mardi 7 juin 2016

78 de Sébastien Rongier****



Editeur : Fayard - Date de parution : Août 2015

140 pages

Résumé éditeur


Il y a cet homme qui a gardé le réflexe de tendre la main sous la table pour caresser son chien, alors que son chien est mort. Cette femme qui boit du Get 27 pour oublier que son amant ne viendra pas. Ce militant d’extrême droite qui cherche à embrigader le patron de la brasserie. À l’abri des regards, dans la cuisine, il y a le rescapé d’une nuit d’octobre. Et puis il y a l’enfant. L’enfant qu’un adulte accompagnait mais qui est seul à présent devant son verre vide. L’enfant qui attend que l’adulte revienne.
Nous sommes en 1978, dans une brasserie près de la cathédrale de Sens. C’est un instantané de la France et d’une époque. Mais aussi le récit atemporel et poignant de la perte de l’enfance, dans le bourdonnement indifférent de cette ruche française.

Sébastien Rongier fait d’un café une chambre d’échos, où résonnent les voix d’un pays venant tout juste de basculer dans la crise. Avec les guerres mondiales et coloniales, le paysage social se décompose et se recompose. Et les différentes lignes de forces du passé et du présent se croisent toutes, dans ce bar, dressant un portrait à la fois morcelé et puissant du xxe siècle français.

Auteur d’un premier roman en 2009 (Ce Matin, Flammarion), Sébastien Rongier publie également des essais d’esthétique sur les formes artistiques et sur l’image : Cinématière (Klincksieck) et Théorie des fantômes. Pour une archéologie des images (Les Belles Lettres).

Mon avis   ★★★★☆


Lecture très originale (elle se passe en une journée/soirée, dans une brasserie de Sens), rendue oppressante, voire déstabilisante par l'enchaînement de chapitres très courts.
Il ne s'agit pas d'une histoire mais de plusieurs histoires, plusieurs morceaux de vies. Il y a ces deux femmes, Alice et Christelle, l'une refuse une demande en mariage et un destin tout tracé, l'autre, attend désespérément un homme marié, qui ne viendra jamais. En 1978, c'était donc aussi les prémices de l'émancipation féminine. Dans ce roman, la femme n'est pas ménagée et les propos envers les femmes sont crus.
Il y aussi les fachos, dont le leader cherche à amadouer Max, le patron du bar, par tous les moyens, afin que ce dernier soit de leur côté. Il y a aussi ce vieillard, aux propos vulgaires, désagréable personnage.
Mais surtout, il y a cet enfant, assis devant son verre de menthe à l'eau, dont la situation est ambiguë et qui attend que celui qui l'accompagnait vienne le chercher. Nous revenons sans cesse à ce personnage central, dont le regard est dirigé vers la porte de sortie. Il joue, pour surmonter sa peur et faire passer le temps de cette attente interminable.
J'oubliais aussi, il y a Mohamed, le cuisinier, qui cache un lourd secret.
La lecture est complexe, même si l'écriture est fluide, l'histoire n'est pas si limpide qu'elle pourrait en avoir l'air.
J'ai beaucoup aimé cette forme d'écriture, et ce fût très plaisant de découvrir les personnages au fil de l'eau, de rassembler les informations parsemées afin de saisir les personnages. J'ai eu l'impression d'être dans ce café, à les observer. C'est dire à quel point ce livre est prenant.



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