dimanche 14 juin 2020

La commode aux tiroirs de couleurs ★★★★☆ d'Olivia Ruiz

« Parce que je sais que se construire 
avec une histoire, 
même riche de blessures autant que de joies, 
d'épreuves surmontées comme de miracles accueillis, 
c'est une chance. »

Une belle entrée en littérature ! 
Pas de doute Olivia Ruiz sait raconter, conter de sa belle voix, émerveiller ses lecteurs de sa plume agile, fluide, sans ambages, avec poésie, tendresse et humour.
Sur le silence des ses grands-parents est née cette belle histoire de femmes et d'exil, avec, en toile de fond, la guerre espagnole. 

Deux illustres poètes contestataires, cités en exergue, ouvrent le bal et nous guident vers ces belles pages, sur les sentiers douloureux du déracinement, de la perte des êtres aimés, dans les souffrances d'un coeur brisé, dans les tourbillons enivrants de l'amour, et ceux brûlants des souvenirs et des secrets.

Olivia Ruiz a tissé un beau roman de son imagination fertile. Petite-fille de grands-parents exilés de la Guerre d'Espagne, elle est la génération qui a envie de «... savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va », de creuser, de déterrer les secrets de famille, les non-dits.
La commode aux tiroirs de couleurs est un retour dans un passé à la fois sombre et lumineux. Elle est attirante, cette commode, un arc-en-ciel de tiroirs aux petites clefs de métal doré, des "renferme-mémoire". Elle déborde de colère, d'injustice, de joies, de peines, de bonheurs, de doux parfums. Une commode qui raconte ce qu'aurait pu être la vie de son Abuela et celle de sa maman, comme un prolongement de la présence des absentes.
« L'idée de remplir les tiroirs de cette commode de nos vies m'est venue comme une fulgurance. Dès que je me suis retrouvée face à elle, je me suis autorisée à laisser remonter mes souvenirs. [...] Nos couleurs. Chaudes, franches. Je veux que ces femmes si différentes, si vivantes, si complexes qui composent ton arbre généalogique puissent t'inspirer et t'aider à savoir qui tu es, le fruit de quels voyages et de quelles passions. [...] A ton tour d'y faire de la place pour votre futur. »
Un beau roman, touchant, nécessaire aussi.
Merci Olivia Ruiz, merci aussi à votre bonne fée, Olivia de Dieuleveult pour avoir cru en vous, et en vos deux nouvelles, et vous avoir poussée à croire en vous. Merci aussi à Mathias Malzieu si j'ai bien compris ;-)
Une rencontre colorée hier à la Librairie des Abbesses, merci pour ce moment de partage, de lectures et d'échanges, et un invité surprise : des sons de Hard-rock !! Mémorable !
Bravo !

« Se taire et brûler de l'intérieur est la pire des punitions qu'on puisse s'infliger. »
Federico Garcia Lorca

« Le déracinement pour l'être humain est une frustration qui d'une manière ou d'une autre modifie la clarté de son âme. »
Pablo Neruda

« Épuisée par mon chagrin, j'ai soudain la sensation d'être ma grand-mère quatre-vingts ans plus tôt, gravissant les Pyrénées. Grelottante. Perdue. Amputée. Elle de sa terre. Moi de sa présence désormais. »

« Ma grand-mère, depuis toujours, c'est elle qui décide, elle qui nous mate. Elle est comme sa cuisine, d'abord elle te tente irrésistiblement, te surprend, puis te violente de son tempérament épicé. Quand le repas est est terminé pourtant, c'est une saveur suave qui te reste dans la bouche, rassurante parce qu'elle te donne l'impression d'être aimé passionnément. »

« Mieux vaut croire au Père Noël et souffrir d'apprendre son inexistence que de ne pas goûter au plaisir de la rêverie infinie qu'il engendre, non ? »

« C'est si facile de partir quand on ignore que c'est peut-être pour toujours. »

« J'ai compris que toute ma vie serait écrite à l'encre rouge de ces quelques jours. »

« Le ciel s'ouvrait, pour me donner la chance d'inventer un avenir ambitieux. Mais je pouvais suer sang et eau, je restais une paria d'Espagnole qui avait débarqué chez aux avec ses quatre cent mille cousins. Il ne pourrait rien m'arriver de grand. Je survivrais au mieux. Moi, je voulais un peuple. Un peuple face auquel je n'aurais pas honte et qui n'aurait pas honte de moi. »

« Je l'aimais bien, mais je trouvais mes rêves trop grands pour lui. »

« Chaque accord qu'il égrène sans y penser révèle tout ce que j'occulte. Le manque. Le manque mortel. Des miens, de mon pays, de toute cette vie qui n'est plus. Je ne veux pas entendre cette musique, je ne suis pas apte à soigner la petite fille que j'étais, juste à l'enterrer provisoirement pour réussir à vivre. »

« Le souvenir, c'est bien quand il te porte. »

« En vieillissant, tu apprends que les secrets de famille peuvent devenir des gangrènes, vicieuses et parfois indécelables. Ta mère a catégoriquement refusé d'en savoir plus [...] 
- Maman, un secret, c'est fait pour être tu, c'est son essence même. Le révéler, c'est rompre son existence, le faire partir en fumée, et là, la vengeance du secret peut devenir terrible, a-t-elle dit en me souriant. Moi, les secrets, je n'y touche pas. Je leur laisse tranquilles dans leurs cachettes. Je t'assure, Maman, c'est mieux comme ça. »

« C'est vertigineux et merveilleux de sentir naître cela en soi. Donner la vie, c'est prendre un énorme pavé en pleine figure. Le plus beau pavé du monde, lancé du plus bel élan, du plus beau geste...mais en pleine figure tout de même. »

« Qu'il est lourd le silence quand on n'a pas d'outil pour l'anéantir. »

« Pour moi comme pour beaucoup d'immigrés, qui ne sont ni d'ici ni de là-bas, le voyage est une autre résidence, comme la langue est une maison. Le mouvement, chez moi, est un ancrage. Entendre et parler espagnol en revanche, c'est fredonner l'air de ma première berceuse. C'est redevenir l'enfant que j'ai été, c'est être au plus près de ce que je suis. Avant que la vie ne m'esquinte. »

Quatrième de couverture

À la mort de sa grand-mère, une jeune femme hérite de l’intrigante commode qui a nourri tous ses fantasmes de petite fille. Le temps d’une nuit, elle va ouvrir ses dix tiroirs et dérouler le fil de la vie de Rita, son Abuela, dévoilant les secrets qui ont scellé le destin de quatre générations de femmes indomptables, entre Espagne et France, de la dictature franquiste à nos jours.
La commode aux tiroirs de couleurs signe l’entrée en littérature d’Olivia Ruiz, conteuse hors pair, qui entremêle tragédies familiales et tourments de l’Histoire pour nous offrir une fresque romanesque flamboyante sur l’exil.

Éditions JC Lattès, juin 2020
198 pages

« Un premier roman magnifique sur l’exil. Un petit bijou. » Le Parisien

« La chanteuse se révèle être une romancière de talent avec La commode aux tiroirs de couleurs, une fresque familiale émouvante sur l’exil. » Version Femina

« À chaque tiroir qui s’ouvre, c’est comme une voix qui sort, pour conter la destinée de cette femme. Une réussite. » Causette








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