lundi 6 juin 2016

Les armoires vides de Annie Ernaux****



Editeur : Gallimard Collection Folio (2006)

Edition originale : 1974
182 pages

4ème de couverture


" Ça suffit d'être une vicieuse, une cachottière, une fille poisseuse et lourde vis-à-vis des copines de classe, légères, libres, pures de leur existence...Fallait encore que je me mette à mépriser mes parents. Tous les péchés, tous les vices. Personne ne pense mal de son père ou de sa mère. Il n'y a que moi ". Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale, par l'auteur de La place.

Mon avis   ★★★★☆


C'est le troisième roman d'Annie Ernaux que je lis. Elle écrit sur sa vie. Beaucoup de critiques appuie sur le fait que lire un Ernaux revient à lire tous les Ernaux.

Il est certain que l'on retrouve sa pâte, que certains matériaux autobiographiques ont été déjà contés et ne nous sont pas inconnus mais néanmoins, de chacun de ses romans se dégagent une atmosphère différente, un thème différent. Dans La place, j'ai trouvé de la douceur face aux regrets qu'elle exprime de ne pas avoir su se rapprocher, dialoguer avec son père, dans la femme gelée, c'est sa vie de femme mariée qu'elle décortique et dans Les armoires vides, l'ambiance est encore tout autre, puisqu'elle décrit froidement, douloureusement, honteusement son IVG.

Pas de douceur, pas de tendresse avec elle-même, elle décrit, au travers de Denise Lesur, la narratrice, cette épisode déchirant de sa vie, qu'elle considère comme sa punition, ultime punition, pour avoir détesté ses parents qui n'évoluaient pas dans le monde des "distingués". Elle nous conte, sa haine, sa honte, sa jalousie, ses humiliations, elle nous conte, sur un ton vif et saccadé, empreint d'une vive sincérité, la douleur de la déchirure sociale.
"J’ai été coupée en deux, c’est ça, mes parents, ma famille d’ouvriers agricoles, de manœuvres, et l’école, les bouquins, les Bornins. Le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c’est trop tard. « On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études ! » qu’il a dit un jour. Moi aussi peut-être."

Quel talent !


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