lundi 6 juin 2016

Le liseur du 06h27 de Jean-Paul Didierlaurent****


Editeur : Gallimard Collection Folio - Date de parution : août 2015
208 pages


Résumé Editeur


«Voilà, on voulait vous dire, on aime bien ce que vous faites. Ça nous fait drôlement du bien. 
Ça va bientôt faire un an que Josette et moi, on vient vous écouter tous les lundis et jeudis matin.» 

Sur le chemin du travail, Guylain lit aux passagers du RER de 6 h 27 quelques pages rescapées de livres voués à la destruction. Ce curieux passe-temps va l’amener à faire la connaissance de personnages hauts en couleur qui cherchent, eux aussi, à réinventer leur vie. 

Un concentré de bonne humeur, plein de tendresse et d’humanité.

Critiques Presse

« On se réjouit de cet hommage à la littérature et à la lecture. » Lire
« Ce livre en forme de conte moderne surprend par ses personnages singuliers qui subliment leur quotidien de poésie. » Le Télégramme
« Le liseur du 6h27 est un must. Le ton est vif, la parabole, jolie ; le message, optimiste. Pourquoi bouder son plaisir ? » L’Express
« Ce livre enchantera votre journée. » Bernard Lehut, RTL

Mon avis   ★★★★☆


Guylain travaille au pilon, l'endroit où l'on détruit les livres invendus, afin de laisser la place aux nouveaux ouvrages. 
Il est un amoureux des livres, des mots.
Alors, à l'abri des judas de son chef tyrannique, il arrive à sauver quelques pages des livres condamnés.
Il appelle ces pages les "peaux vives", et les lit dans le train qui le conduit quotidiennement à l'usine...
Un chouette bijou, frais et léger, un souffle de vie tout empreint d'humour, de tendresse, d'amour, qui donne le sourire, et qui fait un bien fou.
Merci Jean-Paul Didierlaurent.


Citations & Extraits

"En trente-six ans d'existence, il avait fini par apprendre à se faire oublier, à devenir invisible pour ne plus déclencher les rires et les railleries qui ne manquaient pas de fuser dès lors qu'on l'avait repéré. N'être ni beau, ni laid, ni gros, ni maigre. Juste une vague silhouette entraperçue en bordure du champ de vision. Se fondre dans le paysage jusqu'à se renier soi-même pour rester un ailleurs jamais visité. Pendant toutes ces années, Guylain Vignolles avait passé son temps à ne plus exister tout simplement, sauf ici, sur ce quai de gare sinistre qu'il foulait tous les matins de la semaine.
Tous les jours à la même heure, il y attendait son RER, les deux pieds posés sur la ligne blanche qui délimitait la zone à ne pas franchir au risque de tomber sur la voie. Cette ligne insignifiante tracée sur le béton possédait l'étrange faculté de l'apaiser. Ici, les odeurs de charnier qui flottaient perpétuellement dans sa tête s'évaporaient comme par magie. Et pendant les quelques minutes qui le séparaient de l'arrivée de la rame, il la piétinait comme pour se fondre en elle, bien conscient qu'il ne s'agissait là que d'un sursis illusoire, que le seul moyen de fuir la barbarie qui l'attendait là-bas, derrière l'horizon, aurait été de quitter cette ligne sur laquelle il se dandinait bêtement d'un pied sur l'autre et de rentrer chez lui. Oui, il aurait suffi de renoncer, tout simplement, de retrouver son lit et de se lover dans l'empreinte encore tiède que son corps avait laissé pendant la nuit. Dormir pour fuir. Mais au final, le jeune homme se résignait toujours à rester sur la ligne blanche, à écouter la petite foule des habitués s'agglutiner derrière lui tandis que les regards se déposaient sur sa nuque en une légère brûlure qui venait lui rappeler qu'il était encore vivant."

"Pour tous les voyageurs présents dans la rame, il était le liseur, ce type étrange qui, tous les jours de la semaine, parcourait à haute et intelligible voix les quelques pages tirées de sa serviette. Il s’agissait de fragments de livres sans aucun rapport les uns avec les autres. Un extrait de recette de cuisine pouvait côtoyer la page 48 du dernier Goncourt, un paragraphe de roman policier succéder à une page de livre d’histoire. Peu importait le fond pour Guylain. Seul l’acte de lire révélait de l’importance à ses yeux. Il débitait les textes avec une même application acharnée. Et à chaque fois la magie opérait. Les mots en quittant ses lèvres emportaient avec eux un peu de cet écœurement qui l’étouffait à l’approche de l’usine."

"Lorsque le RER s’arrêta en gare et que les gens quittèrent leur wagon, un observateur extérieur aurait pu sans peine remarquer à quel point les auditeurs de Guylain détonnaient d’avec le reste des usagers. Leurs visages n’affichaient pas ce masque d’impassibilité qu’abhorraient les autres voyageurs. Tous présentaient un petit air satisfait de nourrisson repu."

"Ma tante, nantie de cette omniscience javellisée qui la caractérise, a classé ces bruits en trois catégories. Il y a tout d’abord ceux qu’elle désigne sous la jolie appellation des bruits nobles. Le cliquetis discret d’une ceinture que l’on déboucle, le chant léger d’une fermeture Éclair que l’on descend, le claquement sec d’un bouton pression que l’on dévérouille, sans oublier tous ces froissements d’étoffes, soieries, Nylon, cotons et autres tissus qui chantent contre les peaux en autant de frottements, froissements, froufroutements et autres friselis. Arrivent ensuite ce qu’elle nomme les bruits paravents. Toussotements gênés, sifflotements faussement enjoués, activation de chasse d’eau, tous ces sons censés étouffés la troisième catégorie sonore, celle des bruits d’activité : flatulences, gargouillis, clapotis, chant de l’émail, bruits de plongeons de haut vol, dévidage du rouleau de papier, déchirement de la ouate. Enfin, j’ajouterais pour ma part une dernière catégorie, plus rare mais ô combien ! intéressante, celle des bruits d’aise, tous ces vagissements et soupirs de contentement qui s’élèvent parfois vers le plafond lorsque s’ouvrent les vannes et que cascade sur l’émail le jet libérateur trop longtemps retenu ou l’avalanche bruyante d’un trop plein intestinal."

"C’était bon de constater qu’il existait un autre monde que celui de la STERN, un monde où les livres avaient le droit de finir leur vie douillettement rangés dans les casiers verts le long des parapets en vieillissant au rythme du grand fleuve sous la protection des tours de Notre-Dame."

"N’oublie jamais ça, petit : on est à l’édition ce que le trou du cul est à la digestion, rien d’autre !"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire