mardi 11 août 2020

Pêcheur d'Islande ★★★★★ de Pierre Loti

« Vivre et travailler en mer, c'est retrouver les forces vives de l'aube du monde, les énergies intactes de l'origine. "Cet air du large" qu'aspirent à plein poumons les marins en mer d'Islande est "vierge comme aux premiers jours du monde, et si vivifiant que, malgré leur fatigue", ils se sentent "la poitrine dilatée et les joues fraîches". »

Un classique émouvant, un récit vivifiant, avec pour personnages principaux la Mer et la Bretagne.
Une mer qui donne et qui reprend, dévoreuse d'hommes, pourvoyeuse de veuves...

Pierre Loti raconte avec simplicité et justesse, les rudes conditions de vie des marins de Paimpol, ces pêcheurs qui partaient pour de longues et éprouvantes campagnes de pêche en Islande, « une race vaillante de marins qui est répandue surtout au pays de Paimpol et de Tréguier et qui s'est vouée de père en fils à cette pêche-là ». Il décrit formidablement les sentiments des personnages, des mères, des épouses tiraillées par la peur de perdre les êtres aimés. 

Pêcheur d'Islande est aussi une belle histoire d'amour, timide, compliquée, passionnante entre Gaud, jeune fille bretonne, issue d'une famille riche, et Yann, pêcheur "islandais".

Une belle aventure humaine qui m'a touchée. 
Prendre le large avec Pierre Loti, c'est la garantie de l'évasion. Évasion réussie pour ma part ! 

« La lumière matinale, la lumière vraie, avait fini par venir ; comme au temps de la Genèse, elle s'était séparée d'avec les ténèbres qui semblaient s'être tassées sur l'horizon, et restaient là en masses très lourdes ; en y voyant si clair, on s'apercevait bien à présent qu'on sortait de la nuit - que cette lueur d'avant avait été vague et étrange comme celle des rêves. »

« Elle aussi lui souriait, en le regardant toujours bien en face ; répondant très peu de chose, mais écoutant avec toute son âme, toujours plus étonnée et attirée vers lui. Quel mélange il était, de rudesse sauvage et d'enfantillage câlin ! Sa voix grave, qui avec d'autres était brusque et décidée, devenait, quand il lui parlait, de plus en plus fraîche et caressante ; pour elle seule, il savait la faire vibrer avec une extrême douceur, comme une musique voilée d'instruments à cordes. »

« Le gai temps de juin souriait partout autour d'elle. Sur les hauteurs pierreuses, il n'y avait toujours que les ajoncs ras aux fleurs jaune d'or ; mais dès qu'on passait dans les bas-fonds abrités contre le vent de la mer, on trouvait tout de suite la belle verdure neuve, les haies d'aubépine fleurie, l'herbe haute et sentant bon. Elle ne voyait guère tout cela, elle, si vieille, sur qui s'étaient accumulées les saisons fugitives, courtes à présent comme des jours... »

« Un vrai printemps, ce dernier jour, c'était particulier et étrange de voir tout à coup ce grand calme, et plus un seul nuage dans ce ciel habituellement tourmenté. Le vent ne soufflait de nulle part. La mer s'était faite très douce ; elle était partout du même bleu pâle, et restait tranquille. Le soleil brillait d'un grand éclat blanc, et le rude pays breton s'imprégnait de cette lumière comme d'une chose fine et rare ; il semblait s'égayer et revivre jusque dans ses plus profonds lointains. L'air avait pris une tiédeur délicieuse sentant l'été, et on eût dit qu'il s'était immobilisé à jamais, qu'il ne pouvait plus y avoir de jours sombres ni de tempêtes. Les caps, les baies, sur lesquels ne passaient plus les ombres changeantes des nuages, dessinaient au ciel leurs grandes lignes immuables ; ils paraissaient se reposer, eux aussi, dans des tranquillités ne devant pas finir... Tout cela comme pour rendre plus douce et éternelle leur fête d'amour - et on voyait déjà des fleurs hâtives, des primevères le long des fossés, ou des violettes, frêles et sans parfum. »

Quatrième de couverture

C'est l'histoire d'un amour longtemps jugé impossible que nous conte ce roman, publié en 1886, et depuis lors admiré par plusieurs générations. Mais c'est surtout un grand drame de la mer, et l'une des expressions les plus abouties de thème éternel. Marin lui-même, Pierre Loti y déploie une poésie puissante, saisissante de vérité, pour dépeindre la rude de vie des pêcheurs, l'âpre solitude des landes bretonnes, le départ des barques, la présence fascinante et menaçante de l'Océan.

Éditions originales Calmann-Levy, 1886
319 pages
Lu en version poche aux éditions Le Livre de poche

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