothèque du Congrès, il devient professeur à l'université de Caroline du Sud à Columbia. En 1970, il publie Délivrance, qui obtiendra le prix Médicis étranger en France et sera adapté au cinéma par John Boorman, ce qui assurera à cette terrible fiction une renommée internationale. James Dickey fait une apparition à la fin du film dans le rôle du policier. Il meurt à Columbia en 1997 après avoir souffert pendant plusieurs années d'une fibrose des poumons et d'alcoolisme.

Mon avis ★★★★★


Un jeu, ni plus ni moins qu'un jeu...c'est comme cela que Lewis Meldock voit les choses, comme cela et pas autrement qu'il envisage cette descente en canoë de la rivière Cahulawassee (rivière fictive) avant qu'elle ne soit totalement inondée après la construction d'un barrage. Un jeu fou, un jeu empreint d'adrénaline, un jeu pour sortir du train train quotidien, pour renouer avec la nature sauvage, pour s'éclater entre potes, faire un truc sensationnel, inoubliable, grisant, puiser au plus profond de soi pour se retrouver, pour se confronter à la nature sauvage, l'apprécier et la subir ... vivre pleinement quoi ! Il embarque trois de ses amis, Drew, Bobby et Ed dans cette "joyeuse" aventure, une virée entre potes, feu de bois, guitare et alcool pour les soirées, oui "joyeuse" aventure, parce que même si ses potes envisagent les risques que cette escapade peut contenir, même si leur hésitation est palpable, ils éprouvent l'envie de suivre leur ami dans cette folle aventure, de sortir de leur quotidien, et se laissent convaincre; ça vaut forcément le coup !
Un mauvais coup...cette virée n'aura plus grand chose de joyeux après la première nuit, elle va virer à l'horreur, se transformer en un drame hallucinant, en une traque sans merci, et d'une sauvagerie redoutable. Des éléments de la nature peu propices pour des amateurs ...il nous faut un peu plus que l'espoir. Il nous faut de la maîtrise..., une rencontre avec deux individus douteux qui débouchera sur un scénario catastrophe réglé à coup de flèches, une traque brillamment décrite Je ne pourrais le tuer qu'à l'unique condition qu'il fasse le raisonnement que j'avais supposé qu'il ferait. Non pas à peu près : il fallait qu'il fasse exactement le même raisonnement. Il allait falloir que nos esprits fusionnent, ... autant d'éléments qui font de ce roman une aventure dont on ne ressort pas indemne. SURVIVRE, voila ce qui va occuper les quatre compères, et ce n'est pas une mince affaire, vous vous en doutez ... C'est absolument vertigineux, effroyable ! 

La scène du duo musical entre Drew à la guitare et un jeune gamin muet, jouant du banjo est géniale, elle nous transporte loin dans ces montagnes bleues, elle est belle, hallucinante, vibrante.

Et quelle extrême maîtrise de la narration ! Les descriptions de la nature, de la rivière et de ses bruits sont pointues et permet au lecteur de toucher du doigt cette eau froide, d'être immergée dans cette aventure hallucinante, glaçante, plongé dans une atmosphère oppressante, et de se tordre les boyaux bien comme il faut ! Un thriller palpitant.

Le film donne vraiment envie, et j'imagine bien retenir mon souffle durant toute sa durée !

«Le monde commençait à devenir très sauvage et très calme. Il me vint en tête d'avoir peur et, immédiatement, j'eus peur. Ce qui m'étonnait le plus, c'était la splendide impersonnalité du lieu. Je n'aurais pas cru que cela me frapperait avec une telle immédiateté, ou une telle force. Le silence et le bruit de silence de la rivière n'avaient rien à faire d'aucun de nous. N'avaient rien à faire de la ville que nous venions de quitter, avec ses quelques lampadaires dans la nuit des montagnes, ses cafés et ses têtes de fermiers dans la lasse lueur électrique de la place centrale [...] je revis notre arrivée dans les montagnes bleues, leurs formes, couleurs et position mouvantes alors que, d'une manière ou d'une autre, j'avais l'esprit tendu vers l'arrière.
- Lewis, dit Drew, je suis sérieux. Dis-nous ce que tu as derrière la tête. C'est la vraie vie, là, pas un de tes putains de jeux.
- [...] Mais tu te trompes si tu crois que la situation dans laquelle nous sommes n'a rien d'un jeu. C'est peut-être le jeu le plus sérieux qui soit, mais si tu vois pas en quoi c'est un jeu, alors tu passes à côté d'un point très important.
- Comment ça ? dit Lewis en se tournant sèchement vers lui. Mais tu as déjà tout à faire là-dedans. Toi tu veux être honnête, tu veux soulager ta conscience, tu veux agir dignement. Mais t'as pas de couilles pour prendre le moindre risque. Crois-moi, si on fait ce qu'il faut, on rentrera chez nous aussi blancs qu'on était en partant. Enfin, si personne ne nous balance.
- Tu sais très bien que je ne ferai jamais ça, Lewis, dit Drew en le fixant derrière des lunettes aux verres sensiblement épaissis par la colère. Mais je ne marche pas dans ce coup. C'est pas une question de couilles, c'est une question de droit.
Je n'avais jamais rien fait de tel, même en pensée. Dire que c'était comme un jeu ne donnerait pas une image juste de l'effet que cela me faisait. Je savais que ce n'était pas un jeu et pourtant ...
Je ne pourrais le tuer qu'à l'unique condition qu'il fasse le raisonnement que j'avais supposé qu'il ferait. Non pas à peu près : il fallait qu'il fasse exactement le même raisonnement. Il allait falloir que nos esprits fusionnent.
Avant qu'il y eût tout à faire il n'y eut plus rien à faire. Son cerveau et le mien se découplèrent et s'éloignèrent, et d'une certaine manière j'en éprouvai de la peine. Je ne m'étais jamais uni à l'esprit d'un autre homme pour penser ainsi à des questions de vie ou de mort, et cela ne m'arriverait plus.»

Blue Ridge Mountains
Chaîne montagneuse de l'Est des Etats-Unis, 
qui forme la partie orientale des Appalaches

Deliverance - Trailer
Nominated for three Academy Awards including Best Picture, directed by Oscar-nominated John Boorman ("Hope And Glory"), and starring Academy Award-winner Jon Voight ("Mission: Impossible," "Heat") and Oscar- nominee, Golden Globe and Emmy-winner Burt Reynolds ("Boogie Nights," "Evening Shade")


Chattooga, utilisée comme cadre pour 
la rivière fictive Cahulawassee
pour le  film de John Boorman


2 commentaires:

  1. Une atmosphère oppressante, c'est tout à fait ça et ça se ressent bien à la lecture...
    Sacré bouquin et sacré film !

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