dimanche 5 juin 2016

Le pavillon d'or de Yukio Mishima****


Collection Folio , Gallimard, février 1975
384 pages
Traduit du japonais et préfacé par Marc Mécréant
Première parution en France aux éditions Gallimard en 1961
Edition originale en 1956, titre original : 金閣寺, Kinkaku-ji
Adapté au cinéma en 1958 Le Pavillon d'or (Enjo), film japonais réalisé par Kon Ichikawa

Résumé


Mizoguchi est le fils d'un prêtre bouddhiste. Il vit avec son oncle dans la campagne japonaise, dans le village de Shiraku. Il est éduqué par son père avec l'idée que le Pavillon d'or de Kyoto est le paroxysme de la beauté ; cette image devient peu à peu une fixation, une référence pour sa perception de l'esthétique.

Étant pauvre et bègue, il n'a pas d'amis à l'école, et il se réfugie dans des fantasmes de vengeance.Son père, malade, l'emmène pour la première fois au Pavillon d'or en 1944. Mizoguchi est très déçu par la beauté formelle du temple, qu'il avait imaginé très vaguement, comme une impression plus que comme un objet formel. Il est présenté au supérieur, Tayama Dosen. Après la mort de son père, le jeune homme devient novice du Pavillon d'or.

Le jeune homme développe peu à peu une fascination exacerbée pour le temple. Il développe l'ambition d'en devenir le maître, ou d'en être le destructeur. Il développe une amitié avec Tsurukawa, un autre novice, qu'il considère comme bien meilleur que lui et qui meurt peut-être en se suicidant, sans parler de son mal-être avec Mizoguchi. Cet échec le pousse vers une amitié avec un camarade de l'université qu'il fréquente, le cynique Kashiwagi, qui continue à donner à Mizoguchi le sentiment de la vanité et de la cruauté de la vie.

En parallèle, une rivalité se développe avec Tayama Dosen, et Mizoguchi comprend alors qu'il ne sera plus choisi pour lui succéder. Il décide donc de passer à l'acte en brûlant le temple.

La dernière image le montre contemplant son œuvre de destruction, fumant une cigarette.

Mon avis   ★★★★☆


Un roman très psychologique, empreint d'une grande poésie, une oeuvre assez mystérieuse , pas toujours évidente à saisir, mais qui m'a laissée un inaltérable souvenir.
Véritable introspection de ce jeune bonze shintoïste de Kyoto, mystérieux incendiaire, âme tourmentée, écrite d'une main de maître.
L'auteur décrit de magnifiques paysages et certains passages sont de la poésie pure, comme cette scène une scène d'adieu entre un soldat qui part sur le front et sa fiancée dont Misogushi est témoin :
"Sans rien changer à sa pose parfaitement protocolaire, la femme, tout à coup, ouvrit le col de son kimono. Mon oreille percevait presque le crissement de la soie frottée par l'envers raide de la ceinture. Deux seins de neige apparurent. Je retins mon souffle. Elle prit dans ses mains l'une des blanches et opulentes mamelles et je crus voir qu'elle se mettait à la pétrir. L'officier, toujours agenouillé devant sa compagne, tendit la tasse d'un noir profond. Sans prétendre l'avoir, à la lettre, vu, j'eus du moins la sensation nette, comme si cela se fût déroulé sous mes yeux, du lait blanc et tiède giclant dans le thé dont l'écume verdâtre emplissait la tasse sombre - s'y apaisant bientôt en ne laissant plus traîner à la surface que de petites tâches -, de la face tranquille du breuvage troublé par la mousse laiteuse."

Citations & Extraits


"Les femmes : bulles de savon ; l'argent : bulles de savon ; la renommée : bulles de savon. Les reflets sur les bulles de savon sont le monde dans lequel nous vivons."

"Kashiwagi, lui, m'avait le premier enseigné la voie détournée et ténébreuse par où prendre la vie à revers. A première vue, cela paraissait mener droit à la destruction; en réalité, cela foisonnait d'inattendus stratagèmes, métamorphosait la couardise en courage: c'était une sorte d'alchimie par laquelle ce que nous appelons vice redevenait ce qu'originellement il est: de l'énergie à l'état pur."

"Du point de vue de la connaissance, jamais la Beauté n'est consolation. Ce peut être une femme, ce peut être une épouse, ce n'est jamais une consolation. Cependant, du mariage de la connaissance et de cette Beauté qui n'est pas une consolation, quelque chose naît. Quelque chose d'éphémère, de pareil à une bulle, à quoi l'on ne peut absolument rien. Oui, quelque chose naît ; et c'est ce que les gens appellent l'ART."

"Le bègue, dans ses efforts désespérés pour proférer le premier son, est comme un oiseau qui se débat pour se dégager d'une glu tenace (sa glu, à lui, c'est son univers intérieur); et quand enfin il s'en dégage, c'est toujours trop tard."

"L'impossibilité de me faire comprendre est ma véritable raison d'être."

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