vendredi 19 mars 2021

Mousson froide ★★★★☆ de Dominique Sylvain

Une pause polar
, ça fait toujours du bien. 
Après quelques lectures un peu dures, elle est arrivée à point nommée. 

Un plaisant moment de lecture, pas de tout repos non plus. 
Dominique Sylvain nous malmène, nous trouble, nous perd un peu, au début surtout, et nous surprend en donnant la parole à un chien. C'est avec sa truffe qu'il s'exprime lui, d'ailleurs, et selon les odeurs qu'il hume, il est capable de nous donner un aperçu des états dans lesquels se trouvent les protagonistes à un moment donné. J'ai bien aimé ce concept, qui n'est pas commun, et qui apporte un décalage sympathique à la lecture. 
Une lecture qui nous emmène de Séoul à Montréal, d'une fuite dans le passé à la sortie anticipée de prison d'un gangster, de l'élaboration d'une vengeance sanglante à une idylle, d'une voix à une autre. La tension monte crescendo, nous happe, et à l'instar de Mark, un des personnages principaux, qui lui est hanté par un passé « replié serré » et un héritage paternel aussi abominable qu'inenvisageable, nous sommes hantés par cette vengeance diaboliquement orchestrée, et même si j'ai trouvé qu'il n'y a eu que peu de surprises dans le scénario, j'ai tout de même apprécié ma lecture. 
J'ai noté quelques incohérences temporelles, mais j'ai lu une version non corrigée ; ces petites erreurs ont peut-être été corrigées pour la sortie officielle du livre le 11 mars 2021. 
Une lecture qui m'a donné envie de lire davantage de polars, qui ne font plus vraiment partie de mon paysage littéraire depuis quelques années. Et c'est bien dommage ! 
Grâce à cette lecture, j'ai aussi découvert une nouvelle auteure qui semble composer de "savoureux" polars, alors que demander de mieux ! Un grand merci à Babelio et son Masse Critique privilégiée, à Dominique Sylvain et aux éditions Robert Laffont.

« Un ange au pays des monstres. 
Jade et moi n'en avons pas l'air, mais nous sommes des chasseurs d'ogres.
Une seule certitude en ce bas monde : la droiture et l'altruisme de ma jeune maîtresse sont mes boucliers contre les effets délétères de l'infamie. La cruauté est une notion qui m'est étrangère, et essayer de comprendre ce qu'elle apporte aux humains me donne envie de hurler à la lune. Un sport qui est plus dans l'esthétique d'un husky que dans celle du labrador. On ne se refait pas. »

« Ce bon vieux Yong-hwan. Ce bon vieux Yogwe, ce bon vieux démon.
Il étouffe un rire. 
Ce surnom, il le tient depuis l'école. Les autres déformaient son prénom et se foutaient de lui. Il lui avait fallu un moment pour percuter. Et pour admettre que ce surnom, il lui allait comme un gant. Il était noble. Un Yogwe, c'est une plante ou une bestiole qui a viré diabolique. Un yogwe ne ressemble plus à ce qu'il était à sa naissance. En échange, il gagne des pouvoirs. Des pouvoirs maléfiques. »

« « Qui sait, un jour, avec ta gueule et c'que t'as dans le crâne, tu pourras faire d'la politique. Pense toujours à la vie comme à un escalier. » Yong-hwan a suivi ses conseils. Mais, pour une fois, Goro s'est planté. Il n'a pas vu venir la vague noire. Ce moment où le gouvernement a arrêté les frais. En 1990, une loi a interdit les gangs. Beaucoup de geondal ont fui le pays ou réduit leur business, et les flics se sont mis à surveiller les repentis. Goro s'est barré. Un direct pour les États-Unis. Il a dit qu'il reviendrait une fois les choses tassées. Mais il a dû se plaire là-bas et n'a plus jamais  refoutu les pieds en Corée. »

« Mark se redresse, se frotte le visage, grogne entre ses doigts. C'est perdu. C'est mort. La nuit est une chienne qui réclame son dû. »

« Il nous a fallu près d'une demi-heure pour rallier Montréal-Nord. L'enthousiasme de la neige n'ayant pas faibli, les déblayeurs étaient de sortie et peinaient à suivre le rythme ; des travaux en cours sur l'autoroute n'arrangeaient pas la situation. Tout le long du trajet, focalisé sur sa mission, mon humaine ne s'est accordé ni un soupir ni un murmure. J'ai perçu ses efforts pour se concentrer, ils s'entrelaçaient aux ondes de l'affection qu'elle me porte. Ces moments où elle et moi parlons la même langue silencieuse, je les vénère. »

« Dans la foulée, le vent m'apporte le parfum humide et musqué de la rivière des Prairies. Il se mêle aux senteurs d'un groupe d'arbres. L'odeur acide du ginkgo biloba domine celles des tilleuls et des marronniers. »

« Mélanger le vrai et le faux. Glisser une once de réalité dans sa fiction. Pour rendre les choses plus « intéressantes ». Et savourer la naïveté de ses victimes. Je me dis que c'est bien là l'idée d'un pervers complet. »

« De son point de vue, son brio l'écarte du commun des mortels. À quoi bon canaliser ses pulsions, se conformer aux lois et respecter l'intégrité physique et mentale des autres quand on se juge supérieur ? »

« Mark sort rincé de la salle d'interrogatoire. Des heures à chercher la faille. Le photographe est d'une arrogance inouïe. Persuadé d'être un type exceptionnel, un brillant esthète que les pauvres lois humaines ne concernent pas. Il n'a rien lâché. Une âme en chiendent. »

« Décidément, les êtres humains ne sont pas si bien servis que cela par la nature. S'ils savaient déchiffrer les odeurs, ces messages invisibles, ils encaisseraient moins de déconvenues. »

Quatrième de couverture

Une histoire sombre portée par une écriture lumineuse.

Séoul, 1997. Un gangster accomplit une vengeance sanglante.
Montréal, 2022. Mark, un flic d’origine coréenne, Jade et Jindo, son labrador à l’odorat affûté, spécialisé dans la détection de mémoires électroniques, enquêtent sur un réseau pédopornographique.
Alors que les premiers coupables de cette sombre affaire tombent, un mystérieux tueur ensanglante l’hiver montréalais. L’homme, insaisissable, redoutable, a croupi plus de deux décennies dans une prison coréenne. À peine libéré, il monte dans un avion, destination le Québec, déterminé à prendre la revanche qu’il fomente depuis des années.
Dans la ville enneigée, l’assassin poursuit son passé…

Mousson froide est un roman peuplé de personnages complexes, attachants souvent, terrifiants parfois. Leurs destins se croisent, les points de vue s’entremêlent pour tisser une intrigue captivante.

Éditions Robert Laffont, mars 2021
377 pages

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