dimanche 21 février 2021

Enfants de poussière ★★★★☆ de Craig Johnson

J'ai commencé par la série "Longmire" avec Molosses. Je m'étais dit que je reviendrais lire Craig Johnson, me rendrais de nouveau à Durant dans le Wyoming pour élucider une enquête aux côtés du shérif Walt Longmire. C'est son humanité qui m'avait plu, son coeur tendre, son côté un peu bourru et sa relation attentionnée avec sa fille Cady, avec ses collègues. 
J'ai retrouvé ce colosse avec plaisir, de même que d'autres protagonistes bien campés qui ne m'étaient plus inconnus, comme son ami amérindien Henri Standing Bear. 
Enfants de poussière est un très bon thriller, le démarrage est un peu lent, pas simple à comprendre, j'ai eu un peu de mal à assembler les morceaux, mais une fois que c'est parti, je n'ai pas pu lâcher le bouquin. Et c'est une double enquête que j'ai suivie. Deux mystères, un survenu dans le passé pendant la guerre du Vietnam, l'autre, quelques quarante années plus tard, dans le Wyoming, dans le comté fictif d'Absaroka, isolé du monde, témoin de tensions entre communautés, et, dans cet opus, peuplé de revenants de la guerre.  

Enfant de poussière est « la traduction de l'expression américaine dust child qui désigne ces enfants non désirés, nés pendant la guerre du Vietnam, rejetés par la société, comme leurs mères, souvent accusées d'être des prostituées. »
Lire Craig Johnson, c'est, à mon avis, avoir la garantie de lire un très bon polar, à l'intrigue bien ficelée, aux personnages hauts en couleur, mais c'est aussi, s'enrichir au contact des autres, apprendre, et réfléchir sur notre société. 
Avec Enfants de poussière, Craig Johnson dénonce les violences de notre civilisation, et nous montre l'homme capable du plus beau et même du pire ! Il nous donne aussi un réel aperçu des traumatismes qu'une guerre laisse derrière elle... 

Prochain rendez-vous : le premier tome de cette série. J'ai commencé par le sixième, ici le quatrième, j'ai comme envie de faire les choses un tant soit peu dans l'ordre ;-) Parce que j'accroche de ouf !

« Je restai là, à la regarder s’éloigner dans un hurlement de pneus lorsqu’elle sortit du parking. Je tentai de comprendre ce que j’avais fait de travers. Je savais que j’étais un peu rouillé, mais sa réaction paraissait un peu brutale. Je démarrai le Bullet et mis ma ceinture. Henry resta assis sans dire un mot. Le chien ne dit rien non plus»

«  Je pensais à tous les souvenirs pernicieux qui m'assaillaient depuis quelque temps, les griefs, les doutes, l'orgueil blessé, la culpabilité, et toute l'amertume causée par le débat moral au sujet d'une guerre achevée depuis longtemps. Je restais là avec la même impression que celle que j'avais eue dans le tunnel lorsque le grand Indien avait essayé de m'étrangler. Je m'étouffais en repensant à un passé qui provoquait malaise, agitation et perte de repères. »

«  Le Vietnamese Amerasian Homecoming Act a ouvert la voie à des dérives ; un certain nombre d'agents vietnamiens travaillant au consulat américain se mettent en cheville avec des "courtiers" qui achètent les passeurs qui ... Comment dit-on en langue familière ? ... font entrer en douce des illégaux aux États-Unis. Le consulat américain leur accorde un visa dès qu'ils emmènent leur nouvelle...heu...famille, disons, avec eux. Ces courtiers se font près de vingt mille dollars par visa accordé aux accompagnants. »

« Je continuai à pianoter à la recherche de la partie sonore du clavier en pensant à Ho Thi Paquet, à son corps abandonné si lâchement à côté du tunnel de l'autoroute, à Tran Van Tuyen et à l'expression de son visage lorsque je l'avais interrogé au cimetière, et enfin à Mai Kim. Je repensai à la photo cachée dans la doublure du sac à main, à la personne que j'étais au Vietnam, à la manière dont Virgil White Buffalo regardait les enfants dans la cour, de l'autre côté de la rue. »

« Le rapport du service d'immigration et de naturalisation indiquait que, dans les dernières années, cinquante mille immigrantes clandestines avaient été amenées aux  États-Unis pour le seul usage de l'industrie du sexe. L'histoire de Ho Thi Paquet et Ngo Loi Kim faisait dresser les cheveux sur la tête, mais il n'y avait pas que cela. 
- Enfants de poussière était un écran pour cacher l'importation des jeunes femmes, et Trung Sisters Distributing les distribuait dans les bordels du monde entier, jusqu'à Londres. »

«  Il savait que nos chemins n'étaient pas si différents l'un de l'autre. Nous nous étions enfuis le plus loin possible de la guerre, jusqu'aux franges de notre société, mais le Vietnam nous avait rattrapés : les circonstances, deux filles désespérées, un méchant très méchant, une vieille photographie et une lettre décolorée s'en étaient chargés. »

Quatrième de couverture

Le comté d'Absaroka, dans le Wyoming, est le comté le moins peuplé de l’État le moins peuplé d'Amérique. Aussi, y découvrir en bordure de route le corps d'une jeune Asiatique étranglée est-il plutôt déconcertant. Le coupable paraît pourtant tout désigné quand on trouve, à proximité des lieux du crime, un colosse indien frappé de mutisme en possession du sac à main de la jeune femme. Mais le shérif Walt
Longmire n'est pas du genre à boucler son enquête à la va-vite. D'autant que le sac de la victime recèle une autre surprise : une vieille photo de Walt prise quarante ans plus tôt, et qui le renvoie à sa première affaire alors qu'il était enquêteur chez les marines, en pleine guerre du Vietnam.

Enfants de poussière entremêle passé et présent au gré de deux enquêtes aux échos inattendus. Ce nouveau volet des aventures du shérif Longmire et de son ami de toujours, l'Indien Henry Standing Bear, nous entraîne à un rythme haletant des boîtes de nuit de Saïgon aux villes fantômes du Wyoming. 

Enfants de poussière s'enfonce plus profondément que tout autre roman de Johnson dans les ténèbres du passé de Longmire.
LOS ANGELES TIMES

Éditions Gallmeister, février 2012
324 pages
Prix SNCF du Polar 2015

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